ashimbabbar
Messages : 240 Date d'inscription : 21/04/2012
| Sujet: THEODORE AGRIPPA D'AUBIGNÉ (1552-1630) Mar 4 Nov - 14:55 | |
| Le lieu de mon repos est une chambre peinte De mille os blanchissants et de têtes de morts Où ma joie est plus tôt de son objet éteinte: Un oubli gracieux ne la pousse dehors.
Sortent de là tous ceux qui ont encore envie De semer et chercher quelque contentement: Viennent ceux qui voudront me ressembler de vie, Pourvu que l’amour soit cause de leur tourment.
Je mire en adorant dans une anatomie [: un squelette ] Le portrait de Diane entre ses os, afin Que voyant sa beauté ma fortune ennemie L’environne partout de ma cruelle fin:
Dans le corps de la mort j’ai enfermé ma vie Et ma beauté paraît horrible dans les os. Voila comment ma joie est de regret suivie, Comment de mon travail la mort seule a repos.
Tout cela qui sent l’homme à mourir me convie, En ce qui est hideux je cherche mon confort: Fuyez de moi, plaisirs, heurs, espérance et vie, Venez, maux et malheurs et désespoirs et mort !
Je cherche les déserts, les roches égarées, Les forêts sans chemin, les chênes périssants, Mais je hais les forêts de leurs feuilles parées, Les séjours fréquentés, les chemins blanchissants.
Quel plaisir c’est de voir de vieilles haridelles De qui les os mourants percent les vieilles peaux. Je meurs des oiseaux gris volant à tire-d’aile, Des courses des poulains et des sauts de chevreaux !
Heureux quand je rencontre une tête séchée, Un massacre de cerf, quand j’ois les cris des faons; Mais mon âme se meurt de dépit asséchée Voyant la biche folle aux sauts de ses enfants.
J’aime à voir de beautés la branche déchargée, À fouler le feuillage étendu par l’effort D’Automne, sans espoir, leur couleur orangée Me donne pour plaisir l’image de la mort. |
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