Jeff Lemire est un scénariste canadien plutôt en vogue chez DC comics en ce moment. Mais c'est également un dessinateur, voici l'une de ses œuvres :
Trillium. Je ne suis pas un grand fan de son trait mais j'étais curieux de voir ce qu'il donne hors du carcan de la continuité.
Dans ce livre l'on suit l'histoire de deux personnages. En 3797 l’humanité se meurt, victime d’un virus que rien ne peut arrêter excepté une plante, le trillium. Une scientifique, Nika Temsmith, cherche sur une planète perdue à l'autre bout de la galaxie à entrer en contact avec un peuple autochtone, les Athabitiennes, afin de récupérer du trillium. Mais le temps presse, il reste 4000 humains et le virus approche.
Parallèlement, sur Terre, au cœur de l’Amazonie, en 1921, William Pike, soldat rescapé et traumatisé de la première guerre, explore la jungle à la recherche de temples incas censés receler un trésor.
Voilà le début d'une histoire qui a de quoi contenter les fans de space opéra, de civilisations perdues, de trous noirs cosmiques, de romance impossible et de poésie graphique.
Mais ce qui doit avant tout vous amener à lire ce livre c'est sont agencement. En effet il est difficile de savoir si le dessin est au service de la narration ou bien si c'est l'inverse dans ce roman graphique. Chaque épisode est agencé différemment et oblige à tourner et retourner le livre pour suivre l'histoire. Ce qui contribue à simuler les déplacements à travers l'espace et le temps ainsi que le vertige ressenti par les personnages.
Par exemple dans le premier numéro les deux histoires se font faces. Celle de Nika commence normalement par la première page mais pour suivre celle de William il faut retourner le comics et commencer par la fin. Ces deux histoires se rejoignant au centre pour un événement commun. Autre exemple (mon préféré) le cinquième épisode se lit uniquement sur la moitié haute du comics. On commence par suivre l'histoire de Nika uniquement sur le haut des pages. Arrivé à la fin on retourne le comics pour suivre l'histoire de William qui était sur le bas de la page (mais est alors en haut). Ainsi les deux histoires se retrouvent symétriques et miroirs l'une de l'autre, pas uniquement dans la position des planches mais également dans les personnages et les situations. (Ce n'est pas sans me rappeler un certain palindrome graphique croisé dans les Watchmen il y a fort longtemps de cela).
Voilà si vous avez compris bravo. Sinon allez y jeter un coup d’œil ce sera plus clair.
J'ai beaucoup aimé ce livre non seulement pour sa construction mais aussi pour la poésie de son histoire (je n'en dirai pas plus pour ne pas déflorer l'intrigue). Toutefois de part son agencement il peut être pénible au bout d'un moment de bouger régulièrement le livre pour suivre l'histoire. Le format comics était bien plus adapté que le format relié pour cela.