LE MONDE MEDIEVAL

Gorak a écrit:

...
Les Valois, toujours férus de faste et d'excentricités, mirent à l'honneur une chasse qui était très prisée en Asie et qui fut vraisemblablement rapportée des Croisades : la chasse au guépard.
Un veneur à cheval portait l'animal en croupe sur un coussin et le maintenait par une chaîne. Aussitôt qu'on apercevait un chevreuil ou un lièvre, on lachait le félin qui bondissait sur le gibier et l'étranglait.

La fauconnerie, autre art cynégétique apprécié aux temps médiévaux, était surtout pratiqué par les femmes.

Deux points que j'ignorais complètement. Merci.

Le Moyen Âge est beaucoup plus fascinant qu'on le pense, surtout quand on l'étudie dans les détails.

Une fois que l'on a retiré toute la gangue des préjugés qui ont abondamment fleuri chez certains auteurs du XIXe siècle (et encore pas tous, il y a heureusement d'excellents historiens parmi eux), alors on s'aperçoit à quel point cette période fut éclairée.

Peut-être même la plus libre et la plus ouverte que toutes les autres.

Je viens de m'acheter un nouveau livre sur cette époque. Cela s'appelle : "Voyager au Moyen Âge", édité par le Musée de Cluny. En fait, c'est le catalogue de l'exposition qu'ils ont réalisé sur ce thème, cette année. C'est magnifique ! Je n'arrête pas de le parcourir en m'arrêtant sur chaque gravure, chaque carte ou image.


C'est fou de se dire à quel point, par beaucoup d'aspects de la vie quotidienne, ces gens n'avaient rien à envier à nos époques "modernes".

Je vous recommande la lecture de cet ouvrage.

Tiens on pourrait aller ensemble au musée, dans le quartier latin -notre point de chute habituel- lors de ta venue parisienne, un jour...

VIC a écrit:

Tiens on pourrait aller ensemble au musée, dans le quartier latin -notre point de chute habituel- lors de ta venue parisienne, un jour...

Ce serait même une excellente idée. On pourrait même débattre des heures sur la société médiévale. Et de plus, dans le Quartier Latin, quartier de l'Université, appelé ainsi parce que, entre professeurs et écoliers (étudiants), on y parlait justement que le latin, langue universelle en Europe.

Mais je te promets : avec toi, je ne parlerais qu'en français. De toute façon, mon latin reste assez maigre...


Tiens, voici d'ailleurs un thème que l'on pourrait discuter :



Vers le milieu du règne de Philippe VI de Valois (1328-1350), le costume étoffé, dont la faveur durait depuis plus d'un siècle, est transformé par une mode importée d'Espagne. Le corps est enserré dans les vêtements les plus étroits qui ne se soient jamais encore vus.


Le pourpoint, très ajusté, laisse à découvert les chausses dans toute sa longueur ; ses manches se terminent au-dessus du coude par des pointes qui flottent jusqu'à mi-jambe.
Par contre, la coiffure prend une ampleur extrême : c'est un capuchon dont la cornette s'allonge jusqu'à battre les jambes ou un gros bourrelet piqué.

Les bords libres des vêtements sont découpés en longues pointes : c'est l'ornement dit en barbe d'écrevisse, caractèristique du XIVe siècle.


Les chaussures se terminent par des poulaines effilées comme des dards et dont une baleine intérieure maintenait la rigidité.


Par réaction contre ces formes étriquées, apparait la large et ample houppelande. En effet, Philippe VI n'admet la nouvelle mode ni pour lui ni pour son entourage. Sous son influence, les fonctionnaires, les membres de l'Université, les légistes et hommes de plumes préfèrent l'ancienne forme qu'ils jugent plus décente et moins vulgaire.


Mais la mode nouvelle finit par s'imposer et s'oriente vers des types de vêtements sveltes et dégagés.

En ce qui concerne le costume féminin : la robe du dessous colle le long du buste. Le surcot, très ajusté, à manches étroites, s'échancre en rond ou en carré. Il est souvent orné de fourrures.


