Achevée d'imprimer en mai 2017, l'édition dite l'intégrale de Clark Ashton Smith a maintenant 2 ans (cet article est écrit en mai 2019). C'est peut-être le moment de faire un retour sur celle-ci, objectivement et après l'avoir utilisée.
Elle a pu voir le jour grâce à un financement participatif sur Ulule. Je ne reviendrai donc pas sur la campagne. Et parmi les nombreuses contreparties, il y a eu des cartes postales, des marques pages, une carte, etc., dont je ne parlerai pas non plus. Nous n'allons ici nous concentrer que sur l'essentiel, les livres.
L'ensemble se compose donc de 3 volumes, de taille moyenne, proche d'un in-octavo (22x12, même si je mesure 24x16). Ce sont des ouvrages cartonnés de 3 mm avec un dos en toile impériale de couleur noir et un marquage à chaud doré pour les titres de tranche. La reliure possède un tranchefile et un signet satin en tissu de couleur noire. Le papier fait 90 grammes, il est donc très souple et permet probablement de réduire le poids général du coffret. D'après ce que j'en sais, c'est un papier bouffant, sans traitement, blanc, d'une main de 1,5 (c'est le rapport entre l'épaisseur de la feuille et son grammage, calculé en m
2). Personnellement, je le trouve un peu trop fin, un peu trop léger pour une telle édition, et j'aurais préféré un papier un peu moins blanc, tirant sur l'ivoire, qui repose mieux les yeux à la lecture. Mais pour le prix (et les frais d'envoi), c'est un bon compromis et le papier est très agréable au toucher.
Le premier soucis apparaît avec le marquage doré qui semble mal résister à la prise en main. Une partie des lettres présentent déjà sur mon édition quelques rayures noires, dues probablement aux manipulations de lecture. C'est dommage car à présent, à chaque fois que je prends les volumes, plutôt que de me focaliser sur le plaisir de lecture, je me concentre pour savoir où je dois mettre mes mains pour ne pas abîmer l'ensemble. De plus, et bien que je le comprenne, la différence de police entre le titre et le nom de la collection me gêne. Il n'est pas imprimé dans le même sens de lecture et rompt, de mon point de vue, l'harmonie de l'ensemble. Cela nous sort un peu de l'environnement créé par la maquettiste. Le toilage lui, est par contre excellent et confère un sentiment très agréable avant, pendant et après la lecture. Une très bonne initiative que ce toilage, donc. Les cinq couvertures de Beksinski sont de vraies réussites. Elles immergent sans rien révéler grâce à leur ton à la fois impressionniste (pas dans la manière de peindre mais de celle de susciter nos émotions, nos impressions) et surréaliste. Certaines de ses œuvres ont d'ailleurs déjà été utilisées pour figurer le mythe de Cthulhu. Le seul reproche que l'on pourrait faire ici est qu'il n'y a pas de verso pour l'ouvrage
Autres mondes. C'est regrettable puisque cela ne s'accorde pas avec les deux premier livres. Et certaines peintures de l'auteur s'y seraient magnifiquement prêtées.
02- Titre inconnu de Zdzislaw BeksinskiIntéressons nous à présents aux titres figurant sur ces couvertures. Si pour les livres deux et trois, il n'y a pas de soucis,
Mondes premiers et
Autres mondes, pourquoi choisir
Mondes derniers pour un volume qui rassemble des nouvelles d'Averoigne, c'est-à-dire du Moyen Âge, période qui n'est certainement pas un monde dernier. Cela convient à Zohique, mais pas à Averoigne. On comprend le soucis d'unité dans le choix de ces titres, mais est-ce qu'il fallait faire passer ce soucis avant la pertinence du titre ? On est aussi en droit de s'interroger sur la disposition des titres. Pourquoi Averoigne et Autres mondes sont imprimés en bas de page et les trois autres en haut de page ? Une question d'esthétisme en rapport avec les illustrations peut-être. Mais encore une fois, cela dépareille l'ensemble, toujours de mon point de vue, en en rompant son harmonie. Maintenant, au vue du contenu, c'est peut-être l'effet recherché par les éditeurs. Accompagnant les titres, en sous-titres, ils ont choisi de nommer sur la couverture l'illustrateur intérieur en sachant que ce sera impossible pour le volume trois, qui possèdent de nombreux illustrateurs et que cela désassortira une fois de le coffret. On a également l'impression que ce dernier volume fait figure de parent pauvre de la collection, impression que malheureusement la suite de cette critique nous confirmera. Pour en finir sur les volumes en eux-même, je trouve que le premier est un peu trop volumineux. En main, il est difficile à manipuler, ce qui en rend la lecture parfois malaisée si l'on souhaite autant que possible ne pas abîmer son ouvrage. Une édition en quatre volumes – évidemment plus chère – m'eut semblé préférable à tout point de vue à celle que nous avons. Ne boudons néanmoins pas notre plaisir : le résultat final est tout de même très beau, très agréable à l'œil comme en lecture et au final ici, je chipote. Mais on parle d'une édition prestige. Je la critique donc comme telle.

