(Photo : USA Congress Library)
Sergueï Mikhaïlovitch Prokoudine-Gorski, né le 30 août 1863 à Founikova Gora et mort le 27 septembre 1944 à Paris, a consacré sa carrière de chimiste puis de photographe à la photographie en couleur, qui n'en était alors qu'à ses balbutiements, voire inexistante. Il a surtout laissé un témoignage unique sur la Russie du début du XXème siècle.
Après avoir étudié au Lycée impérial de Saint-Pétersbourg, notre homme poursuit ses études de chimie à Berlin et à Paris. Il collabore avec de célèbres chimistes et inventeurs dont l'Allemand Adolf Miethe. Ensemble, ils travaillent à l'élaboration de méthodes de photographies en couleur. Sergueï met alors au point un appareil permettant d'impressionner successivement trois plaques monochromes à travers trois filtres. En projetant simultanément ces trois images rouge, verte et bleue avec des sources de lumière judicieusement filtrées, il parvient à reconstituer les couleurs originales. Le résultat est incroyable, stupéfiant, donnant à ses photographies qui datent des années 1900, une modernité incroyable :
(Photo : USA Congress Library)
(Photo : sue-ding.com)
(Last 5 photos : kuriositas.com)
Devant une telle performance, révolutionnaire pour l'époque, notre homme croule sous les prix et les récompenses. En 1905, il imagine le projet d'utiliser cette technique pour une documentation systématique de l'Empire russe sous forme de photographies couleurs, dans le but d'éduquer les écoliers russes, surtout dans les provinces les plus reculées. En 1908, le Grand Duc Michel, intéressé, lui demande de lui montrer son travail et lui organise une projection privée en présence de la famille impériale. Le Tzar, enthousiaste, décide alors de financer son projet, mettant à sa disposition argent, hommes, matériel, dont un train spécial (wagon équipé d'une chambre noire), un bateau à vapeur, un autre à fond plat pour parcourir rivières et canaux, un laissez-passer impérial… Le photographe réalise alors un véritable reportage-photo sur la Russie de l'époque, photographiant paysans, militaires, villageois, prêtres, mais aussi paysages et monastères. De 1909 à 1912, Gorski parcourt ainsi l'Oural, la Volga, le Turkestan, l'Asie Centrale et l'Afghanistan. Ses pas le mènent également dans "la steppe de la Faim", une longue plaine désertique, inhabitée à l’époque, qui longe le fleuve Syr-Daria, dans la vallée du Ferghana, entre Ouzbékistan, Kirghizstan et Tadjikistan. Il est reçu avec enthousiasme par les habitants, tout heureux de se faire immortaliser par l'artiste.
Un héritage fabuleux que la Bibliothèque du Congrès des États-Unis a sauvé, achetant en 1948 la collection de plaques originales aux héritiers de l'artiste avant de les numériser. Aujourd'hui 2607 photos sont en ligne, à la disposition du public.
Issu de la noblesse, Gorski fuit la Révolution de 1917, se réfugiant en Norvège, en Angleterre puis en France où il mourra à Paris en 1944. Il repose au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois, près de la capitale.
Restent ses photos, saisissantes après tout ce temps, vibrant et incroyable témoignage de toute une époque autant que prouesse technique et scientifique.
(Photo : USA Congress Library)
(Photo : USA Congress Library)
(Photo : bbc.co.uk)
(Photo : fr.rbth.com)
L'artiste-scientifique posant avec deux cosaques
(Photo : pslt.blogspot.com)