CERAMIQUES OTTOMANES

Byzance avait ses légions de mosaïstes, Istanbul a eu ses armées de céramistes.
Les ottomans sont passés maîtres dans l'art de la céramique, comme en témoigne ce superbe plat à fond bleu cobalt :


Notre collection d'objets décoratifs s'enrichit donc aujourd'hui des magnifiques céramiques ottomanes, qui n'ont rien à envier aux précieuses porcelaines Ming.

C'est la ville d'Iznik, autrefois nommée Nicée, qui fût le coeur de la production de céramique. Cette dernière sert pour les objets utilitaires et quotidiens, mais également pour la décoration : 2000 carreaux sont commandés pour recouvrir les murs de la mosquée bleue à Istanbul. On y représente des fleurs, des motifs floraux, des arabesques et volutes qui finissent par tendre vers l'abstrait et les motifs géométriques, parfois des versets du Coran ou des poèmes. C'est aussi la création d'une couleur, le fameux "bleu cobalt", qui va devenir incontournable. Les maîtres céramistes d'Iznik exportent alors leurs créations jusqu'en Occident, mais surtout vers l'Asie Centrale pour tapisser monuments et mosquées de Samarcande ou Tachkent sur la Route de la Soie. La technique de fabrication, secret jalousement gardé, donne à cette céramique un côté "dur", lumineux, une "glaçure" pure et transparente qui rivalise avec celle de la porcelaine la plus précieuse.






Les céramistes ottomans furent également à l'origine de deux autres couleurs, le "rouge d'Iznik" et le vert émeraude (Le vert étant la couleur de l'Islam).
Il y eût certainement des contacts entre les céramistes d'Iznik et les maîtres de la porcelaine chinoise, mais la production ottomane reste profondément originale. Sa fabrication était un secret jalousement gardé et c'est l'empire qui contrôlait les ateliers où se fabriquait la célèbre céramique, objet d'un intense et fructueux commerce aussi bien que des commandes officielles.

À noter que pendant l'Âge d'or du monde musulman (732-1492 à la grosse), les alchimistes ont beaucoup travaillé sur les oxydes métalliques.

Les oxydes étant ce qui donne les couleurs aux céramiques…

Cette fameuse céramique bleue ne servît pas qu'à décorer et orner vases et ustensiles...
Les byzantins avaient recouvert leurs basiliques et palais de mosaïques précieuses à fond d'or, les ottomans couvrirent palais et mosquées de céramique bleue à motifs floraux, géométriques et abstraits. Un ornement qui se répandît bien au-delà des frontières de l'empire : mosquées d'Istanbul et d'Ispahan, monuments des "villes bleues" de la Route de la Soie et jusqu'aux palais des seigneurs musulmans de l'Inde. Des milliers de carreaux de céramique tapissant les murs des palais et mosquées, en un foisonnement précieux et raffiné...










A l'origine, tout commençait par un dessin, sur carton le plus souvent. L'Islam interdisant la représentation de la figure humaine, les artistes se tournèrent vers des motifs floraux, géométriques, jusqu'à frôler l'art abstrait parfois.
Vient ensuite la pâte qui doit contenir au moins 80% de quartz. On l'enrichie de fritte de plomb (un mélange spécifique) afin d'abaisser la température de cuisson et d'ainsi économiser les matériaux de combustion. Cet ajout a également l'avantage de lier les particules de quartz entre elles et de les vitrifier, assurant ainsi un ensemble homogène, avant de disparaître à la cuisson.
C'est cette dernière qui est primordiale, en général entre 700 et 1200°. La moindre erreur de température lors de la cuisson peut tout faire rater et c'est alors une pâte informe qui sort du four...
Auparavant, on a appliqué la glaçure, un mélange à base de silice qui donne cet aspect glacé et lumineux, presque dur, à ces bleus éclatants. Les voyageurs du Moyen Age, éblouis, croiront avoir affaire à de la porcelaine, mais la céramique ottomane n'en a pas la dureté ni la sonorité. Le décor est alors peint à la main, avant cuisson qui dure jusqu'à 20 heures. Le refroidissement dure lui une semaine, prix à payer pour éviter craquelures et fissures.