CHAMANISME PRECOLOMBIEN

Nous nous enfonçons aujourd'hui dans les profondeurs de la jungle tropicale à la découverte du chamanisme des peuples précolombiens.

Un chamanisme qui n'est souvent que la descendance, sous une autre forme, des religions Mayas, Aztèques, Incas et autres. Communication avec les esprits, l'infra-monde et les animaux par la danse, la transe, voire l'usage de plantes psychotropes, médecine majoritairement à base de plantes, astronomie et astrologie… Le chamanisme mésoaméricain est en relation étroite avec la nature, avec le monde et chargé d'une forte symbolique, au travers des couleurs, des vêtements et parures, des bijoux ou pierres comme le jade, pierre d'éternité.
Notre première rencontre avec ce chamanisme se fait au contact d'une pratique encore d'actualité sur le continent sud-américain :




Son nom signifie "maison de chaleur" en nahuati, un langage dérivé de la langue aztèque. Il s'agit en fait d'une hutte de sudation qui allie architecture ingénieuse, médecine et spiritualité.

L'endroit était utilisé lors des cérémonies pour purifier le corps et l'esprit. De manière plus prosaïque, il purifiait la peau, apportait le délassement, les femmes venaient y soulager les grossesses difficiles et même y accoucher. Les guerriers, eux, venaient y renforcer leur mental et leur volonté.
Rien de moins donc que les bains romains ou le hammam oriental version Aztèque (les Mayas et les Zapotèques l'utilisaient également). On y soignait les maladies de la peau, par un séjour prolongé dans la vapeur, dont l'action était renforcée par l'usage de plantes et de fumigations.
Mais l'endroit est également chargé d'une très forte symbolique : cette hutte de briques est envahie par la chaleur provoquée par l'introduction de pierres volcaniques brûlantes sur lesquelles le chamane qui préside au rite (toujours une femme, la temazcalera), jette de l'eau dans laquelle ont mariné des herbes et essences de plantes. Selon la tradition, le temazcal représente la matrice féminine et les pierres brûlantes qu'on y introduit symbolisent le sexe de l'homme. La porte basse qui permet de pénétrer dans cet endroit, sombre, chaud et humide, renforce l'allégorie de l'acte sexuel et de la naissance. On comprend mieux pourquoi les femmes s'y rendaient pour accoucher.



Comme dans un sauna, des louchées d'eau sont régulièrement versées sur les pierres pour augmenter la chaleur et la vapeur, des nattes sont à disposition pour s'allonger sur le sol. La Temazcalera rythme la cérémonie par un petit tambour, des prières et invocations. Le chiffre quatre est primordial : les 4 points cardinaux, les 4 éléments et surtout les 4 portes (virtuelles, ce sont en fait 4 étapes, 4 paliers) à franchir avant d'accéder au cœur de la cérémonie, la première symbolisant le corps, la seconde le mental, la troisième les émotions, la quatrième l'esprit. Il y a un ordre bien précis pour entrer et un autre pour sortir de l'endroit. Une sortie qui, symboliquement, est la naissance, voire la renaissance, issue du ventre de la Terre-Mère, purifié. La fin du rite est accompagnée d'une grande absorption d'eau fraîche, souvent d'un bain ou d'une douche froide, pour laver définitivement corps et esprit des énergies négatives.

A leur arrivée, les espagnols ont interdit ces bains, choqués d'y voir hommes et femmes nus ensemble. Pourtant, le Temazcal a survécu et connaît aujourd'hui une certaine renaissance, à la faveur d'un retour du paganisme mésoaméricain. Et, malheureusement aussi, à la faveur du tourisme… De nombreux hôtels, guest-houses et complexes hôteliers vous proposent désormais une séance de Temazcal, avec une ou un chamane certifié(e)… Si certains sont de vulgaires attrape-touristes en mal d'exotisme, d'autres sont encore vraiment authentiques, gérés par des communautés mayas qui voient là le moyen de perpétuer et faire connaître leur art et la tradition de leurs ancêtres. L'argent que vous leur donnerez ira le plus souvent à une fondation ou une œuvre caritative.
De passage au Mexique ou au Yucatan et tenté par l'expérience, fuyez donc ceux qui ne sont que de vulgaires saunas "mode chamanique" pour touristes en maillots de bain et en mal d'exotisme et privilégiez un vrai Temazcal, présidé par une authentique Temazcalera.

A noter que les huttes de sudation existent aussi chez les indiens Navajos et Hopis de l'Ouest américain.

Ce qui démontre que ces pratiques chamaniques ne sont pas spécifiques qu'aux peuplades sud-américaines. C'est quelque chose de commun, de l'Alaska à la Terre de Feu.

Bien sur, sous des formes différentes.

Tout à fait d'accord.
Surprenant quand-même ce "hammam" à la mode Maya. Moi qui adore tout ce qui est hammam, chaleur, bain de vapeur, si j'avais connu plus tôt ce Temazcal, j'aurais volontiers essayé lors de mon passage au Mexique. Vraiment une expérience qui me plairait.

