MYTHOLOGIE AFRICAINE

L'Afrique n'est pas un continent, c'est un monde. De l'Afrique noire à Zanzibar, de Madagascar la rouge à l'Afrique australe, de l'Ethiopie à Oman, ses croyances sont multiples.
Préparez-vous à partir à la découverte des dieux et déesses du continent noir...
(photos de/by N3K studios)

J'aime bien Shango.

Les croyances de l'Afrique sont aussi multiples qu'elle. Une partie du continent est musulmane, l'Ethiopie est chrétienne depuis des siècles et quantité de divinités, esprits et autres se côtoient du nord au sud et d'est en ouest.

Interessons-nous aux Orishas, divinités liées aux traditions religieuses yoruba (un grand groupe ethnique d'Afrique). On les retrouve également en Amérique, importées lors de la traite des noirs.
Particulièrement vénérées au Bénin et au Nigéria, au Brésil pour l'Amérique ainsi qu'à Cuba et Haïti, il s'agit de divinités de la nature, incarnant les phénomènes et manifestations de cette dernière. Il faut également souligner que ces croyances ont été parfois teintées de christianisme par les missionaires autrefois.


Aganju est le dieu du désert, des grands espaces, des volcans mais aussi des rivières. Etant le troisième dans l'ordre de venue au monde des Orishas, il est donc très ancien. Symbolisé par le soleil, maître des rivières (donc de l'eau), il est principalement vénéré par les agriculteurs, considéré comme force de vie, celui qui fertilise la terre et fait pousser les végétaux. Son association aux volcans le rattache à la terre, il est donc un symbole de force, mais il a été également adopté par les commerçants car il symbolise aussi les richesses minérales (or, diamants...) que la terre enferme en son sein.

Dans la grande famille des Orishas, Aganju est considéré comme le père, parfois le frère de Shango. On lui prête une relation avec Oshun et Yemoja, auxquelles il est souvent associé.

Yemoja, nommée également Yemaya, est la déesse des océans, source de toute vie et protectrice des femmes enceintes. Elle incarne la fécondité, la maternité, sorte de mère universelle comme Isis. Elle eût d'Aganju un fils, Orungan et donna vie à quinze autres dieux. Elle est la vie, d'ailleurs son nom signifie "La mère dont les enfants sont comme les poissons." 
Au Brésil, elle est volontiers représentée en sirène. Lors de l'évangélisation du pays, elle fût rapidement assimilée à la Vierge.
Il faut savoir que son "culte" est toujours vivace au Brésil. A ne pas rater (j'ai eu l'occasion d'y assister), le 31 décembre à Rio de Janeiro : tous les cariocas se réunissent sur les plages, vêtus de blanc, parfois avec des lampes ou bougies, pour jeter des roses blanches à la mer en l'honneur de la déesse (nommée ici Lemanja).
A Salvador de Bahia, c'est le 2 février qu'elle est honorée de même façon, sur la plage du Rio Vermelho.

Il est le Héphaïstos africain. Fils de Yemoja et Orungan, il est le dieu du métal, protecteur et patron des forgerons. Il est le maître du feu, du fer et par extension, des armes, des outils et des guerriers. Redoutable et brave, il est le guerrier par excellence, le protecteur, le chef.
Son arme est le sabre, son animal le coq rouge. Sous l'influence chrétienne, il fût assimilé à Saint Jacques le Majeur.

Oya est une autre divinité de l'eau, comme Yemoja, mais plus consacrée à l'eau douce, aux rivières et elle est également associée à l'air et au vent. D'origine nigérienne, Oya est liée au culte des morts, étant celle qui enlève par le souffle des vents l'âme des défunts jusqu'au ciel. Elle est également le vent qui annonce la tempête.
Ses couleurs sont le rouge et le brun, son arme le poignard courbe et son symbole la corne de buffle. Elle est associée à Sainte Barbe dans la tradition chrétienne.

Une divinité particulière, car ils sont deux, symbolisant la jeunesse et la vitalité. Ils sont les jumeaux divins et leur grande différence apparaît dans leur représentation. Soit deux enfants jumeaux, un garçon et une fille. Dans ce cas, ils sont également les protecteurs de l'enfance et des bambins, de la première jeunesse. Soit deux jumeaux parfaits d'une grande beauté qui symbolisent alors la vitalité, la fougue et l'énergie de la jeunesse.

