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Sujet: LE DERNIER SAMOURAI (2003) Dim 11 Juin - 13:55
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Un film néo-zélando-nippo-américain, coécrit et réalisé par Edward Zwick et sorti en 2003. Il interprète librement des faits réels et le héros est inspiré d'un militaire français, Jules Brunet, le "samouraï français" (rendons à César ce qui est à César).
Attention : SPOILER !
1876, au Japon l'ère Meiji a commencé. L'archipel, après des siècles d'isolement volontaire, s'ouvre au monde sous l'autorité de l'empereur Meiji. Chemin de fer, électricité, bâtiments et tenues à l'occidentale, monnaie nationale, modernisation de l'armée, développement des sciences, instruction obligatoire, adoption du calendrier grégorien... Politiquement, l'empereur est déterminé à en finir avec le régime féodal et à régner sur un état centralisé, une nation unie. Ce que les seigneurs et samouraï, maîtres sur leurs domaines, n'apprécient guère. Nathan Algren, vétéran américain des guerres indiennes, est envoyé dans l'archipel pour former les soldats japonais aux armes et tactiques modernes. Suite à une bataille qui tourne mal, l'officier est capturé par les hommes du seigneur Katsumoto. Prisonnier, il découvre un Japon traditionnel où le temps s'est arrêté, il s'éprend de ses valeurs et traditions et se lie d'amitié avec Katsumoto. Ce dernier accepte de se rendre à Tokyo, nouvelle capitale, pour y rencontrer l'empereur mais les deux hommes ne s'entendent pas et Katsumoto s'attire l'hostilité d'Omura, principal conseiller impérial et celle de l'ambassadeur américain dont il contrarie les intérêts. Menacé, il parvient à fuir avec l'aide d'Algren et se réfugie dans les montagnes où l'armée impériale vient le chercher. La bataille tourne en faveur des soldats de l'empereur, Katsumoto, gravement blessé par une mitrailleuse, se suicide, aidé par Algren. Ce dernier survit et rejoins la cour impériale pour remettre le sabre de son ami à l'empereur. Ce dernier finit par désavouer et disgracier Omura et l'ambassadeur des Etats-Unis.
Alors... Je n'aime pas du tout Tom Cruise en tant qu'acteur mais je fais une exception pour ce film (en partie parce que pour moi, il est éclipsé par l'acteur incarnant Katsumoto, j'y reviendrai). Historiquement, le film est intéressant. Deux mondes se heurtent avec fracas : le Japon d'hier et celui de l'avenir. L'empereur Meïji fût sans doute un visionnaire, animé d'une volonté farouche, déterminé à sortir l'archipel de son immobilisme et à en faire une puissance de premier plan, dans tous les domaines et il y parviendra (en 1905, le Japon écrasera la Russie, victoire qui aura un retentissement mondial). Pour lui, le temps du Japon féodal et morcelé est terminé, le pays doit être uni et entrer dans la modernité. Face à lui se dressent ses seigneurs qui entendent rester maîtres chez eux. Visuellement, le film est réussi également avec superbes paysages, décors et costumes. Sans oublier la musique de Hans Zimmer. Un film épique, un film de guerre mais pas que, loin de là. J'ai trouvé Cruise convainquant dans ce rôle d'anti-héros pourrait-on dire, qui tourne le dos aux intérêts de son pays pour épouser la cause, le mode de vie et l'état d'esprit de ceux qu'il découvre. Un homme blessé, tiraillé entre deux mondes lui aussi. Le casting est solide avec surtout Ken Watanabe, impérial et charismatique dans le rôle du seigneur Katsumoto. Notre homme en impose et domine clairement le film de sa présence, grand seigneur pétri d'honneur mué en gardien des traditions et d'une autre époque. On est sur de la superproduction mais de qualité, indéniablement.
