Je vais vous présenter ce livre autobiographique de l'un des aventuriers historiques français célèbre en Nouvelle France.
- Citation :
- "Pierre-Esprit Radisson est un des personnages les plus fantastiques de l'histoire du Québec. Avec son beau-frère Médard Chouart Des Groseilliers, il représente la figure type du coureur des bois. Arrivé en Nouvelle-France au milieu du xviie siècle, Radisson commence sa vie d'aventurier en étant fait prisonnier par les Iroquois. Adopté par un des guerriers de la tribu, il s'initie alors aux moeurs des Indiens d'Amérique. Une vie trépidante s'ouvre à lui. Pendant près de vingt ans, il sillonne les vastes territoires vierges de l'Amérique. À la fois trappeur et explorateur, il contribue à mettre sur pied la puissante Compagnie de la baie d'Hudson. Les récits de voyage de Radisson sont un témoignage unique de la vie et des moeurs tant des Amérindiens que des coureurs des bois de la Nouvelle-France."


Radisson et Grosilliers en négociations avec des Amérindiens à un poste de traite de la fourrure.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Esprit_Radisson
Mais tout d'abord, voici déjà quelques éléments historiques sur sa vie tirés du site de France Inter :
Extraits de : https://www.franceinter.fr/histoire/pierre-esprit-radisson-l-aventure-dans-la-peau
Un coureur des bois, qu'est ce que c'est ?
Imaginez le nord de l'Amérique vers 1660. Le territoire est recouvert de forêts. Vous pouvez marcher des semaines sans croiser personne. Sauf peut-être, un coureur des bois. Il y a de fortes chances qu'il soit un Canadien-français. En effet, les Anglais ne deviennent eux-mêmes coureurs des bois que très tardivement et en petit nombre. Ce sont ces premiers coureurs qui vont découvrir les deux tiers de l’Amérique du nord. Ils arrivent par le fleuve Saint-Laurent pour s’installer sur Québec, Trois-Rivières, la future Montréal. De là, grâce aux canoës d’écorces et leurs alliances avec les Indiens, ils vont descendre les rivières et les fleuves, traverser les lacs. Ils vont descendre même au-delà du Mississippi.
A l'époque, si vous êtes Français, il ne fait pas bon croiser un Iroquois car ces derniers se sont alliés aux Anglais. De leurs côtés, les Français se sont alliés aux Hurons, ennemis des Iroquois.
Pierre-Esprit Radisson devient otage. Il est torturé et ne doit finalement sa vie que grâce à son adoption par une famille indienne, comme cela se faisait à l'époque. C’est une femme iroquoise qui avait perdu son fils dans une bataille qui l'a recueilli. Chez les Indiens, beaucoup d’hommes mourraient au combat , on pouvait donc adopter les hommes des tribus adverses pour remplacer les guerrier tombés.
Le plus indien des Européens
Sans les alliances avec les Indiens, Pierre-Esprit Radisson n'aurait sûrement pas survécu lors de ses expéditions. Malouin par sa mère, et Avignonais par son père, il est arrivé vers 1646 en Nouvelle-France. C'est un adolescent quand il est fait prisonnier par la tribu iroquoise des Mohawks.
Il passe deux ans avec eux. Il apprend leur langue, les techniques de chasse et de pistage, les coutumes et la géographie de la région. Au bout de deux ans, il s’échappe. Il se fait reprendre et reste à nouveau trois ans avec eux. Malgré cette trahison, il n'est pas tué. Les Indiens ont un sens de la liberté phénoménal. Pour eux, un homme qui est prisonnier dans une tribu, et qui tente de s’échapper accomplit un acte d’honneur. C’est probablement ce qui lui a permis de s’en sortir.
Il n'est pas le seul dans cette situation. Certains se sont même portés volontaires pour intégrer des tribus indiennes. Il est vrai que contrairement aux conquistadors espagnols, les Français se sont vraiment mêlés aux tribus indiennes et aux coutumes, se mariant et faisant des enfants avec eux. Les Jésuites l’ont bien compris et organisent des truchements en envoyant des jeunes gens s’immerger pendant 5 ou 10 ans dans les tribus pour après être capable de parler la langue, connaître le territoire et permettre aux missionnaires d’avancer.
Un personnage controversé
Radisson utilisera plus tard le même système que les Jésuites pour des questions bien éloignées de la religion. Pour le compte de son beau-frère Médard Chouart des Groseilliers, il embauche des hommes qui, comme lui, se sont immergés dans les tribus indiennes. Il les incorpore dans des trains de canoës dans la région des grands lacs. Avec leur savoir, ils peuvent aller très loin chercher des cargaisons de fourrures.
Problème : Pierre-Esprit Radisson a organisé son commerce sans autorisation royale. Et à l’époque les gouverneurs du Québec doivent rendre des comptes au Roi de France, Louis XIV. D'un autre côté, les autres commerçants qui ont payés des charges et qui veulent toucher des subsides voient l'opportuniste coureur des bois d'un très mauvais oeil.
Il est condamné par la couronne de France et ses cargaisons sont confisquées. Il passe alors du côté des Anglais, beaucoup plus ouverts à la chose commerciale. Ayant entendu parler de tribus qui ont des territoires à fourrures phénoménaux dans le nord du Canada, Radisson part avec Médard des Groseilliers. Et tout se passe si bien qu’il crée en 1670 une compagnie de fourrure concurrente des Français : la Compagnie de la baie d’Hudson, compagnie qui existe encore aujourd'hui. Elle prévoit dans ses objectifs : le commerce des fourrures, des minéraux et l'exploration des territoires de l'ouest.