Les cheveux sont couverts par la buve : une voilette empesée qui drape le serre-tête et retombe en plis raides.
Les femmes de la bourgeoisie se couvrent d'un petit voile rond qui cache le front et tombe de chaque côté jusqu'aux épaules. C'est aussi la coiffure des femmes endeuillées, dont la mise comporte une robe sombre à longs plis, un manteau couvrant les deux épaules avec des fentes pour les bras et un capuchon doublé de menu vair avec un col à deux points tombant très bas.

Le paysan, lui, couvre son vêtement d'une sorquenie (ou souquenille) en toile, et sa tête d'un chapeau à larges bords.

Il fallait, écrit un chroniqueur sous le règne de Philippe Auguste, que le chevalier ait vu son sang couler ; que ses dents aient craqué sous les coups de poing, qu'il ait été jeté à terre de façon à sentir le poids du corps de son ennemi, et que, vingt fois désarçonné, il se soit vingt fois relevé de ses chutes, plus acharné que jamais au combat. C'est ainsi qu'il pourra affronter les guerres sérieuses avec l'espoir d'être victorieux.

C'est ainsi que l'on forge son caractère, que l'on endurçit son corps. C'est comme cela qu'on devenait un homme.

je pense aussi que la souffrance amène l'humain à se dépasser. Mais, tant qu'à faire, une souffrance qui n'est pas synonyme de blessure, c'est mieux (bon, c'est une vision moderne, c'est sûr).

En cas d'agression, un des facteurs principaux, c'est de rester réactif ; le stress, l'adrénaline, on passe en mode reptilien ; pour un guerrier, si ça débouche sur le réflexe de combat ça va, si ça débouche sur le réflexe de fuite ou de soumission, c'est pas top. Il faut donc apprendre à son cerveau à surpasser ces réflexes de survie, à garder l'esprit clair ; je pense que subir des assauts violents et en éprouver de la douleur, c'est une manière d'y arriver.

Tiens, en parlant de tournoi : en participant à la trad de la V5 bêta de L'Œil noir, j'ai découvert qu'il y avait, en Allemagne du moins, des armures spécifiques pour tournoi. Plus renforcées pour limiter les blessures, mais du coup trop lourdes pour la vraie guerre. On parlait par exemple des Gestechrüstung, pour les tournois de type Gestech (ou Stechen), avec des lances à pointe émoussée (manifestement moins mortels que les tournois de type Rennen).

cdang a écrit:

Tiens, en parlant de tournoi : en participant à la trad de la V5 bêta de L'Œil noir, j'ai découvert qu'il y avait, en Allemagne du moins, des armures spécifiques pour tournoi. Plus renforcées pour limiter les blessures, mais du coup trop lourdes pour la vraie guerre. On parlait par exemple des  Gestechrüstung, pour les tournois de type Gestech (ou Stechen), avec des lances à pointe émoussée (manifestement moins mortels que les tournois de type Rennen).

Vers le XVe siècle, les tournois de chevalerie étaient devenus de vrais spectacles de divertissement. Tout était fait pour protéger les protagonistes. On se "montrait" plus que l'on essayait de briller par ses actes de bravoure. Les moeurs, la société avaient changés. Et les blessures dans les tournois étaient beaucoup plus rares.

En France, le dernier tournoi date de 1559 : c'est le fameux tournoi des Tournelles où le roi Henri II, joutant contre le connétable de Montmorency, a été mortellement blessé à l'oeil. Le Parlement décida d'interdire les tournois tant tout le monde avait été choqué.

Ce qui n'empêcha pas les Français de se foutre sur la gueule entre protestants et catholiques.

