LES SANJUROKKASEN (Les 36 poètes illustres)

Les Sanjurokkasen sont les membres d'une liste de 36 poètes japonais, de l'époque Heian (794-1185), sélectionnés par Fujiwara no Kintō, lui-même poète et homme d'état :



Sa liste fait toujours autorité puisqu'on la trouve encore dans de nombreux temples et sanctuaires de l'archipel dédiés à la poésie.
Notre homme est également l'auteur du Wakan rōeishū, une anthologie de poèmes chantés, chinois et japonais, compilée vers 1013. 588 poèmes chinois écrits par 30 poètes chinois et 50 poètes japonais. Cette anthologie a servi de base pendant des siècles pour l'étude du chant et de la calligraphie.



A noter que la liste des Sanjurokkasen a son pendant féminin, la liste des "36 poétesses immortelles".

Les oeuvres en question étaient des waka. Sous ce nom, on désigne plusieurs formes de poèmes, dont les Tanka et les Choka.
Les premiers sont des poèmes courts, composés de 31 syllabes, sans rimes, sur cinq lignes. Ils sont considérés comme les ancêtres des fameux Haïku.
Les seconds sont des poèmes bien plus longs, souvent complétés par un Tanka.
Un art poétique si important que son usage était réservé aux membres de la cour impériale. Toute autre personne surprise à écrire ce genre de poème était exécutée. Aujourd'hui encore, le Tanka est considéré au Japon comme le sommet de l'art poétique. Il est basé sur l'observation, la contemplation et non la réflexion ou l'interrogation.

Ils furent d'abord calligraphiés sur des feuilles de papier carrées, fixées sur des paravents. Très vite, l'art de la poésie s'allia à celui de la peinture et ces poèmes se déployèrent sur des rouleaux peints, accompagnés de peintures et de textes littéraires.


Si la fameuse liste déroule 36 poètes illustres, nous avons vu qu'elle a son pendant féminin, pas moins de 36 poétesses immortelles. La poésie était donc très prisée des dames de la cour, condamnées il est vrai, à une vie oisive dans leurs châteaux et appartements.
Parmi elles, on distingue Izumi Shikibu puisqu'elle figure sur les deux listes, la masculine et la féminine :



Née vers 970, morte à une date inconnue, issue d'une grande famille de lettrés, son véritable nom nous est inconnu, Izumi Shikibu étant son nom de poétesse. Mariée à un gouverneur, elle aura de lui une fille qui sera elle-même poétesse. Courtisée par le troisième fils de l'empereur Reizei, elle entretient après la mort du prince une relation avec un autre prince, relation à laquelle s'ajoute une volumineuse correspondance émaillée de poèmes. Relation qui cause scandale, notre artiste s'installant au palais, ce qui provoque la colère et le départ de l'épouse officielle du prince.
Ses poèmes sont des Tanka, majoritairement tournés vers la description et la contemplation de la nature.

Elle est la contemporaine de la célèbre Murasaki Shikibu, auteur du roman le Dit du Genji, considéré comme une oeuvre majeure de la littérature japonaise médiévale et de la littérature japonaise tout court.



Ecrit par une femme et pour un public féminin, ce roman décrit les aventures d'un jeune prince ne pouvant accéder au pouvoir, le tout entrecoupé d'intrigues amoureuses et de poèmes. L'oeuvre se déroule sur plusieurs rouleaux (2 000 rouleaux peints et calligraphiés, découpés en 54 chapitres ponctués de 800 poèmes. Le tout considéré comme "Trésor national du Japon"). Une oeuvre qui a inspiré des générations d'artistes au fil des siècles : on trouve des passages du livre reproduits sur les portes coulissantes, les paravents ou encore des éventails.
On la trouve aujourd'hui bien sûr sur un format plus pratique et plus solide :



Ce qui prouve combien l'esprit japonais avait atteint un niveau élevé derrière les murailles des châteaux où se réfugiaient Shoguns et Samouraï en ces temps troublés...

J'ai du lire le Dit de Gendi, ou essayer, il y a plusieurs décennies. Je n'en n'ai aucun souvenir, ce qui me fait douter. En fait les intrigues de cour ne sont pas pour moi.

Un peu radical la peine de mort pour avoir écrit des poèmes.
Je ne vous raconte pas la peine pour traffic de drogues...