Peinture de Frederic Remington (1905) qui fut publiée dans le Collier's Magazine en 1906. Debout, Radisson est le chef de l'expédition aux Grands Lacs de 1659-1660; Des Groseilliers est assis à son côté.
Peinture représentant Pierre-Esprit Radisson et son beau-frère Médars de Groeilliers (au centre) en expédition avec des indiens, peinture de Frederic Remington (1861–1909)

Getty / Fine Art
Mon avis sur le livre :
Traduit, documenté, et annoté avec le soucis de coller au plus près du texte original,, voici l'un des récits d'aventuriers historiques qui permet d'être aux plus proches des sources de l'époque. Le Français est souvent approximatif du à l'écart des siècles, le fait que Radisson n'ait point été lettré, et que ces récits sont issus de journal de bord.
Ce livre a l'immense mérite de nous faire entrevoir les débuts de la colonisation de l'Amérique du Nord, et notamment les passages chez les Indiens. Le récit des tortures qu'ils étaient capables de faire est ici très crû et dépasse probablement ceux que les auteurs de fiction ou de films d'horreur pouvaient imaginer. Cela a ceci d'effrayant que ces tortures apparaissent comme gratuites, d'un sadisme collectif couvert d'une approbation sociale, ou comment la torture peut être intégrée à une culture. Et c'est d'autant plus dérangeant que les mêmes bourreaux sont capables d'adopter et de considérer comme leurs propres enfants ceux à qui ils ont fait endurer des calvaires pendant plusieurs semaines.
Le récit des tortures n'est qu'une petite partie du texte mais restera pour moi le passage le plus marquant et le plus informatif, assez éloigné du cliché de l'amérindien bienveillant adulé par certains baba cool. Lors de l'écriture de ce récit, les massacres des Amérindiens n'ont pas encore commencé. Les Amérindiens sont ligués en tribus alliées ou ennemies et se font des guerres plus ou moins larvées ou des raids de représailles sont monnaie courante, avec la torture en guise de point d'orgue.
Quant au récit de Radisson, avec pas mal d'imprécisions sur les lieux et les dates, il nous relate une série de différents voyages. Parfois, la description d'une bête étrange comme un serpent à pattes, peut nous rappeler les différents voyages de Marco Polo. D'un autre côté, ils nous livre tant de détails qui se sont révélés exacts que l'essentiel de son récit a servi de base à une ethnographie de ces peuples.
Autre fait intéressant de l'ouvrage, c'est la volte face politique de Radisson, tour à tour Français, puis Anglais (marié à une Anglaise), puis Français, puis Anglais... L'homme a l'art de retourner sa veste en fonction de la non reconnaissance des patries qu'il sert, et de ses intérêts personnels, parfois avec une désinvolture qui nous échappe.
Au final, un livre historique pour parcourir les grands espaces et découvrir la vie des premiers coureurs des bois, si ce n'est le premier.