En 910,
Guillaume le Pieux, duc d'Aquitaine, fonda en ce lieu, alors désert, un monastère destiné à être le centre d'une congrégation de bénédictins réformés. Le premier abbé en fut
saint Bernon. Son successeur,
saint Odon, établit les règlements connus sous le nom de
Coutumes de Cluny, qui ne furent rédigés qu'au XIe siècle.
Sous les successeurs d'Odon : Aymard, Mayeul, Odilon, Hugues, etc. l'abbaye de Cluny jeta un grand éclat par le spectacle des vertus monastiques et la renommée du savoir. Un grand nombre d'abbayes se soumirent à sa direction.
C'est de son sein que sortirent trois grands papes : Grégoire VII, Urbain II et Pascal II, ainsi que toute une foule de cardinaux et d'évêques.
Les abbés de Cluny furent à cette époque les médiateurs des princes et les arbitres vénérés du monde chrétien.
L'abbé Hugues, qui succéda à Odilon, fit élever la splendide basilique de Cluny. Il fut aidé dans l'exécution de cette gigantesque entreprise par tous les rois de l'Europe, surtout par Alphonse VI de Castille. Grâce à ces secours, auxquels d'innombrables fidèles joignirent leurs dons et leurs offrandes, l'abbé de Cluny éleva, en vingt ans, le plus vaste édifice religieux de son époque.
L'église abbatiale de Cluny, terminée dans les premières années du XIIe siècle, fut pendant plusieurs générations comme la métropole du monachisme.
Pierre le Vénérable fut certaienement le plus illustre des abbés de Cluny. C'est sous son abbatiat (1122-1156), que l'établissement atteignit son apogée. Cet homme éminent, très érudit, fut un des controversistes les plus éclairés de son temps. Il était, à la fois, l'ami et l'adversaire de saint Bernard, le conseiller de Suger, le prieur de Saint-Denis. Il recueillit encore Pierre Abélard dans sa vieillesse désolée et élabora, pour le gouvernement de l'ordre, des statuts contenant 76 articles motivés.
En 1119, le pape Gélase II, fuyant la persécution de l'empereur Henri IV d'Allemagne, se réfugia à Cluny, et y mourut.
Après sa mort, les cardinaux qui l'avaient accompagné élurent, dans l'abbaye même, sous le nom de Calixte II, Guy, archevêque de Vienne, et natif de Besançon. Ce nouveau pontife, en remerciement, ordonna que l'abbé de Cluny aurait toujours le titre de cardinal.
L'abbaye étant démolie en 1790, il ne nous reste, malheureusement, pas grand chose des édifices actuels. Mais, par les gravures et reconstitutions, on peut avoir une idée de son aspect général au temps de sa splendeur.
Elle était immense. On y reçut, en 1245, après la célébration du premier concile général de Lyon, le pape Innocent IV, les patriarches d'Antioche et de Constantinople, douze cardinaux, trois archevêques, quinze évêques et plusieurs abbés. En même temps s'y trouvaient le roi saint Louis, sa mère la reine Blanche de Castille, sa soeur et son frère, Baudoin, empereur de Constantinople, le fils du roi d'Aragon, le fils du roi de Castille, et une multitude de princes, de comtes et de chevaliers.
Cela donne un peu une idée des proportions des bâtiments claustraux qui servirent à loger tous ces hauts personnages et leur suite, et ce sans troubler en rien la vie des 400 religieux qui occupaient les lieux ordinaires et continuaient à vaquer à leurs occupations quotidiennes.