En Europe, et plus particulièrement en France, on connait très mal Mark Twain, de son vrai nom
Samuel Langhorne, né à Hannibal, petit port sur le Mississippi en 1835 et mort à l'âge de 75 ans, en 1910.
Personnage tendre, plein d'humour, mais surtout passionné par tous les spectacles de la vie : on retrouve à peu près tous ces aspects dans son oeuvre.
Dans la vie de Mark Twain, il y a le Sud. Les moeurs y sont rudes, la justice expéditive. Sans doute a-t-il vu lyncher des Noirs, poursuivre des esclaves marrons et des bandits de grand chemin. Mais il y a surtout l'âpre poésie du grand fleuve, porteur d'une humanité variée, souvent assoiffée de richesse et de plaisir.
Orphelin à 12 ans, Samuel Langhorne dut abandonner l'école pour entrer en apprentissage. Tour à tour imprimeur, pilote sur le Mississippi, soldat dans les rangs des troupes confédérées lors de la guerre de Sécession, puis mineur, spéculateur, Twain est surtout journaliste.
Il débute à San Francisco, c'est là qu'il prend le pseudonyme de "Mark Twain" : "Marque 2" (2 brasses de profondeur sur la ligne de sonde), c'est le cri que poussent tous les pilotes de bateaux à roue sur le Mississippi. Il écrit son premier succès : "
La Célèbre Grenouille sauteuse de Calaveras" en 1867. En 1869, il est envoyé pour faire des reportages en Polynésie, puis en Europe; de cette expérience, il en rapporte la matière des "
Innocents en Voyage" où le démocrate américain qu'il est y dévoile les faux-semblants d'une Italie brillante mais corrompue.
Mais son chef-d'oeuvre reste l'épopée burlesque et touchante de sa propre jeunesse qu'il met en scène dans trois livres, qui lui vaudront un grand succès des deux côtés de l'Atlantique : "
Les Aventures de Tom Sawyer" (1876), "
La vie sur le Mississippi" (1883) et "
Les Aventures de Huckleberry Finn" (1884).
Toutefois, et contrairement à ce que l'on croit, ces ouvrages ne sont pas seulement destinés à un public enfantin. On y trouve d'ailleurs une certaine dureté, fréquente à l'adolescence, correspondant à l'intention antiromantique de l'auteur et s'accorde à la tonalité général et picaresque.
C'est dans "Huckleberry Finn", camarade de Tom, que Mark Twain se dévoile le mieux. On perçoit, derrière l'humour, une émotion poignante. Le rude milieu des hors-la-loi y est décrit avec quelque crudité. La fameuse scène où Huck descend le fleuve en compagnie de Jim, l'esclave en fuite, est une merveilleuse aventure tant sur le plan de la narration que sur celui où s'exprime la nature intrinsèquement libertaire et humanitaire de l'auteur.
La position de Mark Twain vis-à-vis de la question noire est très en avance sur celle de ses contemporains.
La part autobiographique apparait encore de manière plus visible dans "
La Vie sur le Mississippi" où l'auteur parle à la première personne. Il y évoque, avec nostalgie, ses expériences d'élève-pilote. Mais le personnage central, c'est le fleuve, gigantesque, dont l'opulence spirituelle et matérielle a exalté des générations de lecteurs.
Tout au long de sa vie, Mark Twain a intensément vibré d'émotions généreuses. Il aura lutté contre toutes formes d'injustice, contre la brutalité, le cynisme. Son humour lui servit à la fois d'arme offensive et défensive. En cela, Mark Twain est très
yankee. Certes, il y a beaucoup à dire sur le style qui n'a pas les qualités du coeur, mais il affirme un don comique extraordinaire qui nous vaut des histoires d'une humanité pétillante.
Bref, Mark Twain est un auteur à redécouvrir, surtout en France où il n'est connu qu'au-travers du dessin animé adapté de son oeuvre la plus célèbre. Il est beaucoup plus attachant, drôle, humain et complexe que cela.