LE GENIE AUX FLEURS ET L'ART GRECO-BOUDDHIQUE

Il est l'une des plus belles illustrations d'un art méconnu, celui qui allie l'art grec et hellénistique à l'art asiatique, principalement indien.

Les conquêtes d'Alexandre le Grand eurent pour effet de propager l'art grec jusqu'aux bords de l'Inde, traversant une bonne part de l'Asie Centrale. Le conquérant rêvait d'une nouvelle civilisation, unissant l'Occident à l'Orient. Si son empire mourût avec lui, son rêve se concrétisa parfois, principalement dans un art "mixte" dont le Génie aux fleurs est un superbe exemple.

L'oeuvre a été découverte en Afghanistan, dans un monastère bouddhiste. Représentant un jeune homme tenant des fleurs dans un pan de son vêtement, elle faisait partie d'un ensemble plus vaste, le jeune homme rendant en fait hommage à Bouddha en lui offrant des fleurs.
Un jeune homme identifié comme un Deva, un Génie de la mythologie indienne. Il se détachait probablement d'un mur orné en relief.

Sculpté selon les techniques en vigueur dans les ateliers de sculpture d'Alexandrie en Egypte, retrouvé dans un monastère bouddhiste en Afghanistan, à la fois grec et indien dans ses lignes, le Génie aux fleurs, aujourd'hui visible au musée Guimet de Paris, reste un superbe exemple de la statuaire gréco-bouddhique.

L'Afghanistan (le Pakistan également) recèle bien d'autres trésors du genre, des ateliers et des écoles de sculpture s'y étaient implantés, où les artistes locaux illustraient leur mythologie et leurs croyances sous l'influence du style et des techniques grecques, y mêlant même les deux mythologies. Tout ceci sous l'impulsion des souverains indo-grecs, descendants des compagnons d'Alexandre qui s'étaient unis à des princesses locales. Au fil de la Route de la Soie, cet art circulera, s'enrichissant d'influences perses et aussi de celles venues des peuples de la steppe.
Quelques exemples :

Le musée Guimet est celui que j'ai le plus fréquenté.
J'aime ces fusions entre deux cultures artistiques qui peuvent donner des oeuvres comme Héraclès protégeant le Bouddha.
Très intéressant.

Oui, c'est assez surprenant ce mélange gréco-indien, voir Héraclès et Atlas coexister avec Bouddha et les génies indiens...

C'est l'œuvre de ces royaumes indo-grecs, si méconnus, un ensemble de petits royaumes aux frontières incertaines, perdus entre Afghanistan, Pakistan, nord de l'Inde... Souvent implantés dans des vallées fertiles ou réfugiés au cœur de hautes montagnes... Une civilisation composite, avec des rois aux noms grecs, battant des drachmes d'argent frappées d'Athéna tout en protégeant des monastères dédiés à Bouddha, collectionnant les écrits de Platon, d'Aristote et faisant traduire dans le même temps les textes de la philosophie chinoise, bouddhique ou indienne...
Quand ces royaumes atypiques s'effondrèrent, beaucoup d'œuvres d'art trouvèrent refuge dans les monastères. L'Afghanistan, le Pakistan et certaines régions d'Asie Centrale en comptent aujourd'hui beaucoup.

Nous parlons ici de la statuaire mais les autres arts étaient sollicités également, surtout l'orfèvrerie avec des objets usuels et des bijoux en or et métaux précieux qui alliaient aussi les styles et techniques des deux cultures. Mais aussi la peinture, les fresques, les écrits avec de nombreuses traductions des textes grecs et indiens dans les deux langues.

Cela n'a pas fait que d'influencer la statuaire ou les monnaies. Le monde grec s'est enrichi de l'Orient à tel point que cela s'est ressenti aussi dans sa philosophie. L'ataraxie (du grec ἀταραξία, signifiant " absence de troubles") ressemble assez étrangement aux principes qui sous-tendent la méditation des moines bouddhistes ou des brahmanes.

De plus, il suffit de voir les gens qui vivent dans ces contrées, aujourd'hui :


Cette petite afghane aux yeux bleus et aux cheveux blonds a très certainement de lointains ancêtres helléniques. Peut-être que, dans son arbre généalogique, compte-t-elle des compagnons d'Alexandre, qui sait ?

Oui c'est vrai, on l'avait signalé dans le sujet sur les grandes écoles de pensée : cette similitude, ce rejet des désirs inutiles pour atteindre la plénitude, l'absence de trouble.

Soit dit en passant, il est amusant de voir que grecs et macédoniens se considéraient comme "l'Occident" alors que pour les romains, la Grèce était déjà l'Orient... Chacun voyait midi à sa porte.