Dans beaucoup de tournois, les armes étaient "courtoises", en bois ou mouchetées. Ce qui n'empêchait nullement les chevaliers de se mettre sur la gueule avec entrain...
Effectivement, le tournoi était avant tout une grande fête qui attirait ménestrels, baladins, jongleurs et amuseurs, c'était plein de bruit, de couleurs, d'odeurs, les dames portaient leurs plus beaux atours...
Mais c'était bel et bien avant tout l'occasion de montrer sa force, sa bravoure et sa vaillance. Le côté religieux n'était pas loin non plus, on avait tendance à voir Dieu du côté du vainqueur. On est proche du Jugement de Dieu, moyen courant dans la chevalerie de régler un litige : les deux adversaires combattaient et le vainqueur était celui qui était dans le vrai, dans son bon droit, car Dieu lui avait donné la victoire.

Gorak a écrit:

Je viens de m'acheter un nouveau livre sur cette époque. Cela s'appelle : "Voyager au Moyen Âge", édité par le Musée de Cluny. En fait, c'est le catalogue de l'exposition qu'ils ont réalisé sur ce thème, cette année. C'est magnifique ! Je n'arrête pas de le parcourir en m'arrêtant sur chaque gravure, chaque carte ou image.

Cette exposition est toujours présente (elle s'arrête en février prochain). On peut la voir dans le musée Cluny, dans la grande salle du frigidarium. C'est une exposition plutôt bien faite, qui explique les différents type de voyages à l'époque médiévale avec objets décoratifs, cartes et reliques à la clé.
Avec même des parchemins vieux de plus de 1000 ans, datant du Haut-Moyen âge, c'est d'ailleurs assez impressionnant et émouvant de voir des écritures d'hommes de plus de 1000 ans... Ca laisse songeur.
Cette exposition évoque aussi bien le marchand, le marin, le pèlerin, le prince, l’artiste, le noble, le paysan, l'artisan, le croyant que le guerrier. Chacun avec sa vision du monde de l'époque et ses moyens et possibilités pour voyager. Le paysan ne voyait pas plus loin que son village ou le hameau voisin, quand au marin il était le roi du monde et des océans. Les objets qui sont présentés témoignent des moments forts et anecdotiques du voyage à l'époque médiévale. Ce qui permet de mieux appréhender la manière dont les hommes voyageaient au Moyen-âge.
Une expo vraiment intéressante, accessible aux novices, à voir pour se donner une idée de la notion de voyage à cette période.

Parmi tous les pays de langue d'oc, il en était une, au Moyen Age, des plus subtiles et raffinées : le provençal.

Parvenue à une haute perfection littéraire, langue des troubadours, à tel point que l'on put croire à un certain moment qu'elle aurait pu devenir définitivement la langue du sud de la France, de l'Espagne et d'une bonne partie de l'Italie.
En effet, avant que le toscan s'impose outremonts avec Dante, c'est en provençal que s'exprimaient les premiers poètes italiens et Dante lui-même a laissé dans cette langue un certain nombre de "canzones".

Et même après que le toscan fut adopté comme langue parlée par les Italiens, celle-ci n'en continua pas moins d'emprunter au provençal ses procédés linguistiques et littéraires.

Le provençal n'eut pas moins d'influence sur le développement du français : les premières oeuvres littéraires furent écrites en provençal. Les poésies de Bertrand de Born jouirent d'une grande renommée pendant tout le Moyen Age. Sous sa plume, s'éveilla les premiers frémissements de l'émotion, du désir et de l'amour. Face à la brutalité des seigneurs du Nord, le Sud répondit par la bienveillance de l'amour et de l'ironie poétique.

C'est au provençal que l'on doit les premières chansons de geste, satires, complaintes, chants de guerre, aubades et pastourelles.

Toute une littérature qui tomba en décadence après la croisade contre les Albigeois. La langue d'oïl s'imposa alors, moins sonore et moins harmonieuse et devint prépondérante au XIIe siècle.

C'était une sorte de redingote ou plutôt de robe de chambre au corsage fermé et collet montant, qui se serrait par une ceinture au-dessus de la taille.

Elle était très prisée au XIVe siècle, surtout après la mort du roi Charles V (1380). Elles étaient souvent richement décorées :

En 1414, au milieu des fureurs de la guerre civile qui déchirait la France entre Armagnacs et Bourguignons, Charles d'Orléans dépensa 276 livres pour avoir 960 perles destinées à orner sa houppelande sur les manches de laquelle il avait fait brodé, en fils d'or, les vers d'une chanson qu'il avait composée : "Madame, je suis tant joyeulx".

