(Image : allocine.fr)
Film américain réalisé par Peter Farrelly, sorti en 2018.
Il s'agit d'un film biographique sur une tournée réalisée dans les États du Vieux Sud en 1962 par le pianiste noir Don Shirley et son chauffeur et garde du corps blanc Tony Vallelonga.
Le sujet peut paraître banal mais il renvoie à un fait historique qui paraît à peine croyable aujourd'hui. Le fameux
Green book était un guide de voyage, qui fut publié chaque année entre 1936 et 1966 par un postier afro-américain de New York, Victor H. Green. Ce guide recensait les commerces, les stations-service, hôtels, bars, clubs et autres établissements qui ne discriminaient pas les noirs à cause des lois ségrégationnistes en vigueur jusqu'en 1964. Couvrant la majeure partie de l’Amérique du Nord ainsi que les Caraïbes et les Bermudes, le guide permettait ainsi aux voyageurs noirs de planifier au mieux leur voyage...
Le film s'en inspire donc pour cette histoire d'un pianiste noir, esthète, cultivé, de surcroît homosexuel qui part en tournée et se voit accompagné d'un chauffeur blanc, plutôt franchouillard et brut de décoffrage. Au fil de la route, Tony, le chauffeur, admire de plus en plus le talent de musicien de Don et réalise la discrimination dont ce dernier est victime en certains endroits. C'est surtout l'hypocrisie qui l'écoeure : Don est accueilli avec affabilité lorsqu'il se produit dans des réceptions ou certains clubs mais rejeté par ces mêmes personnes dès qu'il n'est plus sur scène. On accepte le musicien, pas le noir. On l'applaudit quand il joue devant les invités mais on le prie d'aller dîner à l'office...
Les deux hommes sympathisent bientôt en dépit de leurs différences et de leurs caractères opposés...
(Image : benzinemag.net)
On aurait pu s'attendre à du basique, avec un thème qui l'est tout autant : deux personnes que tout oppose forcées de rester ensemble et apprenant au fil du temps à se connaître et s'apprécier. Mais la justesse des deux acteurs principaux sauve tout. Loin d'Aragorn, Viggo Mortensen est impeccable et confirme son virage, loin d'Hollywood, son engagement dans un cinéma différent, éloigné des blockbusters et du commercial. Il est ici un type de base, plutôt simple, empâté et lourd, physiquement même, mais pas méchant, un brave gars dans le fond. Mahershala Ali est lui une révélation, tout aussi impeccable dans son rôle de pianiste cultivé, raffiné et même arrogant par moments. Un personnage qui se contredit même, furieux qu'on lui interdise, parce que noir, de jouer en public les grands classiques mais qui refuse de jouer du Blues parce que musique trop vulgaire pour quelqu'un de son talent et de son éducation.. Certaines scènes sont drôles, grinçantes et naviguent entre humour et gravité. Ces deux là forment un tandem qui fonctionne sans problème.
Mais le film est à voir également pour son cadre, son histoire. Ce road-movie à travers le Vieux Sud ségrégationniste est une véritable leçon d'histoire, une claque dans la gueule quand on se dit que ça a existé, en Amérique, ce guide pour que des noirs puissent voyager, boire un verre, dîner ou dormir sans se faire casser la gueule ou voir refuser l'entrée... Et on en sort avec un sale goût dans la bouche, avec une image bien ternie du pays de la statue de la Liberté qui, à cette époque, avait manifestement éteint sa torche...
Oscar du meilleur film,
Green book est à voir, porté par un duo formidable, avec de bons seconds rôles, au long de cette virée dérangeante dans un Vieux Sud envoûtant où le temps semble s'être arrêté mais où l'envers du décor donne la nausée.