JARDINS JAPONAIS

Le jardin japonais n'est pas du tout comparable à ce que l'Occident met sous le terme de jardin. C'est une oeuvre d'art, une incitation à la méditation, à la réflexion, chargé de plus d'une symbolique très forte où chaque chose a une place bien précise.
Il est souvent composé de sable, de roche, de mousse et de gravier (ce dernier, soigneusement ratissé, symbolise souvent la mer, les vagues).

Les jardins japonais sont apparus à une époque où le Japon connaissait une grande instabilité, les routes étaient peu sûres, le pays livré aux seigneurs de la guerre et aux bandits de grand chemin. Retranchés dans leurs forteresses, les seigneurs entreprirent donc de reproduire, en "réduit", cet extérieur devenu inaccessible, à travers leurs jardins. Le jardin, c'est reproduire la nature, des paysages, en miniature. Tout est soigneusement calculé, principalement la perspective et les différents angles de vue. Les limites du jardin sont soigneusement occultées par des arbustes, rochers, bambous ou buissons, pour donner une impression d'infini. On doit oublier que l'on se trouve dans un espace clos.

L'ensemble, un peu comme les jardins de Versailles, les jardins persans ou moghols, est en fait très pensé, mathématiquement et géométriquement parlant : il s'agit de disposer les différents éléments de façon à aménager des points de vue particuliers, suivant l'endroit où l'on se trouve, la direction dans laquelle on regarde. Même les jardins à l'aspect le plus naturel sont en fait soigneusement pensés et aménagés. La symbolique est également omniprésente : les rochers représentent les montagnes, le gravier symbolise la mer et ses vagues, la mousse incarne la forêt, une pièce d'eau représente un lac...

On distingue trois types de jardins fondamentaux :

- Les jardins qui représentent la nature en miniature :


- Les jardins secs, fortement inspirés par le bouddhisme zen et destinés à la méditation, qui ont donné le nom de "jardins zen". Ils utilisent une représentation plus abstraite et épurée, où la végétation est presque absente, où du sable ou du gravier figure la mer, et des rochers (parfois entourés de mousse) symbolisent les montagnes, les cascades ou même les bateaux. Tout y est idéalisé et abstrait au maximum :


- Les jardins de thé, comprenant des chemins paysagers menant à une maison de thé, portés sur une simplicité extrême également :

Si nous passions au jardin ? Petite promenade dans l'archipel du Soleil Levant...



Situé à l'ouest de Kyoto, il est aussi connu sous le nom de Kokedera, "le temple des mousses". Effectivement, il a la particularité d'être tapissé de plus de 120 espèces de mousses différentes formant un tapis de douceur moelleuse sous les pieds du promeneur.
Autrefois résidence d'été d'un Shogun, il devient sanctuaire par décision d'un prêtre de la période Nara. Attention : obligation d'y marcher en chaussettes et les visites sont limitées pour protéger le tapis de mousse, il faut faire une demande écrite au temple et une offrande pour y avoir accès. Le jardin est orné d'un étang donc la forme reprend celle de l'idéogramme signifiant "coeur".



Un petit temple est également niché dans le creux de la végétation. Visite recommandée en automne, dans la flamboyance des érables rouges et de la végétation :



Prochaine étape : le jardin inaccessible de Yasugi.

Un mélange du jardin Saiho-Ji avec celui de Giverny, cela donnerait un aperçu de mon jardin idéal...

Vraiment très beau - les couleurs automnales sont splendides.

Ce jardin a failli être victime de son succès, les fameuses mousses piétinées par les milliers de pas des promeneurs. Les autorités ont pensé le fermer un moment, avant de finalement imposer un nombre de visites limité au maximum.
Aux dernières nouvelles, l'accès serait un peu plus libre aujourd'hui, mais je pense que tout visiteur doit se renseigner soigneusement à l'avance avant d'y aller.

Pour une fois, ce n'est pas un puissant Shogun ou un prêtre qui a créé ce jardin, mais un riche et puissant homme d'affaires. Adachi Zenko a en fait créé en 1970, dans sa ville de Yasugi, un musée d'art moderne édifié au centre d'un ensemble de jardins. Moderne, tout en baies vitrées, le bâtiment n'est en fait là que pour admirer les six jardins disposés tout autour, sur 16 hectares.
Six jardins disposés à des endroits stratégiques, comme des toiles de maître, comme des oeuvres d'art. Six jardins donc inaccessibles, on se contente de les admirer depuis l'intérieur du bâtiment par les baies vitrées. Chacun doit être vu depuis un endroit précis, selon un point de vue et une perspective particulière, en accord avec la symbolique qu'il incarne.
Sans oublier les tableaux du musée qui en quelque sorte, fixés aux murs, "répondent" aux jardins. On y trouve également des céramiques.




