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 Louis Bouilhet (1822-1869)

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ashimbabbar




Masculin Messages : 240
Date d'inscription : 21/04/2012

Louis Bouilhet (1822-1869) Empty
MessageSujet: Louis Bouilhet (1822-1869)   Louis Bouilhet (1822-1869) Icon_minitimeMar 17 Juin - 22:58

Les Rois du Monde

I

Et le cèdre, debout sur le mont solitaire,
Disait: Béni soit Dieu, qui du sein de la terre
Fait monter comme un flot la sève dans mes flancs;
Béni soit le Seigneur qui, pour moi seul au monde,
Garde dans ses trésors et la fraîcheur féconde,
Et les rayons étincelants !

Je suis le fils aîné de la nature immense.
Les germes des humains dormaient dans le silence,
Que déjà j’étendais mes bras audacieux;
Les forêts d’aucun cri ne tressaillaient encore,
Et la brise, agitant mon feuillage sonore,
Fut le seul bruit, un jour, qui monta jusqu’aux cieux.

Dès que l’homme créé sortit de la poussière,
Devant ma majesté puissante et séculaire
Il inclina la tète, apprit à me bénir,
Et cachant tous ses dieux sous mon écorce dure,
Il fit de mes rameaux, durant la nuit obscure,
Tomber les voix de l’avenir.

Sous mes pieds immortels les familles humaines
Ont vécu leur saison comme l’herbe des plaines.
Du temps qui détruit tout, seul, j’ai bravé l’affront;
Et quand l’orage passe, en ébranlant les villes,
Les siècles, plus nombreux que mes feuilles mobiles,
Tremblent confusément, suspendus à mon front.

Gloire à Dieu ! gloire à Dieu !... je suis le roi du monde !
La vie, à mon flanc noir, glisse lente et profonde ;
Dans le granit des monts j’enfonce mes cent pieds.
Le nuage, en passant, se déchire à ma cime,
Et je reste, ici-bas, comme un pilier sublime
Sur qui les cieux sont appuyés !

II

Et l’homme, sur son front posant le diadème,
Disait : — Béni soit Dieu dont la bonté suprême
Mit tant de force en moi !
Mon génie à toute heure allonge mes domaines ;
Sur tous les océans et par toutes les plaines,
Je suis, je suis le roi !

Les saisons, dépouillant les campagnes vermeilles,
Pour ma soif et ma faim répandent leurs corbeilles
Sous mes plafonds sculptés.
Pour moi fermente l’or aux veines de la mine,
Pour moi le flot salé polit la perle fine
Dans les immensités.

À chacun des désirs dont mon âme tressaille,
Esclave obéissant tout un monde travaille
Et ne s’arrête pas.
Et comme des lions qu’a muselés le maître,
Les éléments soumis, en me voyant paraître,
Bondissent sur mes pas.

Les fleuves murmurants font tourner mes machines,
Le feu grince et se tord dans mes noires usines,
L’air se plie à ma loi.
Et quand je veux, un jour, visiter mon empire,
Je dis aux vastes mers: « Soulevez mon navire ! »
Aux vents: « Emportez-moi ! »

Gloire à Dieu ! gloire à Dieu ! ma volonté féconde
Est un moule puissant où je jette le monde
Pour qu’il garde mon pli.
Et quand je passe, calme et portant mon idée,
La montagne se range, et la mer débordée
Se refoule en son lit.

III

Le cèdre au front superbe est couché dans la plaine,
L’homme s’est endormi dans son tombeau glacé.
Sur leurs débris sans forme, où le ver se promène,
Un bruit mystérieux lentement a passé:

« À nous, à nous les temps et l’avenir sans bornes !
À nous, fils de la mort et frères du destin !
Nous peuplons du néant les solitudes mornes,
Et Dieu, de l’univers, nous fait un grand festin !

La mort, la mort nous aime: au sein de la nuit sombre
Elle ouvre les cercueils avec sa froide main;
Elle nous dit: « Mes fils, que faites-vous dans l’ombre ?
La tombe est-elle vide, et n’avez-vous pas faim ?

Je vous apporterai de belles jeunes filles
Pâles comme des lis, et des enfants tout blonds
Car c'est pour vous, ô vers, que croissent les familles,
Ainsi que des troupeaux parqués dans les vallons ! »

Et puis, la mort nous quitte et s’en va par la terre;
Elle franchit les monts et passe les grands flots,
Traînant comme un butin le cèdre centenaire
Ou prenant le navire avec les matelots.

Gloire, gloire au Seigneur ! il fit du ciel immense
Un dais d'azur et d’or à notre royauté.
Où le monde finit, notre empire commence,
Solitaire et profond comme l’éternité.

Toujours retentira la chute monotone
Des siècles, l’un sur l’autre en la nuit emportés,
Et tomberont sans cesse, au souffle de l’automne,
La feuille des forêts et l’homme des cités.

Jusqu'à ces jours lointains de pâle solitude
Où, sur la terre morte étalant notre orgueil,
Nous rongerons le monde en sa décrépitude,
Comme un cadavre froid qui n’a pas de cercueil !
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ashimbabbar




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MessageSujet: Re: Louis Bouilhet (1822-1869)   Louis Bouilhet (1822-1869) Icon_minitimeSam 25 Oct - 1:02

LE SANG DES GÉANTS


Quand les géants tordus sous la foudre qui gronde
Eurent enfin payé leurs complots hasardeux,
La terre but le sang qui stagnait autour d'eux
Comme un linceul de pourpre étalé sur le monde.

On dit que, prise alors d'une pitié profonde,
Elle cria « Vengeance ! » et, pour punir les Dieux,
Fit du sable fumant sortir le cep joyeux
D'où l'orgueil indompté coule à flots comme une onde.

De là cette colère et ces fougueux transports
Dès que l'homme ici-bas goûte à ce sang des morts,
Qui garde jusqu'à nous sa rancune éternelle.

Ô vigne, ton audace a gonflé nos poumons
Et sous ton noir ferment de haine originelle
Bout encor le désir d'escalader les monts.
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Louis Bouilhet (1822-1869)
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