LES MONASTERES DU TIGRAY

Le Tigré (Tigray en éthiopien) est sans doute la région la plus farouche d'Ethiopie, un formidable ensemble de montagnes ocre au relief des plus accidentés et qui verrouille le pays au nord, vers la frontière avec l'Erythrée. C'est pourtant là que se trouve un fabuleux patrimoine religieux : des dizaines de monastères et de sanctuaires (120 environ pour être exact), parfois troglodytiques comme en Cappadoce, souvent creusés dans la roche, recouverts de peintures et de fresques incroyables. Des refuges tellement bien cachés que certains n'ont été découverts que dans les années 1960...
L'accès à ces sanctuaires perdus entre ciel et terre se mérite : parois à pic, murs verticaux pourvus d'encoches pour les pieds et les mains, passerelles de corde au-dessus du vide, piste étroite serpentant le long des parois... Mais le spectacle à l'arrivée récompense tous les efforts.
Suivez le guide...


L'un des plus beaux et des plus difficiles d'accès. Il est caché au sommet d'un ensemble d'éperons rocheux et il faut avoir le coeur bien accroché pour y aller :


D'autant plus que l'usage veut que l'on se déchausse avant de commencer l'ascension... Le plus souvent, le sentier est si étroit qu'il ne laisse passer qu'une personne de front. Pas de barrière ni garde-fous. A un moment, il faut même escalader une paroi verticale grâce à des encoches creusées dans la roche, ce qui ne rebute pas les pélerins, y compris les dames :



Signalons également que la roche, lissée par les pluies, est glissante et que quand il fait beau, on escalade en plein cagnard...

Mais voilà, nous y sommes ! Une simple porte, un petit palier de pierre surplombant le vide :


Et là, le silence, la pénombre fraîche... Vous êtes dans la "chapelle sixtine africaine", tout le sanctuaire est entièrement peint de fresques parfaitement conservées datant du XVème siècle :






Si les fresques datent du XVème siècle, le sanctuaire, lui, a plus de 1600 ans... Pour l'ascension, de jeunes hommes robustes et habiles proposent leurs services contre un peu de monnaie au pied de la montagne. Ils sont très réputés et adroits, allant jusqu'à transporter sur leur dos un enfant ou un vieillard. A l'intérieur, rien ou presque n'a changé, les prêtres sont drapés de leur robe (blanche en général) toute simple et pieds-nus, appuyés sur leur bâton. Seule concession à la modernité (et aux touristes), la présence d'un éclairage à ampoules fourni par un générateur. Il est coupé lors des cérémonies où tout est alors éclairé à la lueur des cierges comme autrefois.

P'tite vidéo (en allemand) :

Voici donc Mayam Korkor, imposante "église-caverne" dédiée à la Vierge et difficile d'accès également, située dans les hauteurs du massif de Gheralta. Entièrement taillée dans la roche, elle recèle de superbes peintures rupestres d'influence byzantines datant du XIVème siècle.


Si l'extérieur surprend avec ses couleurs blanches rayées de vert et rouge vif, l'intérieur, creusé dans le roc, laisse sans voix :





Bien que difficile d'accès, Maryam Korkor est très visitée car elle est proche du Gheralta Lodge, un hôtel-refuge implanté non loin et où s'installent volontiers ceux qui veulent explorer la région. Elle n'est également qu'à 200 mètres de Daniel Korkor, une église voisine très courrue.
Maryam Korkor abrite également un oratoire perché au-dessus du vide et de nombreux ossuaires antiques où sont conservés les restes des prêtres.

C'est le plus inaccessible des monastères d'Ethiopie, datant du VIème siècle : situé au sommet d'un haut-plateau, il est tellement reculé et perdu qu'il ne fût découvert qu'au début du XXème siècle. En raison de son inaccessibilité, il servît même de prison pour prisonniers très importants, dont les neveux d'un empereur. Un autre vînt y trouver refuge avec son épouse et leurs derniers fidèles.

Le seul moyen d'atteindre Debre Amo, le voici :




Hé oui ! Cette corde de 15 mètres jetée par les prêtres et passée autour de la taille avant d'être hissé à la force des bras est l'unique moyen de rejoindre le sanctuaire. Une fois sur place, on découvre un vaste ensemble avec divers bâtiments, des réservoirs, oratoires et églises, un ensemble où vivent 600 moines.
L'église principale est de bois et de pierre :


A l'intérieur, le sanctuaire dévoile de magnifiques panneaux et plafonds en bois sculptés de scènes animalières (lions, girafes, serpents, rhinocéros...) et surtout, une fabuleuse collection de parchemins précieusement enluminés retraçant plus de 1400 ans d'histoire.
Signalons que Debre Amo est interdit aux femmes et aux animaux de sexe femelle.

Suivez le guide :

Incroyable cet accès ! Ça se mérite d'aller voir ce monastère !

Oui, assez étonnant n'est-ce pas, cette "Massada" éthiopienne ? Le monastère fût construit grâce à une immense rampe d'accès qui fût détruite par la suite.
Au XVIème siècle, le seigneur musulman Ahmed Gragne assiégea en vain pendant un an le monastère où s'était réfugiée la reine Sabla-Ouangel, veuve de l'empereur Lebna-Dengel, qui y était lui-même mort. Mais nul refuge n'est inviolable : en septembre 1557, le Turc Özdemir Pacha réussit à s'emparer du lieu, incendia l'église et massacra les moines.