Cependant... Cependant, on n'échappe pas aux travers hollywoodiens. Le film reste manichéen à mort, entre les gentils seigneurs et samouraï pétris d'honneur et de traditions face aux méchants impériaux qui veulent renier le Japon "éternel". Tous les amoureux de l'Histoire le savent, cette dernière est toujours bien plus complexe que ça. Si l'empereur voulait réformer le pays en profondeur, il n'entendait pas pour autant renier ou vendre son âme. Quant aux fiers seigneurs promus gardiens des traditions, beaucoup pensaient surtout à conserver leur pouvoir et leurs domaines où ils régnaient en maîtres. Au lieu de laisser le spectateur se faire son idée, le film l'oriente clairement et fortement d'un côté. Tom Cruise joue bien, mais comme d'habitude malheureusement, le film tourne autour de lui et il monopolise l'écran, trop souvent c'est "Tom Cruise au Japon" et ça devient chiant. Surtout quand on voit la qualité du reste du casting. Sans parler des scènes de batailles, très bonnes mais où notre acteur vole à travers les balles et les projectiles sans être touché, façon super-héros, hé oui, c'est Tom Cruise... Passons sur l'inévitable romance, obligatoire (là aussi c'est Hollywood) alors qu'elle n'apporte rien et n'a rien à foutre dans le film. C'est quand-même dingue de ne pas pouvoir nous faire un film sans nous refourguer une romance inutile, avec la belle musique triste et les soupirs d'un amour impossible, ma Juliette, mon Roméo... Chiant. Avec le respect dû à l'actrice concernée, son personnage n'apporte rien au film. On est dans une histoire d'hommes, de camaraderie et d'amitié virile, pas dans un mélo à l'eau de rose. Supprimer cette partie aurait aussi permis de raccourcir le film car ce dernier est long, 02h30 quand-même et avec une fin plus que prévisible. On aurait pu également développer le personnage de l'empereur qui, dans le film, est présenté comme un souverain juvénile un peu rêveur, idéaliste et manipulé par son entourage alors que le souverain Meïji était un homme d'état d'envergure, déterminé et visionnaire, qui avait décidé de faire entrer son pays dans une ère nouvelle.
Mais au final, c'est quand-même un sacré bon film, une grande fresque épique et entraînante, à ne pas louper !
Albatur
Messages : 2479 Date d'inscription : 12/01/2012 Age : 50 Localisation : Ivalice Emploi/loisirs : Aucun. Travailler ça fatigue Humeur : Ours mal léché
Sujet: Re: LE DERNIER SAMOURAI (2003) Lun 12 Juin - 8:32
Pour mieux comprendre cette période je conseille de lire les articles (wiki ou autres) parlant du bakumatsu. Période charnière chaotique qui parle justement de la fin du système féodal pour un Japon plus "moderne" avec tous les conflits et tous les pays qui furent impliqués (même la France va intervenir à un moment).
cdang
Messages : 1476 Date d'inscription : 15/10/2014 Localisation : Le Havre (76)
Sujet: Re: LE DERNIER SAMOURAI (2003) Lun 12 Juin - 13:33
C'est un bon film d'aventure, mais il surfe sur l'image du noble samouraï pétri d'honneur. Dans la vraie vie, comme tu l'as souligné plus haut, la révolte, c'est surtout une poignée de nobliaux qui ne supportaient pas de voir disparaître leurs privilèges (c'est un peu la franchise du Puy de Fou à Kyoto). Nobliaux qui étaient déjà devenus de toute manière des vassaux dociles depuis le règne des Tokugawa.
Si on veut voir des samouraïs se faire faucher par des salves de mousquets, on peut aussi voir et revoir Kagemusha (Akira Kurosawa, 1980).
Voyageur Solitaire Admin
Messages : 8489 Date d'inscription : 07/01/2012 Localisation : Ici et ailleurs... Emploi/loisirs : Tout, passionnément... Humeur : Ici et maintenant
Sujet: Re: LE DERNIER SAMOURAI (2003) Lun 12 Juin - 17:51
Oui, c'est ce que je reproche majoritairement au film : il transforme seigneurs et samouraï en preux gardiens des traditions, dans un Japon idéalisé de carte postale. Et inconsciemment, le film nous incite à prendre leur parti. Alors que comme cdang l'a souligné, beaucoup cherchaient avant tout à défendre leurs privilèges et ils étaient déjà soumis au bon vouloir des Shogun, l'empereur jusque là n'étant qu'un symbole. Le film étant bien long, 02h30, il y avait moyen de le rendre moins manichéen et plus subtil dans l'opposition entre les deux partis. Et comme Albatur l'a souligné, les occidentaux tentèrent de s'offrir le pays, comme ils l'avaient fait avec la Chine, dont la France puisqu'effectivement, le héros est inspiré d'un officier français, Jules Brunet.
Il y a, comme toujours, du bon et du mauvais des deux côtés. La période d'isolement volontaire du Japon lui offrît une paix et une prospérité certaine ainsi qu'un âge d'or culturel et artistique. Mais d'un autre côté, l'archipel se referma sur lui-même, le temps s'y était arrêté et le Japon prît presque deux siècles de retard sur le reste du monde. Le Japon d'aujourd'hui est largement l'héritier de l'ère Meïji, entre tradition et modernité. Impressionnant de voir comment le pays changea en si peu de temps. Au début du XXème siècle, l'archipel n'avait quasiment rien à envier au monde occidental.