L'ALCHIMIE : SCIENCE, PROTOSCIENCE OU MAGIE ?

Les origines de l'alchimie sont obscures. Elle trouve ses origines en Chine et en Inde et n'apparaissent en Occident que chez les Grecs d'Alexandrie. Elle renaît en Europe qu'à partir du XIIe siècle par le biais des Arabes.

L'alchimie oscille entre les pratiques magiques et scientifiques. Elle prétend transformer les métaux vils (plomb) en métaux nobles (or, argent) par le biais d'un processus complexe de production - la "pierre philosophale" - et l'usage d'un "elixir de vie" qui garantit les effets merveilleux du résultat obtenu (santé, longévité, bonheur, vertu).

Art d'orfèvre à ses débuts, l'alchimie emprunte très vite une double voie : une pratique expérimentale (protochimie) et une pratique philosophique, voire méditative, proche d'un certain mysticisme. Cette dernière étant d'ailleurs très répandue entre le XVe et le XVIe siècle.
Un médecin suisse, Paracelse (1493-1541), fait le lien entre ces deux pratiques. Il contribue ainsi au passage de l'alchimie vers la iatrochimie (ou chimie médicale) tout en cultivant des notions mystiques.

L'alchimie véhicule une foule d'images et de clichés... On imagine un sombre laboratoire empli de fioles, cornues, philtres et potions avec un vieil homme en robe brodée de symboles ésotériques consultant un lourd grimoire... L'alchimie véhicule aussi tout un côté ésotérique, mystique et magique que n'a pas la chimie.

N'oublions pas les arabes (le mot Alchimie vient de chez eux, traduit du grec ancien) qui étaient doués dans ce domaine comme en médecine et astronomie. Mais aussi les égyptiens pharaoniques dont on occulte souvent les connaissances dans ce domaine. On a pourtant découvert, par exemple, en analysant les pots de fard et maquillage trouvés dans les tombes, qu'ils étaient très avancés dans le mélange des minéraux, utilisant pour créer leurs parfums, fards et onguents des procédés avancés. Ils parvenaient même à recréer, de manière artificielle, des composants naturels absents sur leur territoire.

L'alchimie, c'est la transmutation, le mercure et le plomb, le cuivre et le vif-argent, les quatre éléments et les rituels magiques, les spéculations philosophiques, religieuses, métaphysiques... Les rêves autour de l'or, de l'élixir de vie éternelle, la pierre philosophale... C'est l'art et la connaissance des métaux, des minéraux... Et au milieu de tout ça, des techniques parfois très avancées et des expériences qui ont débouché sur de véritables découvertes scientifiques.

Très bon sujet, à développer longuement.

"Transformer le plomb en or" : c'est justement un concept qui peut s'interpréter de deux manières. Il y a la recherche matérielle sur les propriétés des métaux et en même temps, cela peut se comprendre aussi philosophiquement.

Changer soi-même. Trouver l'élément qui nous fera exister, nous transigurera, nous fera devenir un autre soi-même. C'est s'améliorer, tout simplement. D'un point de vue personnel, l'alchimie, c'est un peu la quête de la perfection. On ne l'atteint jamais mais le fait de la chercher, nous amène à nous améliorer nous-mêmes.

De même, en cherchant la "pierre philosophale", les savants alchimistes ont fait progresser la science sur de nombreux domaines. Et peut-être qu'il est là le Grand Secret : point d'or physique à trouver mais un trésor plus précieux : la connaissance.

L'alchimie, c'est tout simplement la quête de la connaissance.

Le terme « alchimie » vient du grec ancien khuméia (χυμεία), l'art de la fonderie, après un passage par l'arabe qui lui a donné son article « al- ».

Un des problèmes est qu'il est utilisé pour désigner des choses très différentes selon les pays, donc faut bien préciser.

Dans le sens européen, il désigne simplement la chimie avant la découverte de l'atome. En gros, c'est la science des transformations de la matière.

C'est une science essentiellement empirique : on mélange des produits, on chauffe, on regarde ce que ça donne. Les Arabes par exemple travaillent beaucoup sur les oxydes métalliques (ceux qui donnent les couleurs aux émaux). Mais la transformation de la matière est connue dès la préhistoire : le feu d'abord (le bois noircit et durcit en émettant de la chaleur et de la lumière), puis les débuts de la métallurgie, l'Âge du bronze, qui commence vers –2700 (la date varie selon les points du globe).

Des croyances grecques, l'Europe hérite de la théorie des quatre éléments. Les atomes sont crochus selon Lucrèce et s'associent les uns aux autres, ce qui correspond assez bien à la réalité, sauf qu'il n'y en a que 4 types. Cette théorie, fausse, ne permet donc pas de trouver de nouvelles choses, elle se contente d'expliquer ce que l'on constate. Les connaissances progressent donc par tâtonnement. Par ailleurs, les alchimistes croient à la transmutation : il serait possible de transformer un corps en un autre, voire un élément en un autre élément.

Au XVIIIe, avec des gens comme Joseph Black, Henry Cavendish, Joseph Priestley et Antoine Laurent de Lavoisier, on voit que l'air, qui semble homogène, peut en fait se séparer en différents airs ( = gaz) : un air vicié dans lequel les insectes meurent (l'azote) et un air vif qui permet la vie et active le feu (l'oxygène). Lavoisier réussit à décomposer la vapeur d'eau, il découvre que même un corps en apparence homogène peut se séparer en principes plus élémentaires. Au XIXe, John Dalton et Amedeo Avogadro pèsent ce qu'il y a au début et à la fin d'une transformation ( = d'une réaction chimique) et remarquent que cela respecte des proportions entières (pas des nombres biscornus mais des nombres entiers : 1, 2, 3, 4…). Avec ça débute la recherche des différents éléments qui seront mis dans un joli tableau par Dimitri Ivanovitch Mendeleïev : il recense une centaine d'éléments, on est loin des 4 éléments grecs…

Cette théorie atomiste met fin à la théorie de la transmutation : l'alchimie est morte, vive la chimie.

Dans le monde chinois, le terme « alchimie » est utilisé pour désigner les méthodes de « longue vie » développés par les taoïstes : l'alchimie externe (waidan ou jindanshu) consiste à développer des élixirs et pilules tandis que l'alchimie interne (neidan) consiste en des exercices de méditation pour purifier son corps (respiration, mouvements). Le but est de se rapprocher de « l'être immortel », l'idéal taoïste.

Dans la pensée grecque, on peut également citer Epicure pour qui il n'y a que des particules, les atomes, qui tombent éternellement dans le vide. Parfois apparaît le Clinamen, phénomène qui dévie les atomes de leur chute verticale et leur permet ainsi de s'unir pour former des corps...