L'un des plus époustouflants monastères du Tigray... Il date du IVème siècle, bâti et creusé dans la falaise sur ordre de l'empereur Gebremeskel, fils de l'empereur Kaleb, "Roi des rois", alors que la capitale impériale était Aksoum.
Pour l'atteindre, il faut grimper (bon courage...) et progresser à travers une succession d'étroites corniches et de tunnels creusés dans la roche, sans oublier de petits ponts de branches ici et là. L'ascension dure 15 minutes environ. Au pied de la falaise, des guides vous attendent pour vous y mener. L'endroit est petit, couvert de fresques et peintures superbes. En général, les prêtres y sont peu nombreux, parfois un seul, à tour de rôle.
Petite précision : l'endroit est interdit aux dames...

Retour dans les montagnes du Tigray, en Ethiopie, avec de nouvelles images de ces impressionnantes églises creusées dans la roche.

Retour à Abuna Yemata Guh, sans doute la plus impressionnante :



L'église est excavée à 200 mètres de hauteur dans un piton rocheux dressé vers le ciel.
L'endroit a été choisi par Abuna Yemata, un des neuf saints de la religion éthiopienne, pour sa configuration, figurant un doigt dressé vers le ciel.
L'église ne comporte qu'une seule fenêtre. Comme on l'a vu plus haut, sujets au vertige, s'abstenir...







Nouvelle image de l'intérieur de la "Sixtine africaine" :



Les fresques et peintures restent exceptionnellement conservées. L'air très sec et l'absence d'humidité ainsi que la pénombre ont préservé ces scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament.
On trouve également ici un autre trésor, des bibles et textes sacrés très anciens, en parchemin et peaux de chèvre, richement colorés :



Certains des prêtres qui officient en ces lieux ne sont pas redescendus de la montagne depuis 30 ou 40 ans. Car l'église est toujours en activité, chaque jour des pèlerins entreprennent la périlleuse ascension pour assister aux offices ou aux baptêmes, se mêlant aux touristes. Pour tous, baudrier, cordages, guides et pieds nus obligatoires. Pantalon conseillé et robes déconseillées pour les femmes pour des raisons pratiques.

Nous voici maintenant à Abuna Gebre Mikael, toute aussi inaccessible et toute aussi magnifique :







Ici prédominent le blanc, le bleu et le jaune pour des fresques illustrant l'Ancien Testament ou encore l'Apocalypse.
Cette église est l'une des moins connues et visitées de la région, elle plaira aux amateurs de tranquillité et de solitude. Elle a été vraisemblablement excavée et creusée vers le IVème siècle. On y accède par une massive porte en bois richement ornée qui donne accès au sanctuaire, soutenu par huit piliers.
Il faut environ 90 minutes de marche en plein soleil depuis le village de Koraro pour atteindre la base du haut plateau avant de commencer l'ascension. Bonne condition physique impérative donc pour découvrir cette merveille cachée.



L'entrée, au sommet du haut plateau :

Le bonheur total. La plénitude. L'endroit idéal pour retrouver l'essentiel et se rapprocher du Divin.

C'est beau, c'est calme, c'est apaisant.

C'est sûr qu'on dirait plus la retraite d'un ermite qu'une église. Pour les prêtres qui vivent là-haut, le décalage avec notre monde actuel doit être assez fou, difficile à concevoir.

Abuna Gebre Mikael me plaît beaucoup, plus sobre, plus aérée, étonnamment lumineuse.

Merci pour ces découvertes. Vu les difficultés d'accès, je préfère nettement me contenter des photos. J'apprécie l'humilité de ces bâtiments face à la grandeur des paysages. Par contre l'interdiction d'accès aux femmes m'irrite.

Tu as la même interdiction d'accès aux femmes au mont Athos, en Grèce, aussi... Ici, elle ne concerne que quelques monastères où vivent des communautés masculines surtout, la majorité des églises rupestres restent ouvertes à tous et toutes.


Plus accessible, quoique...



Voici donc l'église de Petros et Paulos, autrement dit Pierre et Paul :



Située au coeur de la "Montagne blanche", elle reste spectaculaire pour être à moitié suspendue dans le vide... Une partie est en effet creusée dans la roche, l'autre, maçonnée, s'avance donc au-dessus du vide. Aucun chemin pour y accéder, il faut être accompagné d'un guide qui, le moment venu, se transformera en alpiniste pour vous aider à rejoindre le lieu. Un lieu qui, pour beaucoup, a un petit quelque chose de cycladique avec ses formes cubiques, ses murs blancs, son bois, sa maçonnerie blanchie à la chaux et ses terrasses :



L'intérieur est lui plongé dans la pénombre, révélant progressivement ses grandes fresques colorées qui alignent quantité de personnages bibliques :







Elle est pourtant aujourd'hui abandonnée, du moins, elle n'est plus en service. Ce qui explique que les fresques commencent à se dégrader. Des crânes d'anciens prêtres y ayant vécu et officié parsèment même le sol, dans la pénombre, en certains endroits, donnant au lieu un côté étrangement gothique...
Une nouvelle église a été construite, bien plus bas, lieu indiqué selon la légende par Dieu lui-même à un habitant. Le prêtre qui y officie a sa maison toute proche et c'est lui (ou un de ses novices) qui accompagne les visiteurs jusqu'à l'ancienne église, là-haut. Comme on le voit, un escalier de bois a été depuis mis en place pour y accéder plus facilement :


Une fois arrivé, vue imprenable et silence profond, seulement troublé par le vent et les cris des singes...