Dans l'abîme du Temps fut mon premier Lovecraft ; et peut-être est-ce un tort car il contient quelques-unes des meilleurs nouvelles de l'auteur.
Le recueil s'ouvre la nouvelle éponyme. Le thème est la possession psychique, déjà exploité dans "Par-delà le mur du Sommeil" : un homme - professeur d'économie à l'Université du Miskatonic, à Arkham, la ville-clé de l’œuvre - soudainement s'évanouit subitement au milieu de ses cours. Quant il reprend connaissance, il n'est plus la même personne... Ses parents et ses amis l'abandonnent. Et cela dure pendant plusieurs années, jusqu'au jour où il s'évanouit de nouveau. Mais, bien qu'il soit lui-même, d'étranges rêves et visions le hantent...
Le tout est mené avec
maestria, aboutissant à la "Révélation", si courante.
2ème nouvelle - première de Lovecraft que j'ai lue -, la Maison de la Sorcière ; c'est l'une de mes préférées, à cause de son ton froid (la première phrase met dans l'ambiance !) et l'aspect onirique ; d'une part à cause des rêves - récurrents chez H.P.L. -, d'autre part parce qu'on a peu d'information sur le lieu ("la vieille cité d'Arkham") et pas du tout sur la date. Le scénario me semble assez original : un étudiant à l'Université du Miskatonic cherche à déceler un rapport entre les mathématiques et les légendes de magie ; pour ce faire, il va même jusqu'à vivre dans une mansarde maudite, jadis habitée par une sorcière, qui a disparu d'une façon mystérieuse après avoir été emprisonnée... Peu à peu, des rêves ténébreux et des cauchemars affreux obsèdent le jeune homme... Là encore, l'histoire est bien fichue, saupoudrée d'un zeste de Cthulhu et agrémentée d'un soupçon de légendes païennes.
Après cela, on arrive à
l'Appel de Cthulhu. Charnière dans l’œuvre, cette nouvelle marque la fin de la période "Dunsany" et le début de la période "Cthulhu" ; c'est le premier aboutissement d'une genèse lente, entamée en 1918 avec
Dagon. En soit, elle n'a rien de transcendant - c'est une suite de faits rapportés par l'auteur, révélant l'existence d'entités païennes, plus vieilles que l'homme -, si ce n'est l'ambiance. [Et la fameuse incantation "Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu/R'lyeh wgah'nagl fhtagn".] La fin paraît assez peu crédible par rapport au reste... Dommage. (A noter que l'Appel de Cthulhu a inspiré Metallica pour la chanson du même nom.)
Enfin,
les Montagnes Hallucinées, vues comme une suite aux "Aventures d'Arthur Gordon Pym", d'Edgar Allan Poe (auteur plusieurs fois cité dans la nouvelle, d'ailleurs). C'est en effet en Antarctique que se passent l'histoire, plus précisément à proximité du Plateau de Leng, dont parlent les
Manuscrits Pnakotiques et le
Nécronomicon... Il s'agit de la relation d'une expédition partie d'Arkham, qui vient en effet en Antarctique dans l'intention de s'informer sur cette terre mystérieuse - à l'époque. L'horreur commence avec la découverte de six cadavres de créatures jusqu'alors inconnues aux humains... La peur monte peu à peu - à la façon du Cauchemar d'Innsmouth, dont la critique viendra peut-être un jour -, pour arriver à un final terrifiant... J'étais tout seul chez moi quand j'ai lu cette nouvelle, dans une maison pleine de craquements sinistres, de bruits indistincts et des cavalcades furtives des chats, et j'ai eu des sueurs froides.
Bref, c'est un excellent recueil - peut-être pas autant que "la Couleur Tombée du Ciel" - que je conseille à tous ceux qui ne l'ont pas lu et qui cherchent du vrai fantastique.