Pour les voyages, c'est bien ce "décalage" (Je vais expliquer, pas d'inquiétude) qui me laisse rêveur. Aujourd'hui, on peut aller partout ou quasiment sur la planète, un baroudeur comme moi en sait quelque chose. Et pour les voyageurs immobiles, il y a internet.
Mais à l'époque... Pour un paysan, le monde se limitait à son village, les terres de son seigneur, la "grande ville" la plus proche où l'on devait aller une ou deux fois l'an pour une foire et une ville comme Paris, ça devait relever du mythe, la ville, perdue tout là-haut.
Même les trouvères, bardes et ménestrels qui voyageaient beaucoup ne devaient pas tout connaître, loin de là (Surtout qu'ils allaient à pied la plupart du temps).
Les seigneurs ? En dehors de leurs terres et de la grande ville la plus proche, ils ne devaient guère en voir plus non plus.

On imagine alors ce qu'ont dû ressentir des gens comme Marco Polo ou, plus tard, ceux qui ont "découvert" l'Amérique. C'était plus qu'un voyage, c'était l'expérience de toute une vie. Je crois qu'il nous est impossible d'imaginer ce qu'ont pu ressentir ces hommes quand ils ont découvert les cités et jungles précolombiennes, la cour impériale d'Ethiopie et Lalibela ou les pavillons des empereurs de Chine...
Quand on pense au petit boutiquier qui ne voyait guère plus loin que son échoppe ou au paysan dont l'univers se limitait à son champ, sa ferme et le château du seigneur, le décalage donne le vertige. Et ce n'est pas propre au monde médiéval : sous la Rome impériale, des marchands romains avaient déjà rejoint la cour des empereurs chinois. Avec les moyens de l'époque, un tel périple relève de l'épopée, de l'odyssée.

Voyageur Solitaire a écrit:

Pour les voyages, c'est bien ce "décalage" (Je vais expliquer, pas d'inquiétude) qui me laisse rêveur. Aujourd'hui, on peut aller partout ou quasiment sur la planète, un baroudeur comme moi en sait quelque chose. Et pour les voyageurs immobiles, il y a internet.
Mais à l'époque... Pour un paysan, le monde se limitait à son village, les terres de son seigneur, la "grande ville" la plus proche où l'on devait aller une ou deux fois l'an pour une foire et une ville comme Paris, ça devait relever du mythe, la ville, perdue tout là-haut.
Même les trouvères, bardes et ménestrels qui voyageaient beaucoup ne devaient pas tout connaître, loin de là (Surtout qu'ils allaient à pied la plupart du temps).
Les seigneurs ? En dehors de leurs terres et de la grande ville la plus proche, ils ne devaient guère en voir plus non plus.

Et surtout il ne faut pas perdre de vue les distances... même si la France du Moyen Age n'était pas, en termes de superficie, la même qu'aujourd'hui, elle n'en était pas moins le plus grand royaume d'Europe. Traverser la France à cette époque, cela revenait à traverser la Chine aujourd'hui.

Finalement, il faudra attendre la seconde moitié du XIXe siècle et l'apparition du chemin de fer pour se rendre compte que la France est un "petit" pays.

Le chemin de fer a certainement été plus crucial pour la centralisation de la France que tous les efforts déployés par nos Rois, par la Révolution puis par l'Empire.

Aujourd'hui, prenez le train pour aller à Paris : vous y arriverez en cinq ou six heures. Au XVIIIe siècle, il fallait quatre jours. Au Moyen Age, cela prenait deux à trois semaines, et encore si tout se passait bien : c'est-à-dire si vous ne vous faisiez pas détrousser en cours de route, si vous n'étiez pas bloqué pour quarantaine dans une ville où régnait la peste ou en état de siège.

