VICTOR SIMON, AUGUSTIN LESAGE, les peintres "spirites"

Né en 1903 à Bruay-la-Buissière, rien ne semblait destiner Victor Simon, fils de mineur et commençant à travailler à la mine à 12 ans, à devenir peintre. Après la Première Guerre Mondiale, il devient comptable au service de la mine en 1926 puis plaque tout en 1930 pour ouvrir un café-tabac.

C'est en 1920 qu'il reçoit un premier message "spirite", au cours d'une séance de spiritisme, à laquelle il s'était joint par curiosité, l'homme étant tiède croyant et même volontiers anticlérical. Le message en question lui enjoint de se rapprocher du peintre Augustin Lesage qui va le prendre sous son aile.
Augustin Lesage est lui-même un peintre "spirite". Egalement mineur, il a lui aussi entendu un jour, en plein travail, un message, une voix, lui intimant de se consacrer à la peinture.
Avec son aide, Simon (qui n'a aucune connaissance picturale et n'a jamais peint ou dessiné) réalise une oeuvre de deux mètres sur quatre, Résurrection, exposée en 1935. Les deux hommes se lient d'une grande amitié et voyagent longuement ensemble au Maghreb. Mobilisé en 1940, prisonnier l'année suivante et libéré, Simon peint tout au long de la guerre et devient, en 1947, Président d’honneur du Cercle de Spiritualisme Expérimental et Scientifique de Paris. Il fonde même un magazine, Forces spirituelles, qu'il dirigera jusqu'à sa mort en 1976. Il continue à travailler comme comptable, participant activement à côté à de nombreuses activités liées au spiritisme et à l'occulte.

De 1933 à 1972, Victor Simon a peint des centaines de petites toiles et une dizaine de grandes, voire monumentales, couvrant parfois 80 mètres sur 24. Elles sont toutes composées comme une page d'écriture, de haut en bas et de gauche à droite. Les couleurs sont posées selon un procédé proche du pointillisme, les gouttes de couleur pure dessinant des figures géométriques, des arabesques, des hiéroglyphes, parfois des figures humaines, et des symboles d'inspiration égyptienne, hindou, byzantine. Souvent exposé, Victor Simon n'a jamais vendu aucune de ses toiles, ne se considérant pas comme artiste (Wikipédia).


Une de ses oeuvres majeures est La toile bleue, peinte entre 1943 et 1944 :









La toile judéo-chrétienne, de 1937 :







Isis de 1942 :



La toile jaune, sa dernière oeuvre, de 1971 :



Le musée Maillol, à Paris, organise actuellement une exposition, intitulée "Esprit, es-tu là ?", consacrée aux peintres spirites, dont Lesage et Simon. Vous pourrez y voir leurs oeuvres majeures, du 10 juin au 1er novembre 2020

Intéressant, que ce soit ses toiles ou son histoire. Il a son propre style, ce que j'apprécie beaucoup. Par contre le coup de la toile de 80 m de long sur 24, je trouve cela démesuré, encore plus s'il n'a jamais vendu de toile. Merci pour cette découverte qui m'a donné envie de découvrir d'autres de ses toiles.

Augustin Lesage est né en 1876, dans une famille de mineurs. Il travaille lui-même à la mine à la fin de son enfance et épousera une fille de mineur. Il n'a aucune disposition pour le dessin ou la peinture.

Un jour de 1911, alors qu'il travaille au fond de la mine, il entend une voix qui lui annonce :"Un jour, tu seras peintre". Troublé, il s'en ouvre à des amis mineurs qui organisent des séances de spiritisme et l'y invitent. A leur grande surprise, Augustin semble posséder des dons évidents dans ce domaine. Très vite, il entend des voix et se met à réaliser des dessins "automatiques", sans volonté propre de sa part, comme "guidé". Des dessins qu'il signe "inconsciemment" Marie, prénom de sa petite soeur décédée à l'âge de trois ans... Augustin Lesage a reporté ce qu'il a entendu au cours d'une de ces séances :

"Aujourd’hui il n’est plus question de dessin, mais de peintures. Sois sans crainte, et suis bien nos conseils. Oui, un jour tu seras peintre et tes peintures seront soumises à la science. Tu trouveras cela ridicule dans les débuts. C’est nous qui tracerons par ta main. Ne cherche pas à comprendre. Surtout suis bien nos conseils. Tout d’abord, nous allons te donner par l’écriture le nom des pinceaux et des couleurs que tu iras chercher chez M. Poriche à Lillers. Tu iras chercher là et tu trouveras tout ce qu’il te faudra"

Lesage ne cessera alors plus de peindre, jusqu'à sa mort. Il reçoit la visite du directeur d'une grande revue spirite de l'époque qui le prend sous son aile et le finance. En 1923, notre artiste quitte définitivement la mine pour se consacrer à son art, peint et expose. Les visiteurs sont stupéfaits "qu'un homme inculte, sans hérédité artistique, simple mineur, soit arrivé à cette forme d'art". Certains pensent que l'histoire de Lesage a été sûrement un peu (beaucoup ?) enjolivée par l'artiste lui-même mais le fait est là.