Il est le roi des dieux, le maître des cieux, le créateur. Il apparaît en fait sous trois formes et noms différents : Olodumare le créateur, Olorun le maître des cieux et Olofi le lien entre le Ciel et la Terre.
C'est lui qui donne vie aux humains en insufflant en eux Ashé, la force vitale, l'énergie primordiale. Le soleil est son emblème. S'il est représenté, dans l'absolu, il n'a ni genre ni forme, étant au-delà des limitations humaines.

Une divinité guère heureuse... Obba est la protectrice du foyer, de la famille et des valeurs familiales. Etant l'une des épouses de Shango et très amoureuse de lui, elle fût évincée au profit d'une favorite, ce qui l'affecta profondément.
Sa symbolique change, elle devient l'incarnation de l’amour réprimé, du sacrifice et du dévouement envers l’être aimé, de la souffrance et de la fidélité conjugale. Elle devient également la protectrice des femmes trompées, battues ou chassées de leur foyer.

Dans la tradition chrétienne, elle est assimilée à sainte Rita, patronne des désespérés.

Ses noms sont multiples (Oshosi, Ochosi, Ososi, Oxosi, ou encore Osawsi). Il est le dieu de la chasse et de la forêt, le pisteur, le guide solitaire, profondément lié aux esprits de la forêt avec laquelle il vit en harmonie. Par extention, il est donc le protecteur des chamanes, le pourvoyeur de nourriture, celui qui apporte l'abondance.
Son culte reste très vivace au Brésil (plus qu'en Afrique ou dans les îles), surtout pour les communautés vivant au contact de la forêt amazonienne dont il est l'une des incarnations. Il est également le dieu de la justice, le protecteur des dépossédés et des animaux.
Lors de l'évangélisation du Brésil, il fût assimilé à Saint Sébastien, le martyr au corps criblé de flèches, par analogie à son statut de chasseur.

C'est l'Aphrodite africaine, la Vénus noire. Oshun, dont la couleur est le jaune éclatant, est la déesse de la beauté, de l'amour, des plaisirs charnels et du sexe. Par extension, elle est liée à la fertilité, à l'eau et aux rivières. C'est la tentatrice, la séductrice, celle qui fait perdre la tête même aux plus sages, comme il y en a dans toutes les mythologies. Son attribut est, en toute logique, le miroir.
Sa présence est très forte à Cuba, où elle est assimilée à la Vierge de la Caridad del Cobre, la sainte patronne et protectrice de l'île.

Nous poursuivons avec Obatala, parfois nommé Ochala, sans doute le plus admiré et respecté du panthéon des orishas. Il est le dieu de l'harmonie, de l'équilibre et de la paix, créateur de l'humanité. En tant que tel, il est le juge suprême, épris de justice et de compassion, celui qui comprend et pardonne. Il est également l'esprit, la conscience, l'immatériel. Sa couleur est le blanc.

Chose étonnante, dans la mythologie chrétienne, il est assimilé à une femme, la vierge de la Merced.

Voici l'Hermès du panthéon africain : Eshu est effectivement le messager des dieux, le lien entre les hommes et les dieux. Il est aussi le maître des intersections et par là même, le seigneur du doute, du choix et de l'incertitude. Par extension, il en devient le dieu du destin et de la fatalité.
Si Hermès est le guide des défunts vers le monde des ténèbres dans la mythologie grecque, Eshu est celui qui ouvre et ferme les portes de la vie.
Le rencontrer n'est pas toujours recommandé : le dieu est réputé changeant, inconstant et joueur, fantasque et se plaisant au déguisement et changement d'apparence.
Particulièrement vénéré au Nigéria et au Bénin, son culte fût implanté au Brésil, à Cuba et Haïti par les esclaves noirs venus d'Afrique qui "l'emmenèrent" avec eux pour qu'il les guide.
Le lundi lui est consacré, ses couleurs sont le noir et le rouge.

Egalement nommé Inle ou Eyinle, ce dieu vient d'Afrique de l'Ouest. Il est le dieu de la force physique, de l'énergie, de la vitalité et de la santé. Incarnation de la force et de la virilité, il est le patron des guérisseurs et médecins et, chose plutôt étonnante, celui des homosexuels. Chasseur, il vit dans la forêt avec ses frères Ogun, Ochossi et Osanyin, mais aussi dans une ferme. Il est souvent associé avec plusieurs divinités féminines, symbolisant comme elles, d'une certaine manière, l'abondance et la vigueur.

