Le Testament d'un excentrique (écrit en 1897, publié en 1899)
Jules Verne. Illustrations Roux.
54è des 64 Voyages Extraordinaires publiés du vivant de l'auteur,
Le Testament d'un excentrique n'est clairement pas le plus connu.
Pourtant, il possède un thème hors du commun, jugez plutôt :
Synopsis :
Un richissime excentrique décide de léguer sa fortune à l'un des habitants de Chicago. Ainsi, à sa mort, un tirage au sort est organisé et six "chanceux" sont désignés. Mais, afin de déterminer qui entrera en possession de la fortune convoitée, ils doivent disputer une partie de jeu de l'oie, à l'échelle des États-Unis (appelée l'Union à l'époque). Ainsi, chaque case du jeu de l'oie correspond à un État des États-Unis, créant ainsi
le "Noble Jeu des États-Unis". Un huissier légataire testamentaire procédera donc alternativement au lancer de dés de chaque concurrent, qui devra se rendre dans l'état de l'Union désigné par les dés, dans un délai de temps limité. Si un concurrent échoue à accomplir le voyage dans le temps imparti, il est éliminé de la partie. Certaines cases sont pénalisantes (prison, labyrinthe, puits ...) où l'on peut être bloqué ou obligé de recommencer à zéro. Celles-ci, et d'autres, obligent le joueur qui y atterrit à verser une prime sur son propre pécule.
Le vainqueur remportera l'héritage du milliardaire américain, et le deuxième l'ensemble des primes payées par les joueurs qui auront été envoyés sur l'une des cases pénalisantes.
Les choses se compliquent quand un mystérieux personnage s'ajoute à la partie…
Le roman est surtout prétexte à faire connaître au lecteur les beautés du territoire américain, au fil des péripéties vécues par les joueurs. Ces péripéties sont d'ailleurs en nombre réduit et leur intérêt dilué par le fait qu'on "saute", à chaque fin de chapitre, d'un participant à l'autre, sans qu'on s'attache vraiment à aucun. Verne ne retrouve pas le souffle d'un Tour du monde en quatre-vingts jours, avec lequel ce roman a quelques points communs. Cependant, une notable différence, différencie la construction des deux romans. Le trajet de Phileas Fogg est d'emblée prévu. Il a sa carte de route. Dans Le Testament d'un excentrique, tout au contraire, les déplacements des concurrents ne s'exposent qu'au hasard, ils ne sont pas maîtres de leur destin.
Noble Jeu des États-Unis, le jeu de l'oie revisité par Jules Verne
Mon avis :
Un thème très original et un roman précurseur ... de la télé réalité. En effet, nous assistons à un gigantesque jeu national suivi par les médias, et des millions d'américains qui vont parier tour à tour sur les concurrents de ce jeu grandeur nature. La réalisation est plus compliquée, ce qui empêche ce roman d'être un classique de Verne, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, on retrouve ce côté pénible de l'auteur, qui a tendance à cataloguer les données savantes en début de chapitre. C'est ici extrêmement flagrant puisque chaque état rencontré va avoir droit à ces données, des chiffres, parfois un rappel historique bienvenu. Hélas, cela s'avère globalement très indigeste, avec le handicap d'être aujourd'hui totalement obsolète, un peu comme si nous lisions un atlas économique de 1897.
Le second problème du roman, déjà évoqué plus haut, est le côté aléatoire des coups de dés, qui font que les concurrents n'ont que peu de prise sur le destin final : ils ne peuvent contrôler que les moyens d'atteindre dans le temps imparti la case que le sort leur aura désigné. Ce ne sera pas chose aisée néanmoins, car certains états sont difficiles d'accès ou éloignés les uns des autres. Différents moyens de transport seront donc employés, dont certains vraiment inattendus, ce qui me faisait penser au titre d'un roman de SF de C.D.Simak : "à pied, à cheval, en fusée".
L'autre élément à prendre en compte est le capital de départ des participants, qui leur permettra de s'acquitter sans souci du paiement des primes, ou non. De ce côté, on voit que tous ne débutent pas la partie avec les même chances. Les riches pourront payer les primes obligatoires et donc rester dans la partie, pour avoir une chance de devenir encore plus riche à la fin.
Troisième souci, les différents protagonistes. Ils sont six, et sont suivis alternativement. Ce qui fait qu'un très long temps s'écoule parfois entre différentes actions du même acteur. De plus, la profusion de participants font que Verne a choisi de les caricaturer à l'extrême, probablement pour simplifier la tâche du lecteur. C'est pour moi une erreur, car certains de ces personnages ultra caricaturaux ne sont plus vraiment vraisemblables. La bonne idée toutefois présente, était d'y inclure des gentils, des antipathiques, des neutres. Et surtout, ce mystérieux personnage XKZ qui vient troubler la partie.
Au final, un roman au thème très original et précurseur, mais dont la réalisation souffre de plusieurs écueils plus ou moins évitables, notamment les trois que j'ai signalés plus haut. Un roman à gros potentiel, proche de l'esprit d'un
Tour du Monde en 80 jours compétitif, mais très en dessous de son aîné. Il faut dire aussi que les Etats-Unis sont seuls d'un côté, face au Monde entier décidément plus exotique.
Ironiquement, un jeu de l'oie inspiré par le Tour du Monde en 80 jours et autres romans de Jules Verne