03 et 04- Les trois livres de la collection en recto versoAprès l'extérieur, passons à l'intérieur, que nous allons ausculter dans l'ordre. Les deux pages de garde (en faite la deuxième et troisième page de couverture et le recto et verso de la page de garde, vierge de tout texte) s'ornent d'une carte, celle du Zothique et celle d'Averoigne, puis il en ira de même pour Hyperborée et Poséidonis. C'est tout de même bien triste de ne pas avoir ces mêmes cartes pour les
Autres mondes puisqu'au vu des descriptions de ces derniers via les textes, des cartes ou parties de cartes eurent été possibles, comme avec Mars, Xiccarph et son système solaire, Satabbor dont cités et géographie sont partiellement décrites, ou encore une carte galactique où les planètes de Lophaï, Phandom (qui, soit dit en passant, ne figure pas dans le Glossaire du tome 3), Sadastor ou Vénus auraient été indiquées, surtout lorsque l'on voit que la carte de Poséidonis ne possède que 7 entrées. Ensuite, si ces cartes possèdent effectivement un certain esthétisme, elles sont malheureusement pour partie illisibles. La faute à un mauvais choix de typographie dont le cerclage en blanc les rend impropre à toute lecture pratique ; même à la loupe j'ai des difficultés.
05- Goulven Quentel - Carte du ZothiqueLa page de garde, comme les pages séparatrices sont en vieil or mat du plus bel effet, j'aime beaucoup. La page de titre conserve cette couleur et son verso est classique. Mais voilà, ces pages séparatrices disparaissent pour
Autres mondes, et le 5
e crédit des illustrations de ce volume ne possède pas de blanc typographique entre les deux points et son titre, probablement à cause d'une marge à droite trop grande. Chaque nouvelle entrée (préface, histoire) possède une page de titre, avec un motif répété transversal. Je trouve ce motif franchement pas terrible pour le tome 1 (l'écart de représentation de motif entre Zothique et Averoigne est minimal), qu'il est un peu plus intéressant pour le tome 2, surtout qu'ils auront la bonne idée de le concevoir sur deux motifs très différents cette fois-ci, et horriblement anecdotique et insignifiant – et gris en plus – pour le tome 3. Chaque nouvelle entrée s'orne d'une lettrine de Goulven Quentel. Vous avez une lettrine, reprise sur le motif transversal, pour la préface et la postface, puis deux lettrines par mondes : un crâne couronné et la double page d'une grimoire pour Zothique ; un heaume du XV
e siècle et le visage d'un démon pour Averoigne ; une statuette d'une sorte de Gobelin et le profil d'une montagne pour Hyperborée ; un bol vaporeux et le crâne d'une licorne d'où émerge un orvet pour Poséidonis ; et juste la reprise du motif non figuratif pour
Autres mondes.
