SAUT D'EAU, LES BAINS SACRES (Haïti)

Elles auraient pu prendre place dans notre sujet sur les plus belles chutes et cascades du monde mais les chutes de Saut d'Eau, en Haïti, nous emmènent bien en terres païennes quelque part…

Sodo en créole haïtien est en fait une commune qui doit son nom à ses chutes, dont les eaux proviennent de la Montagne Terrible, culminant à plus de 1 434 mètres d'altitude. Nichées au cœur de la forêt, les chutes se jettent du haut de leurs 30 mètres dans plusieurs bassins naturels.
Le lieu est sacré aussi bien pour les chrétiens que pour les adeptes du vaudou et des esprits. Les premiers viennent y honorer la Vierge, celle du Mont-Carmel, les seconds Erzulie, déesse de l'amour vaudou, puissante et respectée. Le lieu est sacré, chaque arbre, chaque rocher abrite un esprit. Pour les chrétiens, c'est la Vierge qui est apparue ici en 1948, pour les païens, c'est la déesse Erzulie, parfois assimilée à une Vierge noire.

C'est du 14 au 16 juillet, chaque année, que les pèlerins se retrouvent, toutes classes sociales confondues, toutes différences abolies, catholiques fervents comme adeptes du vaudou, chantant, priant, allumant des bougies et surtout se baignant dans les eaux purificatrices, le tout aux sons des chants, prières et musiques sacrées ou profanes. Pendant que résonnent les Rara, tambours et trompettes vaudou, les catholiques entonnent leurs cantiques. Bien sûr, la danse suit, quand ce n'est pas la transe. Vierge ou déesse de l'amour, le rite est identique : on vient se placer sous les chutes pour "conjurer le mal" et voir exaucées ses prières. La tradition veut que l'on se baigne d'abord habillé, avant de se dénuder, les vêtements trempés symbolisant le passé, tout le "mauvais" qui s'en va, purifié par les eaux sacrées. En ces instants, toutes les frontières sont abolies, dans la nudité, il n'y a plus de différence, de barrières. Socialement également, le mélange est complet : riches et pauvres se mêlent sous les eaux sacrées, en un moment de mixité rare. Les personnes LGBT en profitent également, pendant les cérémonies, nul ne s'en prendra à elles. La ville proche, rebaptisée "ville-bonheur" est le seul endroit de l'île où elles peuvent vivre leur différence quasiment sans crainte. Quant à ceux qui entrent en transe, ils sont aussitôt entourés, à la fois pour bénéficier de leur contact avec les dieux mais aussi pour éviter qu'ils ne se blessent ou qu'on leur fasse du mal.





Ces bains, appelés "bains de la chance" font partie intégrante du vaudou haïtien, plaçant ceux qui les pratiquent sous la protection des Iwas, les "invisibles", esprits assurant l'intermédiaire entre les hommes et le créateur Mbamawu. Le rituel impose de se frictionner avec un mélange d'herbes médicinales, broyées dans une calebasse, pour chasser le mal avant de se placer sous la cascade. De leur côté, les chrétiens se recueillent devant la statue de la Vierge avant de rejoindre les autres baigneurs.
Dans un des pays parmi les plus pauvres au monde et déchiré par les conflits internes, les bains et le pèlerinage de la cascade sacrée offrent un moment de tolérance, de respect mutuel total et de paix intérieure. Hommes, femmes, enfants, putains et mendiants, riches et pauvres, noirs, blancs ou métis, prolétaires comme politiciens, tous ont parcouru la longue route de 27 kilomètres depuis la capitale pour rejoindre, au cœur de la forêt, les bains sacrés. Les chrétiens se bousculent dans les églises environnantes où les messes se succèdent tandis que les païens sacrifient à la déesse un taureau dont la chair sera partagée avec les plus pauvres.
Le tout dans une ambiance tumultueuse et anarchique où pourtant, accidents et incidents sont rares et où surtout, chacun respecte l'autre, quel qu'il soit.

OK pour le bain, mais niet pour le bain de foule.
C'est certainement un endroit magnifique.

D'après ce que j'ai lu ici et là, au cours de mes recherches, le brassage est assez sidérant. Pas seulement au niveau des participants mais aussi des demandes : on peut avoir un politicien venu demander de gagner les prochaines élections se baignant à côté d'une femme demandant de nouveaux pneus ou un groupe électrogène pendant que d'autres implorent une guérison ou tout simplement une protection…

Quant au Vaudou, je dirais qu'on est plus là dans le syncrétisme : Uzerlie, déesse vaudou, est parfois assimilée à la Vierge et devient même une Vierge noire. Dans le sujet sur la mythologie africaine, j'avais déjà souligné que beaucoup d'esprits ou de divinités païennes africaines avaient un correspondant chrétien. Comme au Brésil ou aux Caraïbes, il y a un très fort mélange entre christianisme et paganisme, les deux n'étant pas forcément inconciliables.

