LES OEUFS DE FABERGE

Perso, j'ai l'impression de voir une pièce montée avec un Kremlin en chocolat et une énorme dragée...

Très raffiné, il date de 1896.
Il est offert par Nicolas II à sa mère.

Il est en émail bleu foncé et translucide, divisé en douze panneaux par des bandeaux sertis de diamants. Chaque panneau est décoré d'un monogramme (emblème qui réunit plusieurs lettres en un seul dessin), en diamants sur un dessin en or rouge et surmonté de la couronne impériale.
On trouve le monogramme, en alphabet cyrillique, de l'impératrice, MF pour Maria Féodorovna et celui du Tzar, AIII pour Alexandre III. Chaque monogramme apparaît six fois, avec celui de l'impératrice apparaissant sur la moitié supérieure de l'œuf et celui du Tzar sur la moitié inférieure. L'intérieur est garni de velours. Un bouton de diamant orne le haut et la base de l'oeuf :



L'oeuf fait donc référence au couple uni et aimant que formaient l'impératrice-mère avec le précédent Tzar.




La surprise, disparue, aurait été une série de six portraits miniatures du défunt Tzar sur ivoire, entourés de saphirs. On le suppose grâce à une lettre de l'impératrice-mère à son fils, pour le remercier. A cette date, la souveraine était dans le sud de la France où elle veillait son autre fils, le Grand-Duc Georges, atteint de tuberculose et en convalescence, dont nous avons parlé plus haut. L'impératrice-mère écrivait : " Je ne peux trouver les mots, mon cher Nicky, pour exprimer combien je suis touchée, bouleversée, en recevant cet oeuf accompagné des charmants portraits de ton adoré Papa. C'est une si belle idée, avec nos monogrammes tout autour".
On a également une mention des fameux portraits dans la facture détaillée de cet oeuf, envoyée par Fabergé.

Bien que très orné et chargé, il me plaît beaucoup. Je le trouve très raffiné, précieux, très "féminin" même si j'ose dire.

Il date de 1914.
A Pâques de cette année-là, Nicolas II offre à sa femme l'oeuf mosaïque, vu plus haut. Il offre donc à sa mère, dans le même temps, l'oeuf Catherine II.

En hommage à la fameuse impératrice, c'est un oeuf fastueux, richement ouvragé, signé Henrik Wigström, un des chefs d'atelier travaillant pour la maison Fabergé (ce sera d'ailleurs sa dernière création). Il est en quatre sortes d'or différents (suivant la couleur de l'or en question), avec cristal de roche, des panneaux d'émail rose peints en style de camée, des diamants et des perles. Les panneaux, inspirés du peintre français François Boucher, représentent l'impératrice Catherine II en protectrice des arts et des sciences.






La surprise ?



Perdue, elle était une chaise à porteurs miniature, représentant Catherine II couronnée, portée par deux serviteurs noirs. Miniature qui était également un automate : quand on la remontait, la chaise avançait. On en a une description dans une lettre de l'impératrice-mère à sa soeur, la reine d'Angleterre : "Nicky m'a écrit une lettre des plus charmantes et m'a offert un très bel œuf de Pâques. Fabergé me l'a apporté lui-même. C'est un véritable chef-d'œuvre en émail rose et pourvu à l'intérieur d'une chaise, portée par deux nègres avec l'impératrice Catherine dedans, portant une petite couronne sur la tête. Vous le remontez et puis les nègres marchent : c'est un travail incroyablement beau et d'une grande finesse. Fabergé est le plus grand génie de notre temps, je le lui ai dit : Vous êtes un génie incomparable" (cette dernière phrase écrite en français dans la lettre. La souveraine correspondait en anglais avec sa soeur, reine d'Angleterre, mais la cour et les élites russes parlaient français).