D'après ce que j'en ai lu ici et là, le vrai Temazcal est en fait une structure en bois couverte de tissus et de couvertures, sans éclairage à l'intérieur. La cérémonie complète dure deux heures.

Voyageur Solitaire a écrit:

Moi qui adore tout ce qui est hammam, chaleur, bain de vapeur, si j'avais connu plus tôt ce Temazcal, j'aurais volontiers essayé lors de mon passage au Mexique. Vraiment une expérience qui me plairait.

Tu trouves qu'on ne crève pas assez de chaud en ce moment ?

Je ne crains pas la canicule (même si ça dure un peu quand-même là...)
Et j'ai toujours adoré tout ce qui est hammam et bain de vapeur. Ne serait-ce que pour ma sinusite que ça soulage efficacement. Et c'est bon pour la peau aussi.

Nord-Ouest du Pérou, province de Huancabamba. Climat humide et froid, pluvieux de janvier à avril. Nous sommes en terre sacrée, à 3 950 mètres d'altitude.

Elles sont quatorze. Quatorze lagunes sacrées qui attirent chaque année des milliers de Péruviens (et de touristes aussi depuis quelques temps…). Situées dans les montagnes surplombant Huancabamba, dans une zone appelée "paramos", cet ensemble de lagunes donne naissance à de nombreuses rivières. Mais surtout, chacune d'entre elles est sacrée, consacrée à la guérison d'un mal particulier. Laguna Negra permet d'expulser les mauvais esprits, Laguna Shimbe émet des énergies positives, Laguna del Rey apporte la guérison…
Pour les péruviens, cet endroit rayonne d'un magnétisme particulier, concentrant d'importantes forces magiques et spirituelles. Chamanes et guérisseurs de toutes les Andes viennent y étudier, méditer ou soigner. On raconte que les Incas venaient déjà s'y soigner autrefois, avant l'arrivée des espagnols.


L'accès à ces bassins naturels se fait donc accompagné d'un chamane qui, suivant le mal à traiter, prescrira les soins appropriés : inhalations de plantes médicinales, infusions de plantes, bains dans les eaux chaudes ou glaciales… On y vient souvent à dos de mule ou à pied (plus de deux heures de trajet) afin de respecter le lieu. L'accès n'est pas recommandé lors de la saison des pluies où les chemins et sentiers deviennent glissants et boueux. Sur place, 96 chamanes attendent les visiteurs pour les prendre en charge. A la saison sèche, ils reçoivent entre 100 et 300 visiteurs par jour, sud-américains en grande majorité.



La cure commence toujours par une cérémonie qui peut durer une nuit et une journée, entourée de rites divers où parfois, les figures de la Vierge ou du Christ se mêlent aux esprits précolombiens. S'ensuit ensuite un rite de purification, permettant d'expulser les énergies négatives, souvent accompagné d'applications de pierres volcaniques.  Enfin viennent les bains dans les différentes lagunes, après une courte montée, les plus hautes étant situées à 4000 mètres.


Discret il y a encore peu, le lieu commence à attirer de nombreux touristes étrangers. Parmi eux, certains adeptes "New Age" sans doute, certains pèlerins convaincus et authentiques, mais certainement beaucoup de curieux aussi… On peut craindre que cet engouement ne transforme le lieu en un vaste carnaval New Age et ne finisse par le dénaturer. Malgré tout, pour l'instant, les locaux apprécient la manne financière apportée par ces visiteurs : elle va à des projets éducatifs, permet de mieux préserver le savoir, les traditions et les connaissances de tout un peuple, menacé par les appétits des complexes miniers qui louchent sur les richesses des environs… Depuis que le lieu a acquis une notoriété grandissante, les autorités de Lima sont plus enclines à le protéger et le préserver. Les locaux font commerce de miel, de plantes, d'objets et souvenirs qui leur permettent de préserver leur culture et de bénéficier d'un mieux-être. Cela pourra-t-il durer, telle est la question…



Pour ceux qui voudraient tenter l'expérience, il convient d'être prudent : une partie des rites inclut l'absorption de San Pedro, une boisson à base de cactus hallucinogène. On peut donc se contenter du bain uniquement mais là aussi, prudence : on est à 4000 mètres d'altitude, l'eau est souvent glaciale, les températures extérieures ne dépassent guère les 7°. Sans oublier le "mal des montagnes" (raréfaction de l'oxygène à cette altitude) qui peut entraîner essoufflement, fatigue, nausées et vertiges. Eviter la saison des pluies, les précipitations diluviennes peuvent entraîner glissements de terrain et coulées de boue.
Bref, la beauté sauvage et farouche de l'endroit se mérite, impose une bonne condition physique et de s'y rendre en connaissance de cause. Et surtout de respecter l'endroit et les croyances de ceux qui y vivent…