Quelques poèmes écrits en français de ce poète russe :
Nous avons pu tous deux, fatigués du voyage,
Nous asseoir un instant sur le bord du chemin –
Et sentir sur nos fronts flotter le même ombrage,
Et porter nos regards vers l'horizon lointain.
Mais le temps suit son cours et sa pente inflexible
A bientôt séparé ce qu'il avait uni, –
Et l'homme, sous le fouet d'un pouvoir invisible,
S'enfonce, triste et seul, dans l'espace infini.
Et maintenant, ami, de ces heures passées,
De cette vie à deux, que nous est-il resté ?
Un regard, un accent, des débris de pensées. –
Hélas, ce qui n'est plus a-t-il jamais été ?
(1838)
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Que l'homme est peu réel, qu'aisément il s'efface ! –
Présent, si peu de chose, et rien quand il est loin.
Sa présence, ce n'est qu'un point. –
Et son absence – tout l'espace.
(1842)
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Un ciel lourd que la nuit bien avant l'heure assiège,
Un fleuve, bloc de glace et que l'hiver ternit –
Et des filets de poussière de neige
Tourbillonnant sur des quais de granit...
La mer se ferme enfin... Et le monde recule,
Le monde des vivants, orageux, tourmenté...
Et, bercé aux lueurs d'un vague crépuscule
Le pôle attire à lui sa fidèle cité...
(1848)
(Bien évidemment, vous aurez remarqué que la fidèle cité en question est Saint-Pétersbourg.)
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Lamartine
La lyre d'Apollon, cet oracle des dieux,
N'est plus entre ses mains que la harpe d'Éole,
Et sa pensée – un rêve ailé, mélodieux
Qui flotte dans les airs bercé par sa parole.
(1849)
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Comme en aimant le cœur devient pusillanime,
Que de tristesse au fond et d'angoisse et d'effroi !
Je dis au temps qui fuit : arrête, arrête-toi,
Car le moment qui vient pourrait comme un abîme
S'ouvrir entre elle et moi.
C'est là l'affreux souci, la terreur implacable,
Qui pèse lourdement sur mon cœur oppressé.
J'ai trop vécu, trop de passé m'accable,
Que du moins son amour ne soit pas du passé.
(1849-1851)