Si l'on avait l'âme voyageuse, comme VS ou moi, il fallait se faire marchand ou pélerin. Pour le reste, effectivement, l'horizon se résumait à sa paroisse ou au mieux la paroisse d'à-côté. Encore que, vers le XIVe siècle, rencontrer des paysans sur les routes pour se faire embaucher ailleurs n'était pas rare mais ce n'était pas non plus de longs périples.

Citation :

On imagine alors ce qu'ont dû ressentir des gens comme Marco Polo ou, plus tard, ceux qui ont "découvert" l'Amérique. C'était plus qu'un voyage, c'était l'expérience de toute une vie. Je crois qu'il nous est impossible d'imaginer ce qu'ont pu ressentir ces hommes quand ils ont découvert les cités et jungles précolombiennes, la cour impériale d'Ethiopie et Lalibela ou les pavillons des empereurs de Chine...

Et ceux qui partaient en Croisade aussi... même si c'étaient des expéditions militaires, du moins pour les chevaliers, partir pour l'Orient alors que l'on avait jamais quitté son donjon, c'était aussi une grande aventure. Une grande aventure dont ils n'étaient pas certain de revenir. C'est pourquoi ils rédigeaient des testaments en confiant leurs bien à des ordres monastiques comme les Templiers qui ont ainsi accummulé une véritable fortune...

C'est tout le fondement de Rêve de Dragon, ça...

Oui, le choc, car je pense qu'on peut parler de choc, devait être assez incroyable. Le seigneur qui ne connaissait que son domaine, les saisons rythmées par les travaux des champs, la chasse... et qui se retrouvait en Orient, à Byzance, devant Jérusalem, Saint-Jean d'Acre...
Il devait y avoir également de sérieuses remises en question. Ces gens découvraient des civilisations parfois éblouissantes, largement en avance dans bien des domaines. On imagine la stupeur de l'envoyé portugais débarquant à la cour impériale d'Ethiopie et découvrant Lalibela, Marco Polo chez les chinois, les portugais découvrant les empires africains, les cités de Zembabwe, l'université et la bibliothèque de Tombouctou...
Sans oublier le côté spirituel. Que pouvait ressentir un voyageur chrétien, ayant toujours baigné dans le christianisme, en débarquant sur les rives d'un pays comme l'Inde avec sa spiritualité omniprésente et ses dieux par milliers ou devant les pyramides et temples aztèques ?
Cette infime minorité de voyageurs découvrait non seulement de nouveaux horizons, mais aussi d'autres modes de pensée, d'autres spiritualités...
Le décalage avec le paysan qui ne voyait guère plus loin que son champ, le boutiquier guère plus loin que son échoppe ou le seigneur guère plus loin que son domaine donne le vertige.

Philippe VI de Valois avait fait décapiter sans jugement Olivier de Clisson, troisième du nom, ainsi que quatorze autres seigneurs bretons qui avaient eu la mauvaise idée de se montrer favorables au roi d'Angleterre...

Geoffroy d'Harcourt, un seigneur normand, qui craignit de subir le même sort, se réfugia auprès d'Edouard III et lui proposa d'envahir la France par la Normandie.

Pendant qu'une armée anglaise débarquait en Bretagne et le comte de Derby Henry de Lancastre, cousin du roi d'Angleterre, à Bayonne, Edouard en personne passa la mer en 1346, inquiet de quelques succès remportés par les Français en Guyenne.

Accompagné de son fils, le redoutable Prince Noir, appelé ainsi à cause de la couleur de son armure, il fit une descente en Normandie, pilla Saint-Lô, s'empara de Caen le 26 juillet et arriva aux portes de Paris, à Poissy. Philippe, à la tête d'une armée puissante, se mit à la poursuite des Anglais, les refoula à travers la Picardie et chercha à les acculer entre son armée et la Somme.



Un traître ayant indiqué un endroit guéable en aval d'Abbeville, Edouard passa sur la rive droite, s'avança sur Crécy en Ponthieu et fit occuper par ses troupes, à flanc de coteau, une position avantageuse choisie par ses sénéchaux.