06- Exemple de motif et de lettrine, par Goulven QuentelNous avons donc d'abord une Préface de Scott Connors, suivi de Zothique. Cette première partie se compose d'un poème, de 16 nouvelles, d'une pièce de théâtre et de Fragments et synopsis. Il est regrettable que le poème (p. 22-23) soit absent de la Table des matière, probablement parce qu'il s'appelle
Zothique. Mais titre de partie et titre de poème sont deux choses différentes. Averoigne possède exactement le même problème, c'est donc volontaire. Cette partie est constitué d'un poème, de 11 nouvelles et de Fragments et synopsis. S'ensuit la Postface de S. T. Joshi, puis de la Note d'intention du traducteur de ce volume, Julien Bétan, et de la Table des matière. Il est a noter que Préface et Postface sont traduites par Alex Nikolavitch. Le colophon est très beau, où l'on retrouve le vieil or et toutes les mentions utiles du livre, en plus de l'achevé d'imprimer. Mon édition porte le numéro 0212. Le tome deux suit la même disposition. Préface, puis Hyperborée avec un poème – qui cette fois-ci est mentionné dans la table des matières – 10 nouvelles et un Fragment. Je regrette que le titre en anglais du poème,
The Muse of Hyperborea possède sur le E de hyper un gros pâtée qui rend le E illisible. Poséidonis suit avec deux poèmes, 5 nouvelles et un poème. Puis comme précédemment, la Postface, la Note d'intention du nouveau traducteur, Vincent Basset et la Table des matière. Le tome trois n'a aucune de ces pages séparatrices en vieil or. On conserve les pages blanches. Après la Préface, c'est Mars et trois nouvelles, puis Xiccaph et deux autres nouvelles. Arrivent ensuite les histoires uniques séparées en Autres mondes, 5 nouvelles et Poèmes, au nombre de quatre. Arrive alors la Postface, la Note d'intention du traducteur, Alex Nikolavitch, le Glossaire qui regroupe tous les noms propres des trois volumes. Pour chaque monde, il se subdivise en Lieu, Personnage, Cosmologie et divinités, Créatures et plantes, Peuples et coutumes, Magie, sorcellerie. Nous avons alors pour finir la Table des matières, les Contributeurs, et les Remerciements de l'éditeur. Pas de colophon pour clore le volume, mais un simple achevé d'imprimer.
07- Zothique de Santiago Caruso Un mot pour finir sur les illustrations intérieures. Elles sont, pour les volumes 1 et 2, de Santiago Caruso, qui en a réalisé 5 par monde, soit 20 illustrations. J'étais sceptique, mais je dois avouer qu'il nous livre là un très beau travail, où Caruso s'attache davantage à restituer l'ambiance des univers que d'illustrer l'événement correspondant à la nouvelle où elle figure. Le choix d'illustrations anciennes pour le tome 3 n'est pas inintéressant. Mais elles sont toutes en noir et blanc, ce qui reste dans les tons du volume, mais ne donne pas forcément le rendu espéré pour un livre d'une édition dite prestige. Et puis les quelques erreurs de référence des illustrations sont gênantes. Celle de la page 115 est indiquée page 114, et celle de la page 199 n'existe pas. Il y a 12 illustrations et non 13 comme il est indiqué. L'illustration manquante est le
Chant XXX du Paradis de Gustave Doré.
08- Chant XXX du Paradis de Gustave DoréAlors pour conclure, oui, une très belle édition. Il y a un petit soucis d'homogénéité dans les volumes 1 et 2, et certains détails auraient dû être mieux travaillés – lisibilité des cartes, diversité des lettrines (une par nouvelle eut été bien), papier un peu léger, sensibilité du coffret aux éléments extérieurs. Mais c'est une belle édition, très agréable, qui cherche à restituer l'atmosphère du texte. Mon plus gros reproche vient du volume 3, volume du pauvre, qui semble avoir été réalisé à la va-vite, différent des autres tomes tant dans le ton que dans la présentation des nouvelles : pas de carte, une seule couverture, pas d'or vieux, pas de lettrine, approximation des références, images dépareillées en noir et blanc. C'est vraiment dommage car c'est cela qui en aurait fait une très grande édition.
: site de l'auteur, avec les cartes faites pour Mnémos. Cette carte n'est pas celle de la page de garde, mais de la carte grand format offerte en bonus ;
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