METROPOLIS (1927)

A l'époque, il fût un cuisant échec commercial, rapportant à peine 75 000 Marks pour un budget de 5 millions de Marks. Il fût également souvent démoli par la critique et les milieux intellectuels.
Aujourd'hui, c'est un film culte, fondateur, considéré comme une référence, qui a influencé des générations d'artistes dans tous les domaines. Son impact sur la culture populaire l'a rendu immortel.

Metropolis est réalisé en 1926 par Fritz Lang, aidée de son épouse. Il s'agit d'un film d'Anticipation où Metropolis est une ville du futur divisée en deux parties, ville haute et basse. La première est réservée à une élite oisive, menant une vie luxueuse alors que la seconde est une ville ouvrière où une population laborieuse se tue au travail pour entretenir le niveau de vie des privilégiés. On suit le destin de plusieurs transfuges (une femme de la ville basse qui emmène clandestinement des enfants d'ouvriers visiter la ville haute, le fils du dirigeant de la cité qui découvre la ville basse…) sans oublier le savant fou qui va créer un androïde féminin qui poussera les ouvriers à se rebeller.

Le film a bien sûr un impact visuel très fort, fortement influencé par les lignes géométriques de l'Art Déco qui régnait alors. De Blade runner à Star Wars pour ne citer qu'eux, on ne compte plus les réalisateurs et artistes qui ont pris l'univers visuel du film comme référence et inspiration. S'il est bien sûr une œuvre d'Anticipation, Metropolis est aussi puissamment politique, voire religieux ou mystique avec cet androïde qui exhorte les foules, tel un prophète, à renverser l'ordre établi. Les ouvriers sont assimilés à des victimes sacrifiées sur l'autel d'un pouvoir assimilé lui à une divinité monstrueuse, personnifiée par la machine gigantesque qui fait fonctionner toute la ville. Sans oublier le passage où les rebelles se retrouvent secrètement dans les catacombes, la scène du bûcher ou de l'inondation qui fait penser au Déluge.
Dans un tourbillon incroyable,Métropolis brasse religion, mysticisme, Anticipation et idéologies, sans oublier les interrogations sur le progrès, la déshumanisation de la société et la lutte des classes, les rapports entre l'homme et la machine, la robotique… Et bien sûr, l'amour et la mort, Eros et Thanatos, et l'homme se prenant pour un dieu créateur. D'où la force d'impact du film, devenu universel et même visionnaire pour certains.

Lang et sa femme ne lésinèrent sur rien. Le réalisateur se montra presque tyrannique, d'une maniaquerie extrême, reprenant la même scène des dizaines de fois jusqu'à la prise satisfaisante. D'après Wikipédia :
Pour la scène où la ville des travailleurs est inondée, Helm et cinq cents enfants provenant des quartiers les plus pauvres de Berlin ont dû travailler durant quatorze jours dans une piscine d'eau que Lang a intentionnellement maintenue à une température basse.
Lang exigea souvent de retourner la même scène à de multiples reprises. Par exemple, le tournage de la scène où Freder doit s'effondrer aux pieds de Maria a pris trois jours. Lang a exigé de la tourner tellement de fois qu'à la fin, Gustav Fröhlich tenait à peine debout. Autres anecdotes qui démontrent le sens du réalisme de Lang, pour la scène où Maria brûle sur un bûcher, Lang ordonna d'allumer un réel brasier (d'ailleurs la robe de Helm prît feu) ou encore quand il ordonna à ses assistants de jeter de puissants jets d'eau lors du tournage de l'inondation de la ville des travailleurs.

A côté de ça, le film fût véritablement pour l'époque une superproduction, par son budget pharaonique, les costumes, le matériel, les 620 kilomètres de pellicule, les 350 heures d'enregistrement, 25 000 hommes, 11 000 femmes et 500 enfants comme figurants… On rajoutera les effets spéciaux de l'époque, à base de jeux de miroirs par exemple pour donner l'impression d'immeubles et bâtiments immenses et la musique, confiée à un orchestre symphonique, rien de moins.
En 1984, Gorgio Moroder récupéra le film pour le coloriser et recomposa la bande-son, y faisant participer le groupe Queen, avec notamment le tube Radio Ga Ga.

Film de Science-Fiction, d'Anticipation, visionnaire, futuriste, démesuré (dans tous les sens du terme) pour son époque, Métropolis s'est depuis imposé comme une référence absolue.

Oula... c'est du lourd, ça... du très lourd. On est même dans le chef-d'oeuvre.

C'est l'un des films à avoir vu, au moins une fois dans sa vie, si l'on se dit cinéphile.

Fritz Lang s'est même plus que d'être fait aider par son épouse (Théa von Harbou) puisque c'est le roman de celle-ci qui lui a inspiré ce film.
C'est le premier film de SF - ou plutôt d'anticipation - qui a été réalisé avec d'énormes moyens : 36 000 figurants, près de 750 acteurs, dont huit vedettes. Bref, on peut dire que "Metropolis" est le premier blockbuster de l'histoire du cinéma.

Ce film se présente comme une "prophétie des temps futurs" et appartient à la période allemande de Fritz Lang, juste avant son départ pour les Etats-Unis, à partir de 1934, fuyant le régime nazi.