Après une longue pause, reprenons notre tour d'horizon du panthéon africain avec Shango. Ce dernier, souvent nommé Xango dans les Caraïbes et en Amérique Latine est le dieu de la foudre, du tonnerre et des orages. Il est également le dieu du feu.
Dans la tradition chrétienne, il est assimilé à Saint Jean-Baptiste.
C'est l'une des divinités les plus populaires et son culte reste encore vivace, principalement au Brésil et dans le vaudou. Il incarne également le calme, l'assurance et le contrôle de soi.
Il est souvent représenté sous la forme d'une trinité de lui-même, avec une double hache. Ses couleurs sont le rouge et le blanc, son animal consacré est le mouton.

Peut-être le plus mystique des dieux de ce panthéon africain... Orunmila est effectivement le dieu de la sagesse, du savoir et de la divination. Il est celui qui prédit le futur et conseille, protecteur des voyants, prophètes et prédicateurs.
Témoin de la naissance du monde, il est par conséquent "celui qui connait le destin de tout ce qui existe".
Ses couleurs sont le jaune et le vert.
Dans la tradition chrétienne, il est assimilé à Saint François d'Assise.

Dieu suprême des Dogons, il habite les régions célestes et il est à l'origine de toute la création. Mais un de ses enfants s'est échappé et il a amené avec lui le désordre, l'impureté, la nuit et la mort. Un autre de ses enfants est sacrifié pour revivifier le monde.

Nommé également Osain ou encore Osayin, il est le dieu des forêts, le divin guérisseur, maître des herbes et plantes médicinales. Il est le dieu du végétal, de ce qui pousse librement, en opposition avec ce qui est cultivé. Il incarne la nature vierge et sauvage et les grands espaces.
Ses couleurs sont le vert, le rouge, le blanc et le jaune. Les branchages sont son symbole.
Dans la tradition chrétienne, on l'assimile à Saint Ambroise, Saint Joseph et Saint Benoît.

Oshumaré (ou Oxumaré) est l'une des divinités les plus mystiques du panthéon africain et dont les attributions sont parfois difficiles à cerner.
Il est le serpent et l'arc en ciel, le trait d'union entre la Terre et le Ciel, l'intermédiaire entre l'homme et le divin. Androgyne, ni vraiment homme ni vraiment femme, il est le mouvement, le lien, celui qui relie la vie à la mort, le conscient à l'inconscient. On ne s'étonnera donc pas que lui soit consacré, à chaque naissance, le cordon ombilical de l'enfant venant de naître.
Bisexuel, il vit une partie de l'année sous la forme d'un jeune et beau chasseur hantant les forêts et l'autre partie de l'année, il prend la forme d'une jeune nymphe se baignant nue dans les lacs et les rivières.
Un dieu inhabituel donc, loin des attributions classiques (la mer, la terre, la force, le feu...) et qui occupe une place à part au sein des divinités africaines.

Ori est une divinité également difficile à appréhender. On pourrait le qualifier de dieu de l'esprit et de la pensée. A la base, il incarne un concept de philosophie et de spiritualité. Il est l'image de l'inconscient, de l'esprit qui habite et anime la chair.
Ses adorateurs tendent vers une certaine quiétude, un équilibre entre le corps et l'esprit qui les amène à l'harmonie. Il s'agit avant tout de se connaître soi-même pour être en harmonie avec le reste du monde. "C'est soi-même qu'il faut d'abord connaître et vénérer et la divinité viendra d'elle-même".
Peut-être le dieu le plus spirituel du panthéon africain, l'incarnation de l'esprit humain.

Olokun est le dieu africain des mers et des océans, consacré à l'eau salée. Il est représenté par un homme ou une femme suivant les régions où son culte est pratiqué. Son nom signifie "maître (ou possesseur) des océans". On lui accorde septs caractéristiques : patience, endurance, observation, sévérité, méditation, mémoire historique et visions prémonitoires.

Mais il est également le dieu des rêves et des visions, de la méditation et de la santé mentale. Sous sa forme féminine, il est l'épouse d'Olorun le dieu suprême, incarnation du ciel et leur couple représente donc l'union du ciel et de la mer donnant naissance à l'humanité.

Olokun est particulièrement vénéré au Bénin, au Togo et au Nigéria. Il a également un lien très fort avec la traite des noirs, lorsque les esclaves étaient acheminés d'Afrique par bateaux à travers l'océan atlantique. A ce titre, Olokun est souvent considéré comme le maître de la "diaspora" du panthéon africain aux Amériques.

Nous terminons aujourd'hui ce tour d'horizon des principaux dieux africains avec



Oko est le dieu de l'agriculture et des moissons, protecteur des paysans, consacré à la terre cultivée en opposition à Ozain, dieu de la terre vierge et sauvage.