Il voit donc arriver vers lui un jour Victor Simon, dont nous venons de faire la connaissance. Ce dernier lui révèle avoir entendu des voix lui intimant de prendre contact avec lui. Le peintre prend le nouveau-venu sous sa protection et l'aide à se lancer. Les deux hommes deviennent amis (le fait qu'ils soient issus du monde de la mine tous les deux joue beaucoup) et entreprennent un long voyage en Orient, dont l'Egypte, qui marquera profondément Lesage. A la mort de ce dernier en 1954, Victor Simon est considéré comme son héritier et fils spirituel. Lesage laisse derrière lui plus de 800 toiles.
Selon certains spécialistes, cet homme sans éducation ou culture artistique a créé une oeuvre qui annonce et précède l'art abstrait, l'art surréaliste et l'art brut. Les artistes surréalistes le considèreront d'ailleurs comme un pionnier et une référence. Contrairement à Simon, Lesage vendait ses toiles mais à un prix très bas (il facturait l’heure de travail au tarif horaire d’un mineur) et refusait d'être qualifié d'artiste.
Notre homme ne faisait aucune esquisse, aucun croquis préparatoire : il attaquait directement, peignant par ligne, de haut en bas, le tout à une vitesse jugée exceptionnelle par ses contemporains.

L'artiste continue aujourd'hui encore à diviser. Peintre médium et spirite "guidé par les esprits" pour les uns, affabulateur pour les autres. Il se proclamait lui-même guérisseur (comme Victor Simon d'ailleurs) et alla même jusqu'à prétendre être la réincarnation d'un artiste de l'Egypte antique. La raison ? Certaines particularités de ses tableaux furent reconnues, retrouvées, sur des fresques découvertes bien plus tard à l'occasion de fouilles en Egypte... Lui-même, lors de son voyage, visitant une tombe pour la première fois, y découvrît avec émotion une peinture ressemblant de façon troublante à une de ses oeuvres peinte deux ans plus tôt...





Détail :











L'artiste au travail, image qui donne une idée de la dimension de ses toiles :

Rencontre avec le troisième membre le plus connu des peintres spirites français.

Fleury Joseph Crépin, né en 1875, est d'abord serrurier, plombier puis s'installe finalement comme quincailler. Sa passion ? La musique. Le dessin, la peinture ? Il n'y connaît rien. D'ailleurs, il a la vue fragile, ce qui lui évitera de combattre pendant la guerre. Passionné d'occultisme, il se rapproche du mouvement spirite et rencontre Victor Simon et Augustin Lesage.

C'est en 1938 qu'il réalise ses premiers dessins "automatiques" : il perd soudain le contrôle de sa main alors qu'il écrit une partition de musique et se met à dessiner. Au milieu de l’année 1939, il déclare entendre des voix lui disant : "Quand tu auras peint 300 tableaux, ce jour-là, la guerre finira... Après la guerre, tu devras réaliser 45 tableaux merveilleux et le monde sera alors en paix." Crépin achève sa 300ème toile le 7 mai 1945, la veille de la capitulation de l'Allemagne... Il commence alors la série des tableaux merveilleux en 1947, alors que sa vue baisse de plus en plus et que l'âge pèse de plus en plus sur lui. À sa mort, le 10 novembre 1948, deux tableaux restent inachevés.





Le style de Crépin mais aussi sa technique sont très différents de ceux de ses amis.
Il joue sur la symétrie, les motifs géométriques et utilise la technique des "motifs perlés" : ses œuvres sont composées de centaines de gouttelettes de peinture à l'huile, de couleur pure, déposées sur la toile. La majeure partie de ses oeuvres représente des architectures, très colorées, se rapprochant de l'architecture indienne. Oeuvres qu'il exécutait donc suite à ses "visions" ou lors de séances de "dessin automatique". Ceci en dépit de sa vue qui baissait de plus en plus... L'artiste racontait que lorsqu'il peignait, des "ombres" se tenaient à ses côtés et le guidaient. Selon sa volonté, toutes les esquisses qui restaient à sa mort furent déposées dans son cercueil.





Crépin est aujourd'hui considéré comme un représentant majeur de l'art Brut.
André Breton découvre ses toiles et, conquis, en achète plusieurs, qu'il conservera toute sa vie, faisant connaître leur auteur. Le musée d'Art Moderne de Villeneuve d'Asq propose un grand nombre de ses oeuvres.

Pas trop mon style mais histoire originale

Ses dessins que je qualifierais de "géométriques" (le deuxième et l'avant-dernier postés) m'impressionnent quand-même. C'est tellement précis, symétrique, que j'ai du mal à croire que ce soit fait de manière "automatique", "involontaire".
Après, à chacun son ressenti bien sûr.