Le 26 août, Edouard III et le Prince Noir, après avoir entendu la messe et reçu la communion, prirent leurs dispositions de combat. Tous les hommes d'armes mirent pied à terre et se rangèrent en trois corps sous le commandement du Prince Noir, des comtes de Northampton et d'Arundel et du roi lui-même. L'armée anglaise avait trois bombardes et, pour la première fois, on se servait de bouches à feu en Europe.


Philippe VI ne mit son armée en marche qu'après que le soleil fut levé. Vainement les chevaliers envoyés en éclaireurs dissuadèrent le roi de France d'engager le combat, car ses troupes étaient fatiguées. Mais les chevaliers, "par grand orgueil", voulaient être les premiers à franchir le gué.
A leur approche, le Prince Noir fit occuper le bas de la colline à ses archers, les fit mettre "en manière d'une herse", écrit le chroniqueur Jean Froissart. Un second corps se tint sur les flancs, prêt à appuyer le premier. Le troisième, encore plus en arrière et commandé par le roi, prit position sur la motte d'un moulin. "Et là se tenait le roi au plus hault pour veoir plus loin et autour de lui."

Philippe fit avancer ses 15 000 arbalétriers gênois. A ce moment survint une pluie d'orage, accompagnée d'éclairs et de tonnerre, à laquelle succéda un soleil dont les rayons aveuglaient les soldats du roi de France. Une grêle de flèches s'abat sur eux, tandis que les bombardes entrèrent en action. Ils reculent, mais se trouvent alors pris entre les Anglais qui les poursuivent et les chevaliers français dont les chevaux se cabrent.
Le duc d'Alençon, furieux, s'écrie : "Regardez, on se doit bien charger de telle ribaudaille ! Ils ne sont bons qu'à manger. Qu'on les tue tous; ils nous portent plus d'obscurité que de secours !" Et les arbalétriers sont à la fois décimés par la chevalerie française et par les archers du roi d'Angleterre qui, profitant du désordre, se glissent entre les rangs français et tuent les seigneurs à coups de hache, de dague, de massue.

Les bombardes font pleuvoir de petites balles de fer au milieu des rangs ennemis. La partie est dès lors perdue, bien que les Français fussent les plus nombreux. Venu au secours de Philippe VI, le vieux roi de Bohême, aveugle, Jean de Luxembourg, se refuse à chercher le salut dans la fuite : "Ne plaise au ciel qu'un roi de Bohême s'enfuie, mais conduisez-moi où le combat est le plus acharné. Que Dieu nous soit en aide; ne craignons rien, veillez seulement sur mon fils."


Aussitôt, on lui obéit : ses chevaliers attachent ensemble leurs chevaux par les freins et vont chercher la mort. Jusqu'au soir, le carnage continue. Les Anglais eurent bon marché de ces bandes indisciplinées, de ces brillants seigneurs que ne put sauver leur héroïsme, 30 000 soldats furent tués, et avec eux 80 seigneurs bannerets, 1200 chevaliers, 11 princes. De ce nombre était le roi de Bohême et Charles, comte d'Alençon, frère du roi de France, qui commandait l'avant-garde.

Le Prince Noir, qui n'avait que 15 ans, conquit ses éperons dans cette bataille. Jamais les Français n'avaient essuyé un aussi cuisant échec.

Philippe quitta le champ de bataille à la nuit tombante avec cinq chevaliers et arriva au château de Labroye : "Qui est là, qui heurte à cette heure ? lançèrent les gardes du châtelain. - Ouvrez, répondit Philippe, ouvrez, c'est l'infortuné roi de France."

Fils du roi Jean II et de Bonne de Luxembourg, né au château de Vincennes en 1337, il a 27 ans lorsqu'il monte sur le trône de France.
Il épouse Jeanne de Bourbon en 1350, fille du duc Pierre de Bourbon.
Avec elle il aura plusieurs enfants, dont Charles (futur Charles VI) et Louis d'Orléans, époux de Valentina Visconti, princesse de Milan.


