Messages : 5587 Date d'inscription : 31/08/2012 Age : 50 Localisation : La Principauté de Montbéliard Emploi/loisirs : Paladin - aime la littérature, la musique, les voyages, découvrir d'autres cultures Humeur : Agréable et courtoise
Sujet: LE CHÂTEAU DE SOLITUDE (STUTTGART) Sam 11 Mar - 10:21
Le duc Charles-Eugène de Wurtemberg était un esthète appréciant les belles architectures et les arts décoratifs, comme beaucoup d'autres princes éclairés de son temps. C'est lui qui, dès 1763, réalisa avec le château de Solitude le décor idéal pour des fêtes enjouées en société restreinte.
De grandes porte-fenêtres offraient la possibilité d'aller et venir sur la terrasse qui faisait le tour de l'édifice et de laquelle les hôtes avaient une vue imprenable sur les jardins, jadis très étendus, et le beau paysage.
Les pièces du château constituent l'apogée des décorations luxueuses réalisées par l'architecte français Philippe de La Guêpière (qui réalisa aussi l'hôtel de ville de Montbéliard, en 1773, alors domaine du duc de Wurtemberg). On les pénètre par la salle de Marbre dotée de marbre stuqué rose-ocre aux murs et aux colonnes.
Le somptueux sol à incrustations fut exécuté par Johann Georg Beyer. Le salon des Palmiers (Palmenzimmer) tout en rose et or qui se trouve derrière servait autrefois de chambre dont le lit était agrémenté de rideaux aux broderies chinoises, d'un bureau et d'une bibliothèque - le duc, esprit cultivé, aimait beaucoup lire.
Le château de Solitude au XVIIIe siècle :
Mémoires de la baronne d'Oberkirch - 22 septembre 1782
On alla coucher à la Solitude, admirable château que le duc fit bâtir autrefois, au temps de ses folies, à trois lieues de Ludwigsburg ; la vue en est d'une étendue superbe. Le château est immense et parfaitement régulier ; il fut illuminé ainsi que l'avenue : on croyait voir le palais du soleil. Après un opéra italien, il y eut grand souper dans la salle des Lauriers, où les statues, les vases, les tables servies, les lumières à profusion formèrent un coup d'oeil merveilleux.
Pourtant, vers l'automne de sa vie, le duc Charles se repentit d'avoir construit tout cela :
- J'étais entraîné par la jeunesse, confia t-il un jour à sa nièce Sophie-Dorothée, grande-duchesse de Russie, qui venait lui rendre visite ; je ne pensais pas assez à mon peuple qui avait tant besoin d'une pensée constante. Aujourd'hui, je ne construis plus de palais, je bâtis des hospices.
Le grand-duc Paul, qui accompagnait son épouse, entendit ces paroles et répondit au duc de Wurtemberg :
- Monsieur, il n'est pas aussi insensé d'élever des palais que vous voulez bien le dire. La grandeur des princes est celle des peuples, et tout l'argent que vous avez dépensé ici a donné du travail et par conséquent de l'aisance à vos sujets.
Ils avaient raison tous les deux.
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Sujet: Re: LE CHÂTEAU DE SOLITUDE (STUTTGART) Sam 11 Mar - 17:55
Drôle de nom que Solitude pour un château destiné aux fêtes, aux rires et à une certaine insouciance... Solitude m'évoquerait plutôt une retraite austère en un lieu retiré... J'aurais appelé cet endroit Insouciance ou Enjouement.
Sinon, c'est toujours le même sentiment pour tous ces châteaux d'Europe Centrale ou de l'Est, baroque ou rococo : je n'aime pas et j'aime. Je n'aime pas car à l'opposé de mes goûts bien plus sobres et épurés. Trop de marbre, trop de dorures, trop de chichis... Je ne me vois pas vivre là-dedans. Et en même temps, j'aime cette exubérance, cette légèreté mousseuse, ce décor d'insouciance, cette fantaisie. Un décor qui m'évoque inévitablement une valse, de grands lustres en cristal étincelant, des rires, de la musique... C'est surchargé mais pas lourdingue, ça évoque plus la fantaisie, un côté un peu chimérique, romantique (dans le premier sens du terme) que la grosse pâtisserie dégoulinante.
C'est comme les palais de Saint-Pétersbourg (où il faut que j'aille un jour, Damned) : c'est chargé à mort, croulant sous les dorures mais ça reste féérique, joyeusement fou avec ces couleurs pastels, ces blancs, bleus, verts et ces ors. Alors que Versailles par exemple, si j'admire le travail, la finition, la minutie, ça me fait quand-même penser à un cercueil doré. Les artistes et artisans d'Europe Centrale et de l'Est ont souvent réussi à rendre le lourd léger, le surchargé aéré, rehaussé de couleurs plaisantes. Ils ont transposé dans leur art cette fantaisie, ce côté un peu bohème, léger et chimérique (là aussi dans le premier sens du terme)... Je n'y vivrais pas mais j'y passerais volontiers une soirée de fête, à tourner au rythme des Mazurkas et des valses au bras d'une beauté en crinoline sous les lustres étincelants et les ors... Une fête grisante comme une coupe de champagne et un tour de danse...
VIC
Messages : 4285 Date d'inscription : 18/01/2012
Sujet: Re: LE CHÂTEAU DE SOLITUDE (STUTTGART) Sam 11 Mar - 22:11
Je partage aussi cette ambivalence : rejet absolu pour y vivre, étonnement et admiration devant le côté singulier et démesuré, presque fou. Plus une oeuvre de fiction qu'un lieu d'habitation en ce qui me concerne.
Gorak
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Sujet: Re: LE CHÂTEAU DE SOLITUDE (STUTTGART) Sam 11 Mar - 22:26
C'est ce que j'aime dans l'art et l'architecture du XVIIIe siècle. Ces gens avaient du goût. Ils aimaient l'esthétisme, le raffinement. Ils adulaient la beauté.
Et nous, aujourd'hui, pauvre petite sous-civilisation merdique qui est la nôtre, nous adulons quoi ? La laideur... la médiocrité... la vulgarité... notre époque est laide. Il n'y a plus de châteaux, plus de baroque, plus de fêtes, ni de bals donnés dans des salles de Marbre aux décors fabuleux. Il n'y a plus de princesses en robe longue à faire danser sous des lustres en cristal.
Aujourd'hui, il n'y a plus que des pouffiasses décolorées qui se trémoussent le baigneur au bras d'un gigolo bas de plafond.
Quand je me promène dans tous ces vieux châteaux, j'ai presque envie de pleurer... pourquoi suis-je né aussi tard ? Pourquoi est-ce que je vis dans ce siècle sans âme ? Que fais-je là dans cette époque où il n'y a plus ni de comtes, de ducs, de marquis ?
Si seulement je pouvais avoir une DeLorean pour voyager dans le temps...