Divinité nourricière, il apporte le grain, la stabilité et la fécondité. S'il nourrit l'homme par l'agriculture pendant la vie, l'homme le nourrit en retour à sa mort par sa décomposition dans la terre. Dans beaucoup d'endroits, il est associé à un sexe masculin en érection, symbole de fertilité et de fécondité.
Ses couleurs sont le rouge et le blanc, symboles du sang et du sperme.
Dans la mythologie chrétienne, il est assimilé à Saint Isidore.



Il est le dieu de la maladie, de la pestilence et de la mort. On l'associe à la variole, la grippe, la lèpre et le Sida. S'il est le dieu de ces maladies, il est également celui qui sait les guérir. Il est donc double : celui qui apporte la maladie en punition d'une faute et celui qui la guérit en récompense. Il incarne la mort, nécessaire et inéluctable, il est "celui qui tue et qui est remercié pour cela".

On le représente souvent drapé, nu, dans une ample robe noire, accompagné de deux chiens. Son symbole est la béquille.
Le 16 décembre, à Cuba, des bougies sont allumées en l'honneur de Saint Lazare, à qui il est associé dans la religion chrétienne. Les gens veillent alors jusqu'à minuit, heure à laquelle ils demandent au dieu de les protéger des maladies et du diable.

Si l'Afrique est à la base majoritairement païenne, l'Ethiopie fait figure d'exception majeure, pratiquant le christianisme depuis des siècles. Ce dernier apparaît au début du IVème siècle avec la conversion du roi Ezana d'Aksoum par le religieux Frumentius. Vers 480, un groupe de moines, les Neuf Saints, introduisent les courants du monachisme et du monophysisme contribuant à la diffusion du christianisme dans le territoire.
Pratiqué par environ 65% de la population, le christianisme éthiopien est celui du rite orthodoxe et suit le calendrier julien. Il imprègne profondément la société éthiopienne bien que le pays soit officiellement laïc depuis la chute du dernier empereur en 1974. La religion reste très vivace dans le pays, églises et monastères se succèdent, les pélerinages aussi, principalement au lac Tana, à la cité sainte de Lalibela ou dans les monastères perdus du Tigray (Voir les sujets consacrés dans Le sanctuaire). Les critiques à l'encontre de la religion et des personnages bibliques restent très mal vues. Une minorité d'éthiopiens pratique le rite catholique.

Cette enclave chrétienne longtemps encerclée par l'Islam a enflammé l'imaginaire des hommes du Moyen Age : le fabuleux empire d'Abyssinie devenait un allié possible pour prendre le monde musulman à revers et trouver une route nouvelle vers les Indes et la Chine. L'histoire du Prêtre Jean, maître d'un fabuleux et puissant royaume chrétien a suscité les chimères les plus folles jusqu'à la cour des Papes.

Le Timkat correspond plus ou moins à notre épiphanie et reste la principale fête du christianisme éthiopien. Elle célèbre également le baptême de Jésus dans les eaux du Jourdain. Ayant lieu le 19 janvier (le 20 pour les années bissextiles), cette célébration donne lieu à d'impressionants pélerinages vers les lieux les plus sacrés de l'Ethiopie, dont la cité monastique de Lalibela principalement. Une foule de pélerins, le plus souvent drapés de blanc en signe de pureté, vient admirer les répliques de l'Arche d'Alliance, retirées pour l'occasion des sanctuaires et exposées au public toute la nuit à la lueur des cierges. Le tout sous l'oeil vigilant d'un clergé aux toilettes fastueuses et colorées. Puis tout le monde gagne à l'aube l'étendue d'eau la plus proche pour un bain rapellant le baptême originel. A Gondar, l'ancienne capitale, les bassins du château Fasilides sont remplis pour l'occasion et voient affluer les pélerins.






L'ensemble reste profondément mystique, d'une intemporalité biblique, avec ces centaines de pélerins drapés de blanc, souvent pieds-nus, défilant dans la nuit à la lueur des centaines de cierges et chantant des chants bibliques et sacrés. Que ce soit aux bains royaux de Gondar ou au pied des églises de roche rose de Lalibela, le spectacle est féérique et vibrant.

Certaines photos sont vraiment belles. On ne s'attend pas vraiment à ces étendues d'eau en Ethiopie à laquelle colle plutôt une image de désert et de famine. Le côté multicolore et les bains rituels me font curieusement penser à l'Inde.