A son avènement, il trouve une France démembrée par le traité de Brétigny (1360), accablée par une dette énorme, déchirée par les factions et ravagée par les Grandes Compagnies.
Mais le nouveau roi est habile, prudent, réflechi et fait pour gouverner et s'instruire.
D'une constitution physique trop faible pour être un homme de guerre, il eut la bonne idée d'être servi par un adroit capitaine, Bertrand du Guesclin. Avec son aide, il parviendra à chasser les Anglais, sauf de la Guyenne, et redonnera au royaume une administration réparatrice.

D'une intelligence forte dans un corps débile, d'esprit modéré et prudent, en même temps bon et généreux, Charles V s'était fait une haute idée des devoirs d'un roi et fut, tel saint Louis, d'une dévotion sincère. Il était grand travailleur, s'appliquant aux études les plus sérieuses, et la vie réglée, sagement remplie, de ce prince politique ne ressemble guère à l'existence agitée de son prédécesseur.

Charles V, qui laissa tout le soin à son connétable de débarrasser la France des Anglais, s'employa pendant tout son règne à fortifier le pouvoir royal et consolider ainsi les institutions monarchiques.
Alliant toujours le tact et la modération à une grande fermeté, il ne prétendait point gouverner seul mais ne s'appuya pas non plus sur les Etats généraux. Il préférait plutôt les assemblées locales, qu'il trouvait plus dociles.

"Désireux qu'en son royaume justice et équité fût bien gardée, écrit la chroniqueuse Christine de Pisan, fit élire en sa cour du Parlement les plus notables juristes en quantité suffisante, et iceux institua et établit du collège de son noble conseil. S'ensuivit vrai le proverbe qui dit : Qui bon conseil croit et quiert, honneur et chevance acquiert."

En effet, Charles V fut certainement le plus réfléchi de nos rois. Il ne gouverna jamais au hasard des événements mais, au contraire, voulut se former une conception personnelle de la politique, s'imprégnant des vues de ses légistes et de ses conseillers, empruntant ses principes de gouvernement aux auteurs de l'antiquité, notamment Aristote, et à des théoriciens novateurs pour l'époque, comme Egidio Colonna, ce docteur scolastique qui avait écrit, pour l'instruction de Philippe le Bel, le traité s'intitulant De Regimine Principis.

Il s'éteignit au château de Beauté-sur-Marne en 1380, à seulement 43 ans.

C'est l'une des plus grandes tromperies de l'histoire.

Pendant quelques années, après la mort de Jeanne d'Arc en 1431, une aventurière put, grâce à une ressemblance frappante, se faire passer pour la Pucelle même aux yeux des propres frères de celle-ci !

Elle obtint la protection de hauts personnages comme Ulrich de Wurtemberg ou la duchesse de Luxembourg. Elle épousa un noble Lorrain, Robert des Armoises, puis envoya son prétendu frère Jean vers le roi de France.
Elle ne tarda pas à s'enfuir en Italie où elle s'enrôla au service du pape Eugène IV, avant de revenir en France au cours de l'année 1439 et d'être reçue à Orléans et à Bourges où elle se fit passer pour la vraie Jeanne d'Arc.

Elle évita toutefois de comparaître devant le parlement et l'Université de Paris.

Elle avoua finalement sa supercherie à Charles VII en 1441, qui ne l'inquiéta pas.

Devenue veuve, elle se remaria en Anjou.
On retrouve son nom dans les registres d'écrou des prisons de Saumur où elle fut détenue pendant trois mois, on ne sait pour quels motifs.
Elle fut condamnée au bannissement, mais grâciée par le roi René. Dès lors, on perd sa trace.

Au sujet de cette fausse Jeanne d'Arc, on lira les ouvrages suivants :

de Jules QUICHERAT, le tome V du "Procès et condamnation de Jeanne d'Arc"
Lecoy de la Marche y consacre un article dans la Reveue des Questions historiques de l'année 1871.

