LA MAISON IGOUMNOV (Russie)

C'est notre ambassadeur en Russie qui a bien de la chance... Hé oui, cette superbe demeure n'est autre que la résidence de l'ambassadeur de France à Moscou.

Nicolaï Igoumnov, un riche industriel russe, se fît construire en 1881 cet hôtel particulier, cette maison, dans le style "vieux russe", qualifié plus tard de "néo-russe". La riche et puissante famille Igoumnov disparaît en 1917, exilée à l'étranger ou victime de la Révolution russe. De tribulations en évènements, la maison deviendra d'abord l'ambassade de France à la fin des années 1930 puis la résidence de l'ambassadeur en 1979, une nouvelle ambassade ayant été installée. La France est propriétaire de l'ambassade mais seulement locataire de la maison Igoumnov.

L'extérieur est clairement inspiré des églises russes et l'influence de la cathédrale Saint Basile, avec ses murs de briques rouges et ses motifs floraux est évidente. Si l'ensemble paraît assez massif et imposant, de près, il est allégé par festons, corniches sculptées et ouvragées et ciselures :







Mais c'est son intérieur qui justifie la visite...







Le fameux style "néo-russe" s'y déploie fastueusement avec ses ors, ses motifs floraux, ses volutes et ses couleurs vives, éclatantes, qui se détachent d'un ensemble toujours assez sombre. Un ensemble qui évoque bien sûr le palais Terem (voir sujet consacré). Ambiance chargée mais assez féérique surtout sous un éclairage adéquat.





J'aime bien la décoration de la voûte sur cette porte, on dirait une suite de gros macarons...

A noter que la maison comporte d'autres salons mais ces derniers tranchent nettement, arborant le style néoclassique XVIIIème :

On n'est pas très loin des 1001 nuits par moment...
D'ailleurs les contes Russes sont assez connus et nous ont donné des illustrateurs rétros dont le style était aussi inspiré peut-être par leurs homologues arabes.

Sans aller jusqu'à l'Orient des 1001 nuits, la Russie a été très influencée par Byzance à une période et s'est imprégnée des fastes de l'art byzantin, dans les églises principalement.
Et Byzance est devenue Istanbul... Il y a eu de longues et fréquentes guerres entre Russie et empire Ottoman et des influences réciproques. Et n'oublions pas que la Russie s'étend jusqu'à l'Extrême-Orient, jusqu'à l'Asie. A partir de Pierre le Grand, Tzars et impératrices ont voulu attirer la Russie vers l'Europe, en faire une nation européenne mais leur pays reste fortement ancré vers l'Asie et l'Orient.

Sinon, bien qu'à l'opposé de mes goûts, j'aime énormément ce style. Je le trouve féérique, très évocateur, on imagine les fastes baroques des Tzars, vêtus de lourdes robes ornées de précieuses broderies, dans des salles dorées et sombres nimbées d'encens...

Le temps d'une soirée féérique, d'un banquet russe, en effet, je serais volontiers partant.

Un intérieur impressionnant, ça laisse songeur, et donne envie de déambuler, dans ses escaliers, couloirs et pièces. L'intérieur est d'un autre temps, d'une autre époque.

On sent aussi l'inspiration asiatique de l'Asie centrale et des anciennes républiques russes comme l'Ouzbékistan dans les motifs et couleurs. Cet ancrage asiatique est effectivement bien présent.

Pour info, les fameuses briques rouges ont été envoyées depuis les Pays-Bas. A l'époque, la maison était installée dans une rue mal famée, ce qui étonna les contemporains. Mais Igoumnov, qui avait bâti sa fortune en partant de rien, avait tenu à cet emplacement, là où il était né et avait grandi.

Sur cette photo, on voit l'arrière de la maison dont la cour intérieure :



Détail de la façade, richement ouvragée :


La maison Igoumnov a aussi connu quelques péripéties...

Vers la fin des années 1930, elle échappa de peu à la démolition. Occupée par un club ouvrier, elle devait faire place à un cinéma... Mais au même moment, le corps diplomatique français était à la recherche d'une nouvelle ambassade et avait refusé les cinq magnifiques maisons proposées successivement par le pouvoir russe. C'est alors que les français demandèrent la maison Igoumnov. Staline, son attention alors attirée sur la demeure, accepta et la céda au corps diplomatique français comme nouvelle ambassade (en location à l'époque) en 1938. Après 1945, les locaux devinrent trop exigus et la France rechercha un nouveau bâtiment. En 1979, la maison Igoumnov devînt donc uniquement la résidence de l'ambassadeur. Elle se situe à proximité de l'ambassade de France, elle-même à côté du ministère de l'Intérieur russe.

La maison aurait même son fantôme ! La maîtresse d'Igoumnov, une danseuse, que le riche marchand aurait emmurée dans sa chambre après avoir appris qu'elle lui était infidèle. Depuis, une "Dame blanche" hanterait les lieux...
Notre marchand aurait aussi suscité la colère du Tzar en 1901. Donnant un grand bal dans sa maison et voulant étonner ses invités, il fît incruster des pièces d'or dans les parquets de la salle de bal. En dansant, ses invités marchaient ainsi sur les pièces et... sur le profil du Tzar, qui y était gravé. Informé et se considérant insulté, le Tzar aurait exilé l'impudent marchand loin de Moscou...