SUR LES TERRES DU PEUPLE SAN (Namibie)

De retour après un mois en Afrique, je garde un souvenir marquant de ma rencontre avec le peuple San, les Bushmen de Namibie.
Les San sont les habitants originels de la Namibie. Peuple de chasseurs-cueilleurs (les hommes chassent, les femmes cueillent fruits, baies et plantes), ils sont là depuis des millénaires, vivant en harmonie avec la nature. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 100 000 et vivent dans une zone protégée ou, pour le dire de façon moins poétique, dans une réserve... Certains, comme notre guide, ont été à l'école et ont appris l'anglais mais aussi des cours de droit, afin de défendre les droits de leur peuple. Les San sont très fiers d'avoir eu une des leurs qui est devenue vice Première Ministre il y a quelques années et qui a fait beaucoup pour eux. Il n'en reste pas moins que leur avenir reste fragile, confronté au monde moderne, bien que l'état namibien les considère comme citoyens à part entière et se soucie de leurs droits. Leur mode de vie millénaire, en harmonie avec la nature, leur suffit et notre monde suscite chez eux fascination et incompréhension. Par exemple, l'état leur a envoyé des écoles mobiles avec des professeurs pour leur apprendre à lire et écrire mais pour eux, lire et écrire n'a aucun sens, ils n'en voient pas l'utilité. Lors de la pandémie de Covid, la vaccination leur a été proposée ainsi que des traitements, avec des équipes médicales envoyées sur place mais le concept même de vaccination leur est inconnu. Des dispensaires mobiles avec des médecins leur sont parfois envoyés, surtout pour les enfants, mais ils continuent à se soigner avec leurs plantes médicinales, comme ils le font depuis des millénaires.
Ils ont néanmoins un aperçu du monde moderne au travers des touristes qui viennent les voir et à qui ils proposent des produits issus de leur artisanat et auxquels ils expliquent leur culture. Nous avons donc eu la chance de participer à une randonnée de trois heures avec eux, à travers leur domaine, randonnée au cours de laquelle notre guide nous a expliqué leur mode de vie, comment ils font du feu avec deux bouts de bois, fabriquent leurs arcs et flèches ou utilisent les plantes médicinales. Rencontre émouvante et fascinante, bien que je ressente personnellement une sorte de voyeurisme, une gêne même. Ils sont quand-même dans une réserve, avec des gens qui viennent les photographier, comme un spectacle. Perso, notre groupe était vraiment intéressé par leur culture, leur mode de vie et nous avons tous été respectueux mais d'autres n'ont pas la même attitude et se comportent de façon indécente, comme s'ils étaient au zoo. En tous cas, ils sont parfaitement autonomes et se suffisent à eux-mêmes, trouvant dans la nature tout ce dont ils ont besoin. Mais pour combien de temps encore ? Nomades à la base (ils suivent les troupeaux d'herbivores dont ils se nourrissent), ils sont désormais sédentaires, assignés dans leur réserve. Officiellement pour les protéger mais eux le ressentent comme une injustice. Comme nous le disait notre guide avec un sourire amer : "Nous sommes là depuis toujours, bien avant tous les autres et nous ne pouvons plus aller et venir comme nous le voulons".
Pas facile.









Situées dans plusieurs régions de la Namibie, ces gravures ont été réalisées par les chamanes San, gravées dans la roche, souvent au sommet de collines, afin d'être plus proches du ciel et donc des esprits. Par endroits, elles tapissent littéralement les rochers. Elles représentent majoritairement des animaux (girafes, éléphants, gazelles, hyènes...) ainsi que des symboles astronomiques et astrologiques. La girafe symbolisait la pluie, la gazelle les migrations des troupeaux d'herbivores, les cercles les points d'eau... L'ensemble est en fait un véritable livre de pierre à ciel ouvert, une carte en relief de leurs terres et domaines. Ces gravures ont plus de 5 000 ans et elles sont intactes, préservées par l'air sec et brûlant. Notre guide nous a emmené en admirer quelques unes et nous a expliqué leur signification. Attention, il faut avoir l'œil, on peut passer à côté sans les voir. Sur la troisième photo de mon message, notre guide met sa main sur le rocher pour faire de l'ombre et nous montrer les personnages peints sur la roche. Sans ça, en plein soleil, on passait devant sans rien voir.

C'est toujours fascinant de voir ces gens qui, à l'autre bout du monde, sont à mille lieues de toutes nos problématiques et vivent leur vie sans aucun souci. Cela relative notre mode de vie. Nous avons toutes des technologies à notre disposition, nous nous facilitons la vie par maints artifices (merci l'IA) mais sommes-nous plus heureux ? En France, nous restons les champions du monde de consommation d'antidépresseurs.

Nous avons tout et nous sommes enchaînés à nos vies, tels des esclaves. Esclaves de nos boulots, de dettes à payer et d'emprunts à rembourser. Esclaves de la consommation.

Alors que eux, ils vivent nus mais libres. Ils n'ont à rendre compte à personne. Ils vont et viennent comme ils veulent. Ils sont certainement beaucoup plus heureux que nous.

C'est sûr qu'on est là avec notre sac à dos, nos chaussures de randonnée, notre thermos et nos lunettes de soleil, lui est quasiment nu avec un bâton et si on nous lâche tout seul dans la brousse, lui va réussir à trouver à manger, à faire du feu, à se repérer, alors que nous, une fois qu'on aura fini notre bouteille d'eau et mangé nos barres chocolatées, on n'aura plus qu'à crever...

Le gros problème, c'est que la majorité de ces peuples, San, Himbas, Ovango, sont nomades à la base : ils suivent les troupeaux qu'ils élèvent ou dont ils se nourrissent et se déplacent au fil des saisons. Et aujourd'hui, ils sont forcés à être sédentaires. Même si leur réserve est vaste, ils n'en sortent quasiment pas.

Gorak a écrit:

... En France, nous restons les champions du monde de consommation d'antidépresseurs...

Alors non en fait. Par habitant, c'est l'Islande. Et on est loin derrière, plutôt dans la moyenne basse, car la France a progressé dans le bon sens.
Par contre, nous avons été les champions niveau benzodiazepines (anxiolytiques et hypnotiques). Depuis 2013 la tendance s'est inversé avec une diminution de boîtes prescrites par an (actuellement de mémoire on doit être aux alentours de 110 millions en France). C'est encore bien trop.
Dans les médias on ne fait pas assez la distinction entre antidepresseurs et benzodiazepines.