THOMAS MANN / LE DOCTEUR FAUSTUS

Lorsque Thomas Mann entame la rédaction du "Docteur Faustus" en 1943, l'écrivain réside alors aux USA. Voilà près de dix ans qu'il a fui l'Allemagne nazie. Mais les raisons qui l'ont conduit à l'exil ne quittent cependant pas ses préoccupations du moment.
Dans un souci constant de témoigner encore, et de condamner l'effondrement de sa patrie d'origine, Thomas Mann place ses deux héros, Zeitblom et Leverkühn, dans le Munich des années noires. Ainsi, entre deux souvenirs appartenant à leur destin, les deux personnages fournissent un prétexte idéal à l'auteur pour glisser certaines considérations personnelles ou politiques dans son roman.

A ce titre, comme le souligne d'ailleurs Thomas Mann, Leverkühn n'est pas loin de représenter "une figure idéale, un héros de notre temps, un homme qui porte la souffrance de son époque". En empruntant aux caractères de Nietzsche et de Schönberg à la fois, l'auteur donne finalement naissance à son plus grand personnage : perdu d'avoir marié son génie avec le mal.

Dans l'extrait ci-dessous, Thomas Mann prend position à travers Sérénus Zeitblom :

Thomas Mann a écrit:

(...) en songeant à notre esprit d'invention toujours actif, je ne puis me défendre d'un certain orgueil : notre efficience nationale n'est donc point abattue par tant de revers, encore qu'elle soit toujours un instrument aux mains du régime qui nous a jetés dans cette guerre et à mis le continent à nos pieds, substituant ainsi au rêve intellectuel d'une Allemagne européenne, la réalité assurément un peu angoissante, un peu précaire et, semble t-il, odieuse au monde, d'une Europe germanisée.