Cet endroit au concept profondément original est considéré par les japonais comme l'un des plus beaux jardins de l'archipel. On y accède par un bus gratuit depuis la gare de Yasugi. Attention, c'est souvent bondé, les visiteurs débarquent par bus entiers (plus de 10 000 visiteurs par an).

Prochaine étape : retour à Kyoto avec le jardin Enko-Ji.

Poursuite de notre promenade dans les jardins japonais. Nouvelle halte à Kyoto, au temple bouddhiste de Enko-Ji, pour admirer les superbes jardins voulus par le Shogun Tokugawa en 1601 :




Seulement 200 mètres pour cette forêt de bambous montant à l'assaut du ciel et formant une voûte épaisse et ombragée à travers laquelle joue la lumière. Une double haie qui étouffe les sons venus du dehors. Et quand le vent souffle, le bruissement des bambous vous accompagne, comme un murmure, le long de votre promenade...



Temple bouddhiste d'Adashino Nenbutsu. Pas vraiment un jardin, plutôt un sanctuaire : on trouve ici pas moins de 8000 statuettes de pierre symbolisant les corps des pauvres que l'on enterrait ici, au sommet de cette colline, au Moyen Age. Une sorte de "fosse commune" si l'on ose dire, pour les plus humbles, ceux qui n'avaient personne pour payer leur sépulture et venir s'y recueillir. Pour quand-même reposer à l'ombre des érables rouges...

Retour au Japon pour une promenade de rêve au jardin Kawachi. C'est au printemps qu'il faut venir, comme des milliers de japonais qui viennent y admirer "le tunnel des glycines". 80 mètres de long tapissés de 150 pieds de 20 espèces différentes de ces fleurs. Pour un résultat enchanteur, féérique, magique :




Et si par extraordinaire, vous trouviez trop court ce tunnel floral, pas d'inquiétude : le reste du parc est à l'unisson...



Par contre, pour emmener votre dulcinée poétiser en kimono sous les glycines, il faudra un peu de patience, l'endroit est à Kitakyushu, à plus de 5 heures de route de Tokyo. Attention, le phénomène ne dure pas longtemps, de fin Avril à mi-Mai à peine. Le jardin est privé, l'entrée est donc payante.
Les étrangers y sont très rares, l'endroit est peu connu des touristes. Les japonais sont pas fous, ils se gardent soigneusement l'adresse...

C'est magnifique !!!!

Sauf pour ceux qui sont allergiques aux glycines ou qui n'aiment pas le bleu, le rose et le lilas... Mais bon, ce serait pas de bol...

Envie d'y aller ? C'est à 830 km de Tokyo, environ 5 heures avec le Nozomi high speed train. Une fois arrivé à la gare, un bus dessert le site mais il faut encore marcher un bon moment (environ 45 minutes) avant d'arriver au jardin et beaucoup prennent un taxi en fait. L'entrée était de 1000 yens en 2013. Le parc se visite en une heure environ.
Un déplacement assez long donc, avec train, bus et taxi pour une visite assez courte, ce qui explique sans doute le peu de touristes étrangers sur place...

A kyoto aussi certaines rues à sakura sont illuminées le soir.

Les japonais sont amoureux de leurs cerisiers et en effet l'après midi sous les cerisiers chaque mètre carré est occupé. Au parc Ueno c'était plus bondé que dans le métro

Le cerisier blanc juste en face de chez moi est tout fleuri. C'est un spectacle magnifique que j'ai chaque matin en ouvrant mes volets, et pourtant je suis en ville.

Je voulais vous mettre une photo de "mon" arbre mais je m'aperçois que la pile de mon appareil est déchargée. Je vous montrerais à l'occasion, promis.

Je vous l'avais promis, voici le cerisier en face de chez moi :




Tous les matins, en ouvrant mes volets, j'ai ce spectacle devant les yeux. Ça me met du baume au coeur pour la journée.

Magnifique...

Les jardins japonais en France

J'en connais trois.

