Petit focus sur les BD du dessinateur espagnol Jordi Bernet :
Torpedo (ou Torpedo 36) est une série de bande dessinée policière publiée en Espagne de 1982 à 2000 et traduite dans plusieurs langues. Elle est écrite par Enrique Sanchez Abuli et dessinée par Jordi Bernet après deux premières histoires dues à Alex Toth. Pensée en noir et blanc, elle a été coloriée pour les éditions françaises.
Cette série cynique est constituée de courtes histoires noires. Elle met en scène le tueur à gages Lucas Torelli (alias Torpedo) et son acolyte Rascal, aux États-Unis vers 1936.
La série a reçu l'Alfred du meilleur album étranger traduit en français au Festival d'Angoulême 1986.
Une poupée, Torpedo, Rascal et une sulfateuse
Mon avis :
Torpedo, c'est cash. Typique de la liberté de ton des 80's et de la libération post Metal Hurlant, Torpedo met en scène un tueur à gages dont les traits semblent avoir été inspirés par Clint Eastwood, avec les joues un peu plus creusées façon Lee Van Cleef (ci dessous jeune et sans moustache !) :
Bref : Torpedo, c'est cash. C'est un anti-héros, tueur totalement cynique, désabusé, qui maltraite son crétin d'assistant, Rascal. Torpedo a le talent pour se fourrer dans tous mauvais coups ou dans de beaux draps, avec de belles pépés de préférence : chanteuses de bar, prostituées, vraies ou fausses ingénues, femmes fatales... L'univers de Torpedo est celui de cette Amérique des grandes villes des années 30. Torpedo est un tueur très bon dans son domaine, mais qui joue parfois de malchance. La BD fonctionne bien avec des histoires courtes, donc plutôt rythmées. Ne pensez pas qu'une histoire se résume systématiquement à chaque fois à un contrat différent, les intrigues sont plus complexes que cela. Au passage, l'un des tomes a la particularité d'être une histoire complète, et ça fonctionne encore. Et puis il y a parfois un léger fil directeur le long des tomes qu'il vaut mieux lire dans l'ordre chronologique.
Malgré le côté anti-héros de Torpedo, on arrive à s'attacher à cette ordure, perdue au milieu d'autres ordures. Une belle peinture de l'Amérique mafieuse où règne la loi de la jungle de cet univers familier (cf
Le Parrain, les Incorruptibles, Il était une fois l'Amérique). Bref, pas besoin de vous faire un tableau, l'univers de Torpedo ça vous parle. Pas la BD du siècle, mais efficace, et plutôt divertissant. On notera au passage le contraste avec le côté naïf et balourd de Rascal et surtout, l'humour noir omniprésent qui va bien.
Concernant l'édition je milite évidemment pour l'intégrale noir et blanc, d'un rapport qualité prix imbattable. Je possédais un Torpedo en couleur dans les 80's, mais en dehors du fait que je préfère le N&B maintenant, qui colle beaucoup plus au thème et au trait de Bernet (et puis c'est vrai, la BD a été imaginée en N&B).
L'intégrale est très lourde, vraiment pas très pratique à lire à cause de son poids, façon bottin.
Sinon, ce n'est pas une intégrale à dévorer d'un trait, sinon c'est l'indigestion garantie. Mieux vaux picorer une petite histoire de temps en temps au fil des semaines. Le tout est bien sûr servi par un style narratif qui emprunte au polar noir de Chandler.
Voilà. Au final, je vous conseille quand même l'intégrale : pas sûr que ce soit assez épais pour arrêter une bastos, mais vous aurez des heures de lectures.
Tuer c'est vivre, Albin Michel,1983.
Mort au comptant, Albin Michel, 1984.
Ni fleurs ni couronnes, Albin Michel, 1984.
Chaud devant !, Albin Michel, 1985.
En voiture, Simone., Albin Michel, 1986.
Sale temps !, Albin Michel, 1987.
Sing-Sing Blues, Comics USA, 1987.
Monnaie de singe, Comics USA, 1988.
Debout les morts, Comics USA, 1988.
Dieu reconnaîtra les tiens !, Comics USA, 1990.
Rien ne sert de mourir, Comics USA, 1994.
Devine qui va morfler ce soir..., Comics USA, 1995.
Cuba, Glénat, 1997.
Adieu, gueule d'amour, Glénat, 1999.
Affreux, sales, bêtes, méchants et immondes, Toth, 2004.
Intégrale, Vents d'Ouest, coll. « Turbulences », 2006