Rêve de Dragon

Première édition : écran-couverture de Roger Ronsin (g.), couverture du Livre I (m.), dessin de Bernard verlhac (d.)

2nde édition : couverture de Florence Magnin (g.) et illustration intérieure de Roland Barthélémy (d.)

Campagne À la claire fontaine : couverture de Florence Magnin (g.) et illustraiton de Roland Barthélémy (d.)

Outre le fait que j'ai toujours considéré le nom de Gerfaud/t particulièrement approprié à l'écriture de JdR, force est de reconnaître que Rêve de Dragon est un petit bijou francophone, tout chauvinisme mis à part. Je l'ai découvert en 1986 et c'était mon JdR de prédilection en cours de physique/chimie (ce qui est étrange car j'ai toujours eu une certaine affection pour la physique/chimie).
Que dire sinon que le jeu à les qualités de ses défauts. Son système de règles m'a toujours semblé pertinent et vraiment équilibré et m'a d'ailleurs permis d'ajuster mon AD&D de cuisine (où j'ai par exemple intégré les caractéristiques de perception). Seule la Chance ne m'a jamais séduite. Et puis les compétences, un vrai bonheur, fort bien pensées. La magie est particulièrement originale et je me revois encore en train de passer des heures à peaufiner les différentes gemmes d'une épée magique - avec dessins - alors que le tambour de la machine à laver tournait délicieusement dans la petite cuisine d'un dimanche estival. Car la magie de RdD, c'est la matrice avant l'heure, le bonheur du joueur magicien, l'inconnu enfin révélé.
Mais toutes ces innovations ont un revers : une simulation qui sort certains du rêve - ce qui jamais ne fut mon cas - et une magie qui isole le jeteur. Le jeu est - était devrais-je dire - schizophrénique. Mais l'ensemble contribuait à la spécificité de ce jeu 100% français, 100% Gerfaud.

Et pourtant, il y a un aspect que peu - ou personne qui sait - ont abordé : les dragons. Je ne vais pas rentrer dans les implications que soulèvent une telle conception de l'univers, là où le paradigmatique (dragon) rencontre l'extraparadigmatique (meneur de jeu) dans une métaphore onirique perturbante qui ôte au réel fantasmé toutes assises exceptées morphéennes. Mais ce concept draconique engendre une perte de la responsabilité, comme si l'absurde devenait pur rêve, impliquant de facto la futilité de toute action. Ce qui fait qu'au-delà d'un certains nombres de parties de jeu découvertes/aventures, l'univers m'a semblé se mordre la queue  et refuser la prise en compte de toute destiné, de celle où les actes individuels acquièrent une valeur propre de part leur positionnement dans une temporalité. Or, c'est cette absence d'effectivité du pseudo-réel qui a entraîné chez moi une rupture de l'illusion, une cessation du plaisir de jeu due à un univers en porte-à-faux avec lui-même.
Si le monde du rêve demeure d'une attrayance incomparable, il n'en demeure pas moins une illusion, une chimère qui porte en elle les stigmates visibles de sa propre carence prospective.