On a retrouvé depuis un automate similaire qui donne une idée de la surprise en question :

1915, la Russie est en guerre.
Comme le veut la tradition en Europe de l'Est, les souveraines et grandes dames s'impliquent dans les oeuvres de la Croix-Rouge. En Roumanie, la reine Marie, déjà très aimée, se fait adorer de son peuple par ses visites régulières aux blessés et son activité auprès d'eux en tant qu'infirmière. En Russie, l'impératrice-mère, populaire elle aussi, est la présidente de la Croix-Rouge russe, d'où ce premier oeuf, que lui offre son fils Nicolas II :





Très sobre, il est en argent recouvert d'émail blanc et intérieurement garni de velours. Les deux croix latérales sont en émail rouge, une ornée de la date 1914, l'autre de la date 1915. Il renferme comme surprise un petit paravent qui déploie cinq portraits, peints par Vasily Ivanovich Zuiev et surmontés de la croix rouge : celui de l'impératrice et de ses deux premières filles (qui elles aussi visitaient les blessés) et ceux de la soeur aînée du Tzar et de sa cousine, qui se dévouaient également auprès des soldats de retour du front. Les cinq femmes portent l'habit des soeurs de la Miséricorde. Sur le pourtour de l'oeuf, entre les deux croix, il est écrit : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis". Le monogramme couronné de l'impératrice-mère orne le sommet de l'oeuf qui mesure 7,6 cm de haut.






De 1915 aussi, il est offert cette fois à l'impératrice. Il symbolise son dévouement et celui de ses deux premières filles au chevet des malades et blessés. Comme le précédent, il est en argent recouvert d'émail blanc.
Enclos dans un oeuf en velours, il se décompose ensuite en un triptyque orné au centre d'une icône d'Adrian Pachov, symbolisant la résurrection du Christ. Sur les côtés, se trouvent les portraits de sainte Olga, fondatrice du christianisme en Russie et de sainte Tatiana, martyre chrétienne. Ces deux figures religieuses étaient également les protectrices des deux princesses, qui portaient leurs noms, Olga et Tatiana. Afin d'ouvrir l'oeuf, il faut presser le portrait de la princesse Tatiana qui est en fait un bouton-poussoir. L'une des parties est intérieurement ornée du monogramme de l'impératrice, l'autre de la date 1915. C'est l'un des très rares oeufs qui s'ouvre verticalement. Il mesure 8,6 cm de haut.
Le Tzar étant au front à l'époque, c'est Fabergé qui apporta l'oeuf à la souveraine.



Il ne faut pas croire que ces dames ne faisaient que de la figuration : Marie de Roumanie était officiellement enregistrée comme "infirmière volontaire" et les princesses russes avaient reçu une formation spécifique par la chirurgienne Vera Gedroitz. Elles aidaient vraiment à soigner et elles virent plusieurs blessés mourir sous leurs yeux. La princesse Olga, aînée des enfants de Russie, en fût très marquée. Elle et sa soeur Tatianna avaient déjà côtoyé la mort de près, lors de l'assassinat du ministre Piotr Stolypine, à l'opéra de Kiev. Le Tzar assistait à la représentation avec ses deux filles depuis la loge impériale, le ministre fût tué sous leurs yeux. Bien qu'évacuées par leurs gardes et dames de compagnie, les deux princesses furent traumatisées, comme Nicolas II l'écrivît à l'impératrice-mère : " Olga et Tatiana sont traumatisées car elles ont vu tout ce qui s'est passé... Tatiana ne se remet pas de ce qui vient de se passer, elle ne cesse de pleurer et elles ont toutes les deux mal dormi. »

Il fait partie des oeufs de Fabergé perdus pendant la Révolution. Il serait réapparu au cours d'une vente aux enchères en 1952, à Londres, vendu à un acheteur inconnu pour 1250 Livres de l'époque.

Il est livré au Tzar Alexandre III pour Pâques 1889 et donc offert à l'impératrice.
Son apparence reste mal connue mais il est décrit dans un inventaire de 1917, effectué par les révolutionnaires, après la confiscation du trésor impérial. Il serait "richement ouvragé, très coloré, orné de brillants, saphirs, rubis et émeraudes".

