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C'est le dessinateur Enrico Marini qui s'est attelé, tout seul, à cette saga.
Les aigles de Rome nous transportent donc à Rome, sous le règne d'Auguste, à la rencontre de deux personnages que tout oppose. D'un côté, Ermanamer, le fils d'un chef germain vaincu, envoyé dans la capitale impériale comme otage. De l'autre, Marcus Valérius Falco, fils d'aristocrate, dont le père trouve qu'il s'amollit un peu trop dans les plaisirs. Voilà qui tombe bien : le divin Auguste convoque le paternel pour lui annoncer qu'il lui confie le jeune otage germain, à charge pour lui d'en faire un citoyen romain. Les deux jeunes gens se retrouvent donc à vivre ensemble, se haïssant d'abord avant de nouer une solide amitié. Amitié bientôt mise à mal...
On pense bien sûr à
Murena, BD référence sur la Rome antique sauf que l'atmosphère est ici très différente.
Murena, à travers le personnage de Néron, propose une réflexion sur la folie du pouvoir, la démesure, assortie d'intrigues de palais, dans une ambiance insidieuse où il faut constamment rester sur ses gardes.
Les aigles de Rome offrent une atmosphère plus ouverte, plus franche, d'abord dans les rues de Rome puis au sein des landes, marécages et forêts de Germanie. Certes, le thème des deux amis de milieux opposés qui vont s'affronter malgré leur affection n'est pas nouveau mais Marini pour moi s'en sort très bien.
Graphiquement, c'est du bon, avec décors et costumes plutôt authentiques, des reconstitutions soignées et un découpage plaisant, au service de l'action. La mise en couleur s'améliore progressivement aussi, très bonne pour les paysages brumeux et humides de Germanie, loin du ciel bleu de Rome. La ligne claire devient au fil des albums plus ombragée, plus réaliste.
Pour le reste, que c'est agréable de voir un auteur qui envoie chier toute pudeur inutile ! Car autant vous prévenir, il y a de la fesse, aussi bien masculine que féminine, avec des couples qui font l'amour, des scènes de bordel et d'orgie. Trop auraient dit certains. Je ne pense pas : même s'ils avaient leurs tabous et interdits moraux, les romains avaient des mœurs plus libres que les nôtres et un autre regard sur le sexe. Je n'ai pas trouvé ces scènes de sexe gratuites ou inutiles. Dans les premiers tomes, certes, il y en a beaucoup mais ça correspond à la période où nos jeunes garçons grandissent et découvrent les femmes, que ce soit au bordel ou en tombant amoureux. Cette sexualité prononcée va progressivement diminuer avec les tomes suivants.
On peut être surpris aussi (je l'ai été) par l'abondance d'argot et d'injures, par une langue très familière, voire ordurière. Au final, je trouve ça bienvenu. Les vieux Péplums d'autrefois nous ont habitué à des romains bavardant avec des dialogues soignés. Mais dans les casernes, les campements, les bordels et les bas-fonds, on ne parlait pas vraiment comme Cicéron ou Plaute... Les romains n'étaient pas si prudes niveau langage, un grand écrivain comme Martial écrivait du grossier, du pornographique parfois, un grand penseur comme Sénèque tombait dans le scatologique quand il injuriait le défunt Claude dans ses textes et les murs de Pompéi étaient couverts de graffitis très explicites. Quant à la correspondance houleuse entre Octave et Marc Antoine quand ce dernier serrait Cléopâtre d'un peu trop près, n'en parlons pas.
Au final, j'aime beaucoup cette série, même si, dès le début, on se doute de ce qui va suivre. S'occuper du dessin et du scénario à la fois est loin d'être évident et Marini s'en tire très bien selon moi.
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