(Image : clap.ch)
Un Oscar de plus, le troisième, pour Frances McDormand, après
Fargo et
Les panneaux de la vengeance.
Réalisé par la chinoise Chloé Zaho, le film retrace le parcours de Fern, une sexagénaire américaine qui a tout perdu dans la fameuse crise de 2008 et qui se retrouve à vivre dans sa camionnette. Déboussolée, abattue, avec le sentiment d'être désormais une "looseuse", une déclassée, Fern va partir sillonner les routes. Elle va découvrir, au cours de sa vie itinérante, qu'elle n'est pas la seule et que d'autres, comme elle, ont formé une communauté et se retrouvent régulièrement, s'entraident. De petits boulots foireux en aides sociales, de rencontres en moments de galère, notre sexagénaire va s'adapter à son nouveau mode de vie. Elle finit par y trouver un nouveau sens à sa vie : elle est libre, elle va et vient à sa guise, découvre des endroits, des paysages qu'elle ignorait et où elle n'aurait jamais pensé aller un jour, dans sa vie "d'avant". Et elle réalise progressivement combien cette indépendance nouvelle lui est précieuse.
(image : lenouvelliste.ch)
Le film se penche sur une communauté qui existe bel et bien, les
nomads, ces gens qui ont tout perdu, ont fait de leur véhicule leur maison et sont partis sur la route. Une communauté soudée, qui s'entraide, où chacun se connaît. La réalisatrice met en lumière ces déclassés de l'Amérique, ces perdants du rêve américain qui s'inventent une nouvelle vie.
Frances McDormand porte le film à elle seule. Elle incarne superbement cette femme de soixante ans qui perd son boulot, sa maison, son mari (mort d'un cancer), ses repères et doit s'inventer une nouvelle vie. Une nouvelle vie dont elle a d'abord honte, avant de progressivement l'adopter et de découvrir une liberté quasi totale. La scène où elle voit l'océan pour la première fois, où elle marche le long des vagues, le visage mouillé par les embruns, décoiffée, libre, résume le film à elle seule. Les autres acteurs, dont de vrais nomades, sont au diapason.
On termine avec cette scène, où Fern embrasse ses nouveaux amis avant de reprendre la route, seule, et où l'un d'eux lui répond :"On se reverra sur la route". Le message est clair, t'es pas seule, t'auras toujours quelqu'un pour t'aider. J'ai trouvé l'ensemble beau, bien joué, émouvant.
Mais...
Je reprocherai au film un côté "carte postale" évident, sans oublier le lacrymal et la musique poignante qui va avec. On peut reprocher aussi à la réalisatrice de nous présenter comme une communauté hippie et vraiment cool des gens qui ont quand-même tout perdu et sont devenus des SDF, des citoyens de seconde zone. On a l'impression qu'ils ne manquent de rien, que tout le monde est pote avec tout le monde et au final, on serait presque tenté de tout envoyer chier et de partir avec eux. On se doute que la réalité est certainement moins plaisante et que tous n'ont pas la force, physique et psychique, de Fern pour faire face. Chloé Zaho a certes le mérite de se pencher sur ces "invisibles" qui ont dû réinventer leur vie, contraints et forcés, mais elle le fait d'une manière trop léchée, trop cinématographique je trouve, trop "hollywoodien" en fait.
Il n'empêche : le film est beau et poignant, porté par une actrice qui, à l'heure du jeunisme et des bimbos, affiche avec fierté son physique, ses rides, son indépendance, et se livre sans fards.
J'ai beaucoup aimé et je recommande.