LES MARAIS DE SAÔNE

Jadis, la plaine du village de Saône était, comme tout le plateau du Varais, un pays sec, fait d'une mince couche de terre recouvrant un sous-sol de pierres calcaires, truffé de grottes et de cavités béantes. En ces temps lointains, il arriva que le Diable devint amoureux d'une jeune bergère, la belle Evotte de Côtebrune.

Pendant tout un automne, il prit l'aspect d'un prince et vint lui faire la cour vers son troupeau, dont les prés fleuris de colchiques au pied de la maison forte. Chaque jour, il lui faisait des cadeaux, lui disait qu'il l'aimait. Sachant qu'elle était d'un milieu bien modeste, l'humble bergère baissait les yeux et ne répondait pas.

Un jour, le prince arriva sur un superbe cheval noir et lui demanda si elle voulait le monter avec lui. La pauvre fille accepta sans méfiance mais il s'agissait du Chevau-Gauvin qui galope dans les airs avec autant d'aisance qu'un poisson nage dans l'eau. Tandis qu'elle se grisait de voir, d'en haut, son village natal, le Diable tenta d'abuser d'elle. Alors, elle le mordit cruellement. Le Démon la lâcha, et la laissa tomber au sol. A cet instant, un orage extraordinaire éclata au-dessus du pays, les gouffres crachèrent un déluge qui recouvrit pour mille ans le corps de la belle Evotte.

Telle est l'origine des marais de Saône. On dit qu'un jour, quand l'immense étendue d'eau se sera asséchée, on retrouvera le corps intact de la jeune vierge, Eve de Côtebrunne.