Pour apprécier cet endroit, je préférerais être tout seul quand même.

Cela doit être plus agréable d'avoir cette cascade juste pour soi. Tu fermes les yeux, tu t'assieds en tailleur sous la chute et tu laisses l'eau te purifier tout en méditant.

Et là, tu touches à l'extase...

Il y a eu en effet une époque assez étonnante de l'empire romain où le christianisme s'est parfois mêlé au paganisme. Le culte de Mithra par exemple, divinité orientale, présentait de nombreux points communs avec le christianisme, dont la naissance du dieu un 25 décembre. Le culte était de tendance monothéiste et prônait la lutte du Bien contre le Mal. Il fût si populaire à une époque qu'on le confondait avec le christianisme et que certains sanctuaires mithraïques furent même attaqués par des chrétiens.
A Rome, on a retrouvé des fresques représentant Apollon ou Hélios sur son char et dont le visage avait été gratté pour être remplacé par celui de Jésus. Quant à l'image de la Vierge à l'enfant, c'est clairement une analogie d'Isis portant l'enfant Horus.
L'empereur Alexandre Sévère se recueillait devant les images des dieux païens autant que celles d'Abraham et Jésus. Quant à l'empereur Aurélien, il vénérait Sol Invictus, le soleil invaincu, célébré le 25 décembre. Les chrétiens ne firent que reprendre la date pour situer la naissance de Jésus, qu'ils n'hésitaient pas à nommer "soleil qui ne connaît pas de déclin", là aussi l'analogie est évidente. On peut également parler de la fameuse bataille du pont Milvius où le futur empereur Constantin aurait vu une croix dans le ciel et entendu : "Par ce signe, tu vaincras". Sauf que les historiens relatent que deux ans auparavant, le même Constantin avait vu apparaître Apollon dans un sanctuaire gaulois, lui tenant à peu près le même langage…
Le IIIème siècle après J.C fût une période profondément mystique où quantité de cultes et d'idéologies se côtoyaient et se mêlaient, voire fusionnaient. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles l'Eglise, par la suite, fixa le dogme chrétien par un ensemble de règles et de textes, le Canon.

On peut signaler également la dynastie d'origine grecque des Ptolémée, en Egypte, qui fusionna divinités égyptiennes et grecques, comme le montre l'apparition de Sérapis, dieu hybride mêlant Hadès, Apis et Osiris.

Voyageur Solitaire a écrit:

On peut signaler également la dynastie d'origine grecque des Ptolémée, en Egypte, qui fusionna divinités égyptiennes et grecques, comme le montre l'apparition de Sérapis, dieu hybride mêlant Hadès, Apis et Osiris.

La représentation des Ptolémée dans le jeu Assassin's Creed Origins est loin d'être à leur avantage. En effet, ils y sont représentés comme des tyrans.

Je trouve que c'est un peu exagéré...

Les trois premiers Ptolémée furent de grands "Pharaons" : grand bâtisseur, Ptolémée Ier fait débuter la construction du Phare d'Alexandrie, de la grande bibliothèque et du Musée et met en place une administration efficace. Ptolémée II offre un empire à l'Egypte avec la conquête de Chypre, de nombreuses régions des actuelles Turquie et Syrie, finalise la construction du Phare, attire à sa cour artistes, érudits, savants et philosophes… et envoie des ambassades jusqu'en Inde. Sous Ptolémée III, la dynastie atteint son apogée, le Pharaon est reconnu pour ses largesses envers son peuple, ses constructions prestigieuses, sa gestion efficace d'une terrible sécheresse et de nouvelles conquêtes.

Après, par contre, la dynastie tombe en déclin et très vite en décadence, avec des rois débauchés et inaptes, avides de plaisirs. Jusqu'au dernier représentant de la dynastie, une certaine Cléopâtre… A l'époque où se situe Assassin's Creed, la dynastie des Ptolémée est effectivement tombée bien bas. Après, rien n'est jamais tout blanc ou tout noir.

Niveau hygiénique ce doit pas être terrible ces bains…

Pour ma part me retrouver seul la bas ou en bonne compagnie ok, mais avant tout pour la relaxation et admirer ces magnifiques chutes d'eau. Mais comme c'est blindé de monde très peu pour moi.