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Sujet: MEDEE (1969) Jeu 20 Avr - 18:16
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Le cinéma de Pasolini est difficile à appréhender et ce n'est pas ce Médée, datant de 1969, qui fera exception. Mais c'est un film unique, un film "comme on n'en fera plus" tant il correspond à son réalisateur, à son époque.
Pasolini revisite ici le mythe grec de Médée, princesse alliée de Jason et les argonautes dans la recherche de la célèbre toison d'or. Médée qui, trahie par Jason pour une autre femme, fait empoisonner cette dernière (une robe imprégnée d'un poison) et égorge les enfants qu'elle a eu avec Jason avant de fuir sur le char du soleil.
Pour le rôle titre, Pasolini s'offre Maria Callas, rien de moins. La "diva assoluta" avait déjà incarné Médée sur la scène de tous les opéras mais jamais à l'écran. C'est son unique film et elle n'y chante pas. Et ce n'est même pas sa voix qu'on entend ! Mais on s'en fout car la diva écrase tout de sa présence, de son charisme. Habitée par son rôle, elle en vient presque à occulter tout le reste. A ses côtés, un bel athlète italien, Giuseppe Gentile. Pasolini, qui aimait les hommes, aurait eu le coup de foudre en le voyant en photo et lui aurait alors proposé le rôle sans chercher plus loin. Autour de ces deux personnages, un monde presque lunaire, calcaire, blanc et aride. Pasolini use et abuse de l'épure, faisant ressortir la richesse et les couleurs des costumes, les amples robes aux parures surchargées. Une épure que l'on retrouve dans les dialogues, réduits au minimum, sobres et secs, purs comme le profil net et blanc d'une île grecque. Plutôt que du blabla inutile, le réalisateur s'attarde sur les visages, les expressions, les regards et les attitudes. Le film est long (deux heures), lent, très lent par moments. Et brusquement, le sang, la violence, la mort. Puis à nouveau le sable, le vent, le silence.
image : Ennio Guarnieri
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Médée n'est pas un péplum et surtout pas un film commercial. C'est un film intellectuel, psychologique, une réflexion. C'est une pièce de théâtre grec, où l'on met l'esprit à nu, un esprit qui vous transperce comme une lame. Les dialogues sont réduits au minimum, le rythme est lent, s'attarde sur des personnages qui rendent tout par le regard, l'expression. Avec, en décor, les paysages étranges et arides de la Cappadoce. Certains points de vue en deviennent presque lunaires, comme issus d'un autre monde. A travers les deux personnages principaux, c'est aussi la confrontation de la civilisation, incarnée par le rationalisme et la logique grecque de Jason et d'une culture plus païenne, plus primitive, incarnée par la sorcière et magicienne Médée, femme passionnée.
sensacine.com
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C'est un film qui appartient totalement à son époque, une époque où l'on faisait du cinéma pour le cinéma, pour faire réfléchir, pas pour faire du fric ou du divertissement. On aime ou on déteste.
Bande annonce en allemand, pas trouvé en français... Mais les images sont de qualité.
Gorak
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Sujet: Re: MEDEE (1969) Ven 21 Avr - 0:27
Oula... ça a l'air de tenir plus du film d'auteur que du bon gros blockbuster à la Gladiator, ça.
Je n'ai rien contre, bien sur, mais il faut bien avoir à l'esprit ce que l'on regarde. Et si on cherche de l'action dans ce film, on risque d'être déçu, je pense.
Par contre, il m'a l'air d'être intéressant sur le plan philosophique, voire psychologique.
Je regarderais à l'occasion.
Voyageur Solitaire Admin
Messages : 8489 Date d'inscription : 07/01/2012 Localisation : Ici et ailleurs... Emploi/loisirs : Tout, passionnément... Humeur : Ici et maintenant
Sujet: Re: MEDEE (1969) Ven 21 Avr - 7:15
Il faut garder en tête que d'une, c'est du Pasolini et que de deux, c'est du cinéma des années 1960/1970.
C'est plus une pièce de théâtre qu'un film. Ici, un regard, un silence suffisent plus qu'un grand discours. Le visuel est primordial, avec les paysages lunaires de la Cappadoce. C'est sobre, blanc crayeux, sec, pas de fioritures, pas de chichis. On pourrait se dire : "A quoi bon un film avec Maria Callas si elle n'y chante pas ?" Et justement, elle n'en a pas besoin, tant ses expressions, ses regards, sont éloquents.
Au final, d'un point de vue visuel, en dépit des costumes anachroniques et que ce soit pas tourné en Grèce, je trouve ce film bien plus authentique, bien plus crédible que tant d'autres du genre. Rien à voir avec les colonnes en carton-pâte, les marbres rutilants et la musique grandiloquente. Pour moi, c'est l'équivalent de Pharaon, réalisé trois ans plus tôt :
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Sujet: Re: MEDEE (1969) Ven 21 Avr - 18:04
De base je n'accroche pas au cinéma italien, trop décalé et réaliste pour moi, et Pasolini est à l'image de la plupart des cinéastes italiens, nébuleux oui, à appréhender.
Faut vraiment aimer ce style de cinéma, et moi ça ne me parle pas du tout, excepté le western spaghetti et les films de Sergio Leone, le cinéma italien j'ai du mal.
Cela étant, ce Médée est un vrai film d'auteur, une pièce de théâtre, une véritable création artistique dans le sens pur du terme, après on aime ou pas, question de goût avant tout.
Voyageur Solitaire Admin
Messages : 8489 Date d'inscription : 07/01/2012 Localisation : Ici et ailleurs... Emploi/loisirs : Tout, passionnément... Humeur : Ici et maintenant
Sujet: Re: MEDEE (1969) Ven 21 Avr - 19:20
Oui, on a un peu ça aussi avec le Satyricon de Fellini. Ce genre de film, c'est aussi je dirais un témoignage : c'est un cinéma qui, je pense, n'a pu exister qu'à cette époque et qu'on ne reverra plus. Mais effectivement, on est bien plus dans une pièce de théâtre qui mise avant tout sur la sincérité et l'expressivité des personnages.
En tous cas, Maria Callas a reconnu dans une interview avoir pris beaucoup de plaisir à jouer ce rôle et le courant semble être bien passé avec Pasolini (beaucoup de photos de tournage où on les voit souriant ou riant ensemble). Elle expliquait être familière du rôle pour l'avoir chanté nombre de fois (un rôle terrible, une femme dévorée par la jalousie et la haine et qui finit par égorger ses enfants) mais que le jouer était très intéressant. C'est elle qui aurait voulu ne pas chanter dans le film, pour ne pas être accusée de facilité et pour être jugée uniquement sur sa performance d'actrice.