(Image : lecourrierderussie.com)
Le château de Mouromtsevo est situé à 300 kilomètres de Moscou, dans la région de Vladimir, au sein d'un parc de 40 hectares.
Il fût bâti, à la fin du XIXème siècle, suite à un pari.
Le comte Vladimir Semionovitch Khrapovitski voyageait en France avec des amis français et, admiratif des châteaux de la Loire, il fût gentiment moqué par ses compagnons, ces derniers lui disant qu'assurément, de tels châteaux n'existaient pas en Russie. Piqué au vif, le comte décida alors de faire bâtir chez lui un château semblable, sur le domaine dont il avait hérité de sa mère.
La construction débute en juin 1884. Le chantier fût immense, durant des années. Se prenant au jeu, le comte fît même créer des étangs artificiels dans le parc pour rappeler les bords de Loire et fît ajouter dépendances et pavillons au bâtiment principal. Des écuries, une orangeraie et des serres, un hangar à bateaux, un pavillon de chasse… Le comte envisagea même une petite gare, histoire de rejoindre son château avec son train privé… Il offrît aux paysans du domaine deux écoles gratuites et à son épouse un théâtre et une école de musique où la comtesse enseignait la musique aux enfants du village. Au fond du parc, il fît édifier une église, ornée de superbes peintures et fresques.
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1917. Pour éviter le pillage de son domaine, le comte le cède aux nouveaux maîtres de la Russie qui le déclarent bien national l'année suivante. Le comte préfère s'exiler avec sa femme, s'installe en France mais y meurt, ruiné, en 1922. Sa femme, âgée et malade, demande de l'aide aux paysans du domaine dans une lettre poignante, leur assurant que, n'ayant pas d'enfants, son mari et elle veulent leur léguer le domaine. Les paysans répondirent sèchement que, de fait, le domaine était déjà à eux désormais.
Le château est alors progressivement abandonné. On l'utilise comme remise, on y entasse des tableaux, des œuvres d'art, on le transforme en école… Rien n'y fait. Le château est pillé, dévalisé, laissé à l'abandon, ravagé par deux incendies qui en détruisent l'intérieur. Les pillards emportent les livres de la bibliothèque, arrachent les parquets, les mosaïques, les boiseries. Le parc, avec ses allées bordées de réverbères et ses cascades, redevient sauvage.
Années 1970, on commence à envisager une restauration. Mais l'énormité des sommes nécessaires fait capoter le projet. Seule l'église du domaine est sauvée, passant sous le contrôle de l'Eglise russe.
2013, le Ministère de la Culture se voit proposer un plan de restauration d'urgence par Svetlana Melnikova, une directrice de musée. Pour mieux convaincre les autorités, elle suggère que le château restauré pourrait devenir un haut-lieu touristique. Dans le même temps, des habitants des environs se mobilisent spontanément pour nettoyer le bâtiment et le parc des détritus et gravats.
2014, Svetlana Melnikova obtient gain de cause : le domaine est placé sous l'autorité de son musée, sécurisé et un grand plan de restauration est lancé en 2015, pour cinq ans. Il est estimé à 2,5 milliards de roubles. L'endroit est balisé, des caméras de surveillance mises en place.
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(Image : victortravelblog.com)
Il faut dire qu'il y a du travail.
L'intérieur du château était somptueux, avec parquets marquetés, escaliers de marbre, plafonds en bois sculpté, meubles précieux commandés directement aux fournisseurs de la cour impériale… 80 pièces qui, grande modernité pour l'époque, étaient équipées de l'électricité, du chauffage central et du téléphone. Le château bénéficiait également de sa propre source pour son approvisionnement en eau et du télégraphe.
Encore plus fort : la chambre des miroirs, entièrement tapissée de miroirs de Venise ou la chambre de la comtesse dont le sol de verre laissait voir un aquarium en-dessous !
Le parc n'était pas négligé, avec un jardin français, un jardin italien et un jardin anglais. Sans oublier les serres où le comte acclimatait fleurs rares et fruits exotiques.
Le luxe le plus raffiné et la modernité, dans un château perdu en pleine nature, au cœur de la forêt et des bois… Le comte et son épouse y donnaient des soirées fastueuses et y invitaient les plus grands personnages de Russie. On se promenait, on chassait, on naviguait en bateau sur les étangs et el soir, des feux d'artifice étaient tirés depuis les pelouses. La sécurité n'était pas négligée : des gardiens veillaient sur les toits, d'autres parcouraient les bois avec des chiens et on a retrouvé de véritables passages secrets permettant de quitter le château en cas d'urgence.
Aujourd'hui, il ne reste plus rien de ces fastes :
(Images : paperblog.fr)
La rénovation est toujours en cours mais la tâche est titanesque et demande des fonds énormes. D'autant plus qu'il y a 20 autres bâtiments (pavillons, écuries, théâtre…) sur la propriété en plus du château lui-même.
Le site se visite, on peut s'y rendre depuis Moscou en voiture, en bus ou en train. Le château oublié se relèvera-t-il un jour ?
Le château, au temps de sa splendeur, avec le maître des lieux sur la dernière image :
(Images : fr.nextews.com)
(Image : victortravelblog.com)