Conservée au musée de Cluny, c'est l'une des plus belles et célèbres tapisseries de la fin de l'époque médiévale.
Mais on ignore souvent qu'il ne s'agit pas en fait d'une seule tapisserie mais de six. Une tenture en fait, composée de six panneaux, exécutée vers 1500. Et on ignore souvent également que ces oeuvres comportent un message, un sens caché : les cinq premières sont des allégories des cinq sens, tandis que la sixième se réfère peut-être au coeur, considéré (dans sa dimension spirituelle) comme le sixième sens au Moyen Age.
Pour les cinq sens :
Le goût
(Image : Thesupermat, travail personnel)
La Dame prend dans une coupe une dragée, très en vogue au Moyen-Age, surtout auprès des femmes, passant pour faciliter la digestion et parfumer l'haleine.
La vue
(Image : Thesupermat, travail personnel)
La Dame tend un miroir à la licorne qui y voit son reflet.
L'ouïe
(Image : Thesupermat, travail personnel)
La Dame joue de l'orgue.
L'odorat
(Image : Thesupermat, travail personnel)
La Dame tresse une couronne de fleurs odorantes.
Le toucher
(Image : Thesupermat, travail personnel)
La dame saisit la corne de la licorne d'une main, un étendard de l'autre.
Vient enfin la sixième tapisserie, la plus mystérieuse.
(Image : Thesupermat, travail personnel)
Elle était accrochée à part, seule, en face des cinq autres. La Dame y donne un somptueux collier, celui qu'elle porte dans les autres représentations. Le pourtour de la tente, au sommet, est brodé de la phrase : "A mon seul désir". Pour certains, la Dame renonce à sa parure, qu'elle offre, se délaissant de toute richesse ou vanité, ce qui correspondrait au coeur, considéré comme le sixième sens, à part entière, chargé d'une lourde symbolique, à l'époque.
Pour certains, il faudrait "lire" la tenture entière comme un message, un parcours initiatique où le spectateur découvre successivement les cinq sens (matériels, organiques) pour finir par le don, le coeur, la générosité (spirituelle). On aurait donc là un parcours spirituel, une élévation de l'âme, de l'esprit, qui acquiert la générosité, le Bien, après avoir parcouru les cinq sens et s'en être délaissé. On peut y voir aussi une allégorie du renoncement : la Dame, après avoir usé des plaisirs procurés par les cinq sens, renonce à la frivolité, à la vanité, pour se tourner vers le don, l'abandon, symbolisé par le don du collier.
La présence de la licorne elle-même n'est pas innocente : elle symbolise le courage, celui nécessaire pour se défaire des plaisirs des cinq sens et atteindre le don, la bonté et elle incarne également la pureté. A ses côtés, on découvre au fil des tapisseries un singe, une genette, un oiseau, une panthère, un chien... Mais aussi des arbres dont un chêne, un oranger, du houx...
La tenture de la Dame à la licorne n'a pas fini d'alimenter spéculations et interprétations, tant les symboles (animaux, arbres, objets) y abondent... D'autant qu'on ignore qui l'a créée et pour qui.
Vous pourrez vous faire votre opinion en l'admirant au musée de Cluny, à Paris. La tenture a été légèrement restaurée au fil du temps (le bas des tapisseries était attaqué par l'humidité), ce qui a permis à la Dame et à sa licorne de voyager sans encombres au USA et au Japon. Une salle spéciale, avec un éclairage adapté, lui est désormais dédiée.