(Image : flickr.com)
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Elle est à Saint-Pétersbourg ce que Saint-Basile est à Moscou.
La cathédrale Saint-Sauveur sur le sang versé est devenu l'emblème de la capitale impériale des Tzars.
C'est en 1883 qu'Alexandre III ordonne sa construction. Alexandre III ? Un ours, un colosse barbu et imposant, l'Hercule de la famille qui, pour étonner ses invités, s'amusait à tordre un tisonnier ou déchirer un paquet de cartes à jouer avec ses mains. Il est marié à Dagmar de Danemark, aussi petite, jolie et discrète que lui est imposant. Un couple qui fonctionne pourtant, stable et uni, qui aura six enfants dont le futur dernier Tzar, Nicolas II.
Cette cathédrale, Alexandre III la fait construire en mémoire de son père, Alexandre II, tué par un attentat ici même, en 1881. Alors qu'il se trouvait en public, le Tzar avait échappé de peu à l'explosion d'une première bombe mais avait succombé à une seconde, alors qu'il tentait de venir en aide aux blessés, les jambes et le bas-ventre déchiquetés. Transféré au Palais d'Hiver, il y succomba à ses terribles blessures. La cathédrale ne sera terminée qu'en 1907, sous le règne de Nicolas II. Alexandre III ne la verra donc jamais terminée, contrairement à son épouse, devenue impératrice-mère, qui vécu jusqu'en 1928.
Alors que Saint-Pétersbourg glorifie le néo-classique et reste influencée par l'Occident, Alexandre III choisit pour honorer son père de revenir au style "vieux-russe" ou russe médiéval : couleurs vives, torsades et bulbes dorés, architecture surchargée.
L'intérieur dévoile tous les ors et le faste baroque des Tzars :
(Image : les-covoyageurs.com)
(Image : alexandrederussie.com)
(Image : artintour.ru)
(Image : rendezvousenrussie.com)
L'intérieur de la cathédrale (soigneusement restauré de 1970 à 1997) donne le vertige. Un vertige bleu et or, rehaussé de couleurs et surtout de mosaïques. 7 500 mètres carrés de mosaïques, plus qu'aucune autre église au monde selon certains. Murs et plafonds sont entièrement recouverts de mosaïques représentant des scènes bibliques, le tout éclairé par d'immenses lustres de cristal à l'éclat féérique.
En 1917, l'endroit est pillé par les révolutionnaires et pendant la Seconde Guerre Mondiale, le bâtiment, devenu entrepôt de légumes, est sévèrement endommagé par le siège de la ville. Il faut donc attendre 1970 pour que débute une campagne de restauration de 27 ans. En 1997, Saint Sauveur sur le sang versé rouvre ses portes mais n'est pas consacrée. Elle n'est donc pas officiellement un lieu de culte.
L'avis de votre Voyageur
Alors, autant Saint-Basile à Moscou m'a déçu, autant Saint-Sauveur sur le sang versé m'a emballé…
Bien que très chargée, elle m'a paru bien moins kitch que Saint-Basile. Certes, il y a tellement de décoration, de frises, de moulures, d'ornements, de tuiles… qu'on ne sait même plus par où commencer pour prendre ses photos, on ne sait plus quoi photographier, sous quel angle et très vite, j'ai laissé tomber. De toute façon, moi et la photo...
A l'intérieur, un foisonnement donc, un fourmillement même, qui donne le tournis, presque jusqu'à l'excès. Et pourtant, j'ai aimé. Alors que Saint-Basile m'a surpris par son atmosphère très sombre, ses couloirs étroits, Saint-Sauveur reste aérée, lumineuse, ouverte. Alexandre III a beau avoir voulu faire "vieux-russe", il est resté marqué par son époque et par cette capitale impériale lumineuse, en bord de mer, ouverte sur le monde et baignée de lumière. Et puis ce bleu, ce bleu céleste, apaisant, qui sert d'écrin à tous ces personnages, sans oublier le pavement au sol avec ses marbres polychromes qui reflètent la lumière.
Il faut le reconnaître, quand les Tzars se lâchaient, ça avait de la gueule et il est triste qu'Alexandre III n'ait pas vu terminé ce monument en l'honneur de son père. Si mon église russe préférée reste celle du
Dormition au Kremlin (voir le sujet
Le palais des Terem/Kremlin dans
L'architecte), j'ai vraiment aimé Saint-Sauveur sur le sang versé.
Ne manquez pas le
Ciborium, une sorte de baldaquin magnifiquement ouvragé de topazes et de lapis-lazulis, sur quatre colonnes, qui consacre l'endroit exact où Alexandre II fût mortellement blessé. Détail troublant : le dais protège les graviers sur lesquels coula le sang du Tzar…
(Image : rauline.fr)
L'
iconostase (cloison qui sépare le clergé célébrant du reste des fidèles) est lui aussi impressionnant, magnifiquement ouvragé :
(Image : rauline.fr)
Vous pouvez bien sûr la visiter et tout le monde se presse pour admirer, au péril de ses cervicales, cette profusion de mosaïques soigneusement, minutieusement restaurées pendant 27 ans. Vous vous en doutez : c'est blindé à mort. Attention : si l'endroit n'est pas consacré et n'est donc pas officiellement un lieu de culte, il convient néanmoins d'y observer un comportement respectueux. Consacré ou pas, pour beaucoup de russes, l'endroit est une église, d'autant plus qu'il y a depuis quelques temps une vraie passion des russes pour le passé impérial et tzariste de leur pays (Nicolas II et les siens, massacrés par les révolutionnaires, ont été proclamés martyrs au début du siècle et réhabilités).