La surprise ? L'oeuf était en fait un étui contenant un délicat petit nécessaire de toilette pour femme, en or. Il aurait contenu 13 objets de toilette, dont de petits ciseaux pliants, un minuscule flacon à parfum, une petite brosse à cheveux, une lime à ongles, une pince à épiler... L'impératrice devait l'apprécier car l'oeuf fût régulièrement vu sur sa table de toilette dans son palais de Gatchina, sa résidence principale.

OK pour garder la peinture et dégager tout ce qu'il y a autour, trop surchargé pour moi.
Encore un œuf volé. Enfin quand on parle de Faberge on ne peut pas dire "qui vole un œuf volé un bœuf"...
Quand la grande Histoire sert de toile de fond à la petite, il semble qu'un certain nombre de romans policiers tournent autour de ces fameux œufs. Je n'en dresse pas la liste mais pour ceux qui aiment le genre, il y aurait de quoi lire.

N'oublions pas James Bond (Roger Moore) qui a momentanément entre les mains un de ces célèbres oeufs dans Octopussy...

Datant de 1985, il est le premier offert par Nicolas II, nouveau Tzar, à son épouse quelques mois après leur mariage.

De style Louis XVI, il est recouvert d'un émail rouge vif, brillant, orné de minuscules diamants taillés en roses et symbolise la force de l'amour entre les deux époux. Le rouge est la couleur de l'amour en Russie et l'oeuf est orné sur les côtés de flèches de Cupidon, rehaussées de diamants. Il s'ouvre sur un bouton de rose en émail jaune et vert qui contenait deux surprises (aujourd'hui disparues) : une minuscule réplique de la couronne impériale en or et diamants et un pendentif orné d'un rubis. Un portrait du Tzar ornait le haut de l'oeuf.

Nicolas II et sa femme formèrent un couple aimant et uni mais leurs familles respectives ne voulaient pas de ce mariage. Des deux côtés, on tenta dès le départ de les dissuader mais les deux amoureux tinrent bon, le futur Tzar déclarant même : " Si je ne l'épouse pas elle, alors je n'épouserai personne ". La dégradation de l'état de santé d'Alexandre III précipite les évènements : son fils, pour lui succéder, doit selon la tradition être marié. Les fiançailles ont donc lieu peu de temps avant la mort du Tzar, puis le mariage suit les funérailles (ce qui sera vu comme un mauvais présage). Le nouveau Tzar écrit à sa femme : " Penses-tu qu'il puisse exister dans le monde un bonheur sans toi ? " et la nouvelle Tzarine dira : " Je suis tellement heureuse qu'aucun mot ne peut le décrire ".

Ils resteront unis pour la vie, pour le meilleur et, comme l'Histoire l'a prouvé, surtout pour le pire...

En Russie, le cygne est le symbole du mariage et d'une union heureuse.
En 1906, Nicolas II commande pour Pâques un œuf destiné à sa mère, l'impératrice Maria Feodorovna, qui aurait fêté cette année-là ses 40 de mariage avec son époux, le défunt Alexandre III.



L'œuf, haut de 10 cm, est en or, recouvert d'un émail mauve, orné de rubans en brillants et diamants. Un diamant couronne le sommet avec la date 1906 et (disparu aujourd'hui), un dernier ornait le bas, sans doute accompagné du monogramme de l'impératrice-mère.
La surprise est un "cygne mécanique sur un lac bleu-vert". Il s'agit en fait d'un panier en aigue-marine, soutenu par une anse de fleurs et décoré de nénuphars en or blanc, jaune et rose. Le cygne est en or gris, ses yeux et son bec en émail. Il est pourvu d'un mécanisme qui, une fois activé, le fait avancer en battant des ailes, bougeant ses pattes et sa queue et lui faisant relever son cou et sa tête. Fabergé se serait inspiré de James Cox, le créateur de l'horloge du paon d'or (voir sujet consacré) pour ce petit cygne évalué aujourd'hui à 100 000 dollars.
L'œuf au cygne appartient aujourd'hui à une collection privée en Suisse.

Le cygne et l'étang, quand même, ça a de la gueule...