LA CATHEDRALE DE VANK (Iran)

Son véritable nom est la cathédrale Saint Sauveur d'Ispahan. Hé oui, une cathédrale en terre iranienne...
Elle est arménienne, Vank signifiant "monastère" en arménien et se situe dans le quartier arménien d'Ispahan. Elle a été construite entre 1655 et 1664 par la communauté arménienne qui avait été transférée à Ispahan sur ordre du Chah pour éviter un massacre durant la guerre entre l'Iran et les Ottomans. Elle est dédiée au Christ Saint Sauveur et compte également une bibliothèque de 700 manuscrits anciens en arménien.
De même apparence qu'une mosquée vue de l'extérieur, construite en briques, elle se différencie uniquement par sa croix à son sommet.
A l'intérieur, c'est autre chose...





Un flot, un océan de fresques aux couleurs éclatantes, sur fond d'or, rehaussé par la lumière des lustres et candélabres. Un foisonnement inouï, féérique, aucun centimètre carré n'est laissé nu, tout est recouvert de peintures et fresques évoquant les grands épisodes bibliques :





La cathédrale fût initialement construite en 1606. Alors modeste, elle est considérablement agrandie et richement ornée entre 1655 et 1664 sous l'autorité de l'archevêque David. Le dôme central est orné d'une fresque représentant la création du monde et l'expulsion d'Adam et Eve du jardin d'Eden. On retrouve l'influence Perse dans l'architecture intérieure mais aussi dans la décoration du hall d'entrée, peint de motifs floraux inspirés des miniatures perses. Une série de peintures représente la vie de Jésus, une autre l'histoire des arméniens. On trouve également une illustration du Jugement Dernier. Un clocher est ajouté en 1702.
La cathédrale est en activité bien sûr et attire de très nombreux arméniens de tout le Levant. Des dépendances et commodités ont été installées autour du sanctuaire pour les accueillir.

Elle est tout simplement magnifique. Certains la trouveront peut-être tout cela "surchargé" mais il faut savoir que nos églises et cathédrales, au moyen âge, étaient elles aussi abondamment peintes. Chez nous, c'est la réforme cisterstienne puis des goûts classiques vers le XVIIe siècle qui ont amené les paroissiens à recouvrir de stuc leurs décorations.

Chez les chrétiens d'Orient, cette tradition de peindre les églises ne s'est jamais perdue avec les âges.

Une église, ça doit raconter une histoire. A la base, c'était destiné aux populations modestes, souvent analphabètes, cela leur contait l'histoire de Jésus, des apôtres et de la Bible. En même temps, elles participent de la mise en scène. Car n'oubliez pas que, dans les rites orientaux, la messe ne se fait pas face à un public : le prêtre est caché par un mur et seul sa voix est audible.

Il est rassurant aussi de voir que des témoignages chrétiens subsistent encore en terre islamique. Preuve s'il en est que, même au pays des mollahs et des ayatollahs les plus réactionnaires, il existe malgré tout une certaine tolérance et que les communautés peuvent cohabiter.

Effectivement car j'ai aussi appris au cours de mes recherches que la plus importante communauté juive du Levant, en-dehors d'Israël, se trouve... à Téhéran. Comme quoi...

On est là très proche des basiliques orthodoxes et russes, débordantes de couleurs et d'images. C'était, c'est vrai, un moyen de raconter les évangiles et la bible à ceux qui ne savaient pas lire, une sorte de "bande dessinée".
La cathédrale de Vank est un peu excentrée, il faut marcher un petit moment pour la trouver. Coup de bol, elle est toute proche de l'un des monuments phares de la ville, le célèbre "pont aux 33 arches" :



Comme à Sainte-Sophie, art islamique et figures chrétiennes cohabitent harmonieusement à Vank, en un cadre somptueux :


Ce sont donc les arméniens installés à la frontière entre l'empire ottoman et l'Iran qui l'ont construite. Lorsque la guerre éclate entre les deux empires (1603-1605), le Chah décide de pratiquer la tactique de "la terre brûlée" pour contrer l'avancée ottomane. Les arméniens de la région concernée sont alors transférés à Ispahan, dans un quartier spécifique où ils peuvent continuer à pratiquer leur religion. Ils bâtissent donc un petit monastère en 1606, qui deviendra plus tard cathédrale.
L'architecture est un mélange d'art Safavide et chrétien. Les grandes portes de bois donnent sur le campanile qui conduit à la nef centrale surplombée par le dôme. Sur l'extérieur, on trouve des tombes catholiques, orthodoxes et protestantes.

Étonnant décalage entre l'intérieur et l'extérieur. Merci pour cette découverte.

Oui, de l'extérieur, elle paraît très sobre et même plutôt petite. D'après ce que j'en ai lu ici et là, on peut passer devant sans même s'en rendre compte. Le contraste, une fois à l'intérieur, n'en est que plus saisissant.

Outre la cathédrale, il y a donc également un petit musée, ouvert en 1905, offrant à la visite des vêtements, tapisseries, objets liturgiques et cartes d'époque mais aussi des bas-reliefs et céramiques.
On trouve également une petite imprimerie, qui fût la première en Iran et au Moyen-Orient à l'époque. Le premier livre qui y fût imprimé est exposé au musée. La première presse à imprimer, construite par l'archevêque Kachatoor fût remplacée par un autre modèle, commandé à Amsterdam en 1647. Elle fût à nouveau remplacée en 1844 et ce dernier modèle est visible au musée.

La décoration intérieure est un étonnant mélange de céramiques persanes et de peintures à l'huile de type européen sur un fond d'or, à la manière byzantine.
Le plafond de l'entrée est décoré de motifs floraux tandis que le haut des murs détaille la vie de Jésus. Les angles sont ornés de têtes de "chérubins" entourées d'ailes, une représentation du Jugement Dernier occupe le mur nord. Enfin, le bas des murs représente la répression ottomane.
Le dôme en briques est éclairé par huit fenêtres séparées par des peintures. Toutes ces dernières ont été peintes par des peintres arméniens et trois prêtres, Havans, Stepanus et Minas.