Et bien sur G. LEFEVRE-PONTALIS, "La Fausse Jeanne d'Arc" (1895)

A noter aussi que la plupart des statues et monuments érigés en France à la gloire de Jeanne d'Arc, sont en réalité des représentations de cette Jeanne des Armoises qui a beaucoup joué sur cette image.

Etonnant personnage ! Une vraie aventurière et une vie passablement agitée et mystérieuse...

De toute façon, des imposteurs de ce genre, ce n'est pas ce qui manque au XVe siècle... pendant la guerre des Deux Roses, en Angleterre, beaucoup se firent passer pour tel roi ou fils de roi. En fait, ils surviennent à chaque période troublée.

On en trouve aussi jusqu'au XIXe siècle et même au début du XXe siècle.

Gaspard Hauser, qui se présentait comme un fils caché de Napoléon ou la fameuse princesse Anastasia.

Et sans oublier l'énigme du comte Neundorff se présentant comme Louis XVII en personne...

Une histoire étonnante en effet ! J'aime bien les petites histoires de la grande Histoire.

En même temps, cela m'a permis de placer un historien du XIXe siècle, plutôt oublié aujourd'hui, et qui pourtant a fait un travail de bénédictin concernant la relation du procès de Jeanne d'Arc, c'est Jules Quicherat.

Et surtout, chose rare pour cette époque, c'est l'un des rares qui n'évoquent pas la Pucelle à des fins idéologiques (à l'inverse de Michelet qui en fera carrément une "sainte" républicaine).

Quicherat, lui, il a épluché toutes les pièces du procès de Jeanne d'Arc, une à une, et il a en a sorti une analyse documentée et abondamment détaillée.

Cliquez sur le lien qui renvoie à la version numérisée de son ouvrage. C'est vraiment un bonheur à lire. Surtout si vous voulez savoir vraiment la vérité sur Jeanne d'Arc.

C'est lui, notamment, qui a découvert deux choses :

1/ que "d'Arc" n'était pas le nom de Jeanne, mais celui du village d'origine de ses parents : Arc-en-Barrois (auj. dans l'Aube) et que donc, elle n'était pas Lorraine mais Champenoise. Elle prendra le patronyme d'Arc et les armoiries de ce village quand Charles VII lui donnera ses lettres de noblesse.
2/ que son surnom de "Pucelle" n'avait pas le sens qu'on lui prête aujourd'hui. En bas-latin, "Pucelle" est désigné par Puella, qui signifie "servante". Elle est donc une servante et non une bergère. Et l'analogie est bien trouvée, puisqu'elle sera, en quelque sorte, la servante de Dieu et de son Roi.

Attention, autant que je me souvienne (Sauf erreur de ma part), Puella signifiait aussi en latin "jeune fille" ou "petite fille".

Voyageur Solitaire a écrit:

Attention, autant que je me souvienne (Sauf erreur de ma part), Puella signifiait aussi en latin "jeune fille" ou "petite fille".

Oui, c'est exact mais au Moyen Âge, apparemment, le mot avait aussi le sens de "jeune servante". C'est du moins ce que j'ai cru comprendre en visionnant la conférence de Henri Guillemin à ce sujet :


J'aime beaucoup cet historien, malheureusement décédé en 2002. Ses conférences sont toujours passionnantes.

Au passage, dans la vidéo postée ci-dessus, j'adore la manière dont il décrit les Capétiens : "une tribu aux dents longues"...

Remarquez, c'est un peu ça. Et l'on peut en dire autant des Plantagenêts.

Gorak a écrit:

2/ que son surnom de "Pucelle" n'avait pas le sens qu'on lui prête aujourd'hui. En bas-latin, "Pucelle" est désigné par Puella, qui signifie "servante".

Mmmm, j'avais assisté à une conférence d'une universitaire à Rouen en 2012, pour son 600e anniversaire. Manifestement, elle avait une malformation congénitale de l'utérus, qui faisait que de nombreuses femmes de sa famille mourraient en couche, ce qui pourrait aussi expliquer une certaine réticence à la chose.