Le jardin japonais du Havre

Ce jardin a été « offert » par le port d'Osaka, jumelé au port du Havre.
De dimension modeste 2 000 m² (soit environ 45 m de côté), il est sympathique, mais sa gestion par le Port autonome du Havre (PAH) est à chier : visite payante sur réservation, avec peu de visites par semaines, pas de mise en valeur particulière, c'est le genre d'endroit où on va faire un tour une fois puis on n'y remet plus jamais les pieds.

https://www.lehavre.fr/que-faire-au-havre/le-jardin-japonais

Remarquez les vélos sur la photo ci-dessus : elle a été prise à l'occasion du Vélotour, c'est à cette occasion que je l'ai visité.

Le jardin japonais de Nantes

Situé sur l'Île de Versailles, son accès est libre et gratuit. C'est un parc urbain de 1,7 ha (à la grosse 75 m × 225 m), où l'on peut aller comme dans n'importe quel parc urbain : pour se balader, laisser jouer les enfants, prendre le goûter ou un pique-nique, bref, un lieu de vie. Mais du coup, la fréquentation n'est pas forcément propice à la méditation, après faut savoir ce qu'on veut.

https://www.nantes-tourisme.com/fr/parc-et-jardin/ile-de-versailles

Le parc oriental de Maulévrier

Le pus beau des trois et le plus étendu : 29 ha (env. 380 m  × 760 m). Proche de Cholet, accès payant mais ouvert quasiment tous les jours de l'année (sauf décembre, et fermé les lundis en basse saison). Il est traversé par une rivière et contient des lieux étonnants. Ils organisent des visites de nuit à la lueur de lanternes de papier avec six contes japonais, dont un présenté en kamishibai (théâtre d'ombre, mais sous forme vidéo ici) ; on l'a fait cette année avec les enfants, c'est féerique.

http://www.parc-oriental.com/

Pendant des siècles, ce sont les forgerons et armuriers qui fabriquaient Katanas, sabres et armures qui forgeaient également les cisailles destinées à l'entretien des bonsaï. Le tout avec la même rigueur, la même précision du moindre détail. Samouraï et seigneurs pouvaient ainsi attendre un an et débourser une forte somme pour obtenir l'un de ces ciseaux.

Les deux parties sont forgées séparément et ne seront fixées qu'ensuite. La composition de l'acier est évaluée avec autant de soin que celle des sabres et autres armes. Un bâtonnet d'acier est laissé au four pendant une heure avant d'être travaillé au marteau puis à la tenaille pour prendre la forme voulue.




Chacune des deux parties est ensuite passée au four, à une température exacte de 700 degrés. Les maîtres de la forge japonais étaient capables de savoir que cette température était atteinte uniquement à la couleur du feu. C'est pourquoi l'opération avait souvent lieu avant le lever du jour, afin de mieux distinguer la couleur du feu dans l'obscurité. Vient ensuite la "trempe", le métal brûlant étant plongé dans un baquet d'eau froide.




Puis c'est le passage à la meule et à la lime, pendant des heures parfois, afin d'aiguiser et affiner le métal pour obtenir le tranchant (celui d'un rasoir) et la pointe voulus. Vient enfin l'assemblage des deux parties. Subtilité suprême : alors que dans des ciseaux normaux, les deux parties bougent en même temps, dans les ciseaux pour bonsaï, elles sont légèrement indépendantes, elles s'écartent légèrement l'une de l'autre, rendant l'outil plus souple, afin d'accompagner le mouvement de la main qui l'utilise. Les jardiniers professionnels sont capables de reconnaître la qualité des ciseaux uniquement au son produit lorsqu'ils se referment.

Aujourd'hui, les ciseaux pour bonsaï sont fabriqués industriellement.
Il reste toutefois une poignée (qu'on peut compter sur les doigts d'une main) de forgerons qui perpétuent  la fabrication des ciseaux de bonsaï à l'ancienne, sauvegardant ainsi un art séculaire. Les amateurs devront attendre un an de travail et débourser jusqu'à 26 000 dollars pour une paire de ciseaux qui dureront plus d'une vie...

Ah ouais quand même 26000 dollars !!!

Une paire basique, la moins chère, forgée selon les règles, vaut 1 100 dollars. La plus chère de toutes vaut... 32 420 dollars.
C'est dans la ville de Sakai qu'on peut les trouver, cette ville perpétue depuis des siècles le travail de la forge et du métal selon les règles et techniques traditionnelles. On y trouve la plupart des forgerons qui travaillent encore de cette manière, que ce soit pour les armes ou pour les couteaux et outils.

26 000 dollars mais ils offrent l'arrosoir avec.
Et comme l'arrosoir est vendu 20 000 dollars, il paraît que c'est une affaire.