Metropolis est en fait un formidable brassage : Science-Fiction, Anticipation, politique, religion, idéologie… Le rapport de l'homme au progrès, à la science, à la machine… Réflexion philosophique, idéologique, histoire d'amour, action, rien ne manque. Chacun peut y trouver ce qu'il cherche, le décrypter à son goût et s'en inspirer. Je pense que c'est ce qui lui donne une telle force, tant de temps après. Car quand on regarde l'impact du film dans la culture populaire par la suite, en musique, au cinéma, en littérature, dans tous les domaines, c'est impressionnant. Rien qu'avec C3PO de Star Wars inspiré de l'androïde du film et certaines vues de Blade runner inspirées de la fameuse cité, le film a déjà imposé son esthétique, son image.

Fritz Lang était clairement un maître, un visionnaire, adepte de nouvelles techniques, des premiers effets spéciaux, fondateur d'une esthétique qui lui était propre. A cela, il ajoutait dans ses films d'Anticipation des thèmes comme la manipulation des masses, le pouvoir qui rend fou, la liberté, la lutte entre le Bien et le Mal… Metropolis est en quelque sorte sa carte de visite. On pense aussi à La femme sur la lune, autre film de SF où il imagine de manière réaliste une expédition lunaire. Pour ce film, il travailla même en collaboration avec des ingénieurs dont l'un des précurseurs des premiers vols spatiaux. Pas pour rien qu'il admirait Jules Verne et les romans d'aventures...

La première fois que j'ai découvert ce film, c'était au lycée en cours d'allemand. Mais bon, à vrai dire, quand on a juste 16 ans, on en saisi pas encore tout le sens. Plus tard, je l'ai revu en tant qu'étudiant avec un peu plus de connaissances et effectivement là, je me suis rendu compte qu'il y avait plusieurs lectures possibles de ce film.

D'ailleurs, on ne sait jamais vraiment trop où le classer : science-fiction, anticipation ou film politique ?

Il faudra que je le revois un de ces jours. Merci de me le remettre en mémoire. Il fait partie de ces films dont je dis toujours qu'il faut que je me le revisionne et je le revisionne jamais. Je vais m'y mettre l'espace d'une soirée tranquille.
Parce qu'il faut vraiment être dans un bon soir, bien tranquille, sans que l'on soit dérangé pour bien entrer dans ce film.

Indéniablement un de mes films préférés.

On a pu en voir une version colorisée et sonorisée par Giorgio Moroder en 1984 avec par exemple du Freddy Mercury ; plutôt que de hurler au sacrilège, je dirai que si ça peut permettre à des personnes de le découvrir malgré le côté rebutant « muet noir et blanc », pourquoi pas.

En 1995, après de longues années de recherche, une version restaurée a été diffusée en salle à partir de copies traînant de part le monde. Le film, long (près de 3 h), avait été coupé (voire censuré) dans divers pays et une équipe a ainsi recomposé le puzzle.

On ne peut pas extraire le film du contexte pré-nazi. Thea von Harbou, la femme de Fritz Lang et co-scénariste du film, sera une des artistes officielles du régime hitlérien. Et cela a influé sur le scénario.

Initialement,  Fritz Lang prévoyait que les deux amants s'enfuient en dirigeable mais Thea a préféré une fin « collaboration de classes », donc « anti-lutte-des-classes », bref anti-communiste. Le représentant de la bourgeoisie et du prolétariat se serrent la main avec l'intertitre « Entre le cerveau et les mains, le médiateur est le cœur » (Zwischen Hirn und Hände muß das Hertz sein). La collaboration de classes sera d'ailleurs un des piliers du fascisme italien.

Un peu après, Fritz Lang tournera un autre de ses très, très grands films, son premier parlant : M. le maudit, en 1933, année de l'élection du chancelier Hitler. Il devra changer le titre initial, « l'assassin est parmi nous (Möder unter uns) » ; bizarrement, les nazis l'avaient pris pour eux. Peu après, Lang s'enfuit aux États-Unis, manifestement après que Goebbels, fasciné par son art, lui ait demandé de devenir un réalisateur officiel du régime.

En 1949, le film inspire Osamu Tezuka, le père du manga. Son Metropolis est adapté en 2001 en anime au cinéma par Rintaro. L'histoire est très différente, il s'agit d'une enquête policière autour d'assassinats et de traffic d'organes ; mais on y retrouve des points communs : une cité dirigée par un régime autoritaire et policier, des robots mêlés aux humains, une tour de Babel.

Clairement un chef d'oeuvre totalement en avance sur bien des points, un véritable ovni. Rajoutons à cela son esthétique unique, fondatrice d'un genre de dystopie métropolitaine.

Au niveau de la bande son, le groupe Cult of Luna en a imaginé une que je vous recommande, étalée sur deux albums. Je me souviens qu'il était possible de voir le film en l'écoutant sur ioutub. Ceci dit, la musique était assez dépressiogène, comme souvent avec Cult of Luna.

VIC a écrit:

Ceci dit, la musique était assez dépressiogène, comme souvent avec Cult of Luna.

Alors j'écouterai plutôt Cunt of Lula.