SIN CITY
Sin City est une série de comics de Frank Miller (scénario et dessin) comportant 7 tomes publiés entre 1991 et 2000.
Cette série devenue culte se caractérise déjà par l'emploi quasi exclusif du noir et blanc.
Ce qui colle parfaitement à l'ambiance noire du comics, inspiré par les polars "Hard Boiled", dans la grande tradition de Raymond Chandler (détectives, femmes fatales, etc.). Et par la noirceur du ton : Miller n'y v pas de main morte avec Sin City, la cité du vice et du pêché.
Cette mégapole est un nid à vermines, presque l'héroïne de l'histoire.
Ici, presque tout le monde est corrompu, c'est sexe, prostitution, drogue, tortures et surtout, ultra violence. Sans concession.
La série détonne donc avec ce ton très violent et un graphisme en noir & blanc exceptionnel. Au moins sur le point des graphisme, à peu près tout le monde est d'accord : Miller a effectué un extraordinaire travail sur le contraste et la lumière. Moi cela me rappelle un peu le travail au pochoir... mais puissance 10. En fait on peut très bien lire la série d'une traite sans faire gaffe. Mais si on commence à détailler chaque planche avec soin, on apprend beaucoup sur le dessin. C'est fou ce qu'on peut arriver à faire avec du noir & blanc.
Miller glisse parfois un élément de couleur très ponctuellement (yeux bleus d'un personnage, peau jaune d'un protagoniste, etc...) et ça marche plutôt bien pour casser les codes.
Là ou Sin City divise, c'est sur le gore, la surenchère de violence ultra caricaturale. Certains la trouve gratuite, avec la volonté de choquer (comme avec l'emploi du symbole de la svastika). Sans doute. Mais d'un côté, le thème veut ça. Ceci dit, est-ce que les détracteurs ont lu RanXerox ? Alors, violence justifiée ou pas ? Volonté de susciter le dégoût ? Artifice commercial ou artistique ? Ce sera à vous de juger. Miller rajoute une dose d'ironie, de cynisme, et d'humour second degré le long de la saga.
La création de Sin City résulte d'une frustration de Frank Miller à la suite de ses travaux pour les éditeurs vedettes Marvel Comics et DC, ainsi que pour le cinéma (RoboCop 2), qui ne lui laissaient pas suffisamment de contrôle artistique. Miller était ainsi le créateur d'Elektra pour Marvel, mais sans en avoir les droits. Aux EU, les personnages de comics de Marvel ou DC appartiennent à l'éditeur et non à leur créateur. Même si la donne commence à changer avec l'expansion des éditeurs de comics indépendants, mais c'est un autre sujet.
Frank Miller a ainsi souhaité créer sa propre série, dont il possèderait tous les droits.
Sin City a fait l'objet d'un film réalisé en 2005 par Robert Rodriguez et Frank Miller lui-même, comportant une scène réalisée par Quentin Tarantino. Un second film, toujours réalisé par Rodriguez et Miller, Sin City : J'ai tué pour elle, est sorti en 2014.
Les 7 volumes de la série :
Sin City (The Hard Goodbye)
J'ai tué pour elle (A Dame to Kill for)
Le Grand Carnage (The Big Fat Kill)
Cet Enfant de salaud (That Yellow Bastard)
Valeurs familiales (Family Values)
Des filles et des flingues (Booze, Broads & Bullets)
L'Enfer en retour (Hell and Back)
Mon avis sur les volumes :
Le premier est une véritable baffe, l'un de ceux où la surenchère de violence est la plus forte car on n'y est pas forcément préparé. On y croise le premier héros de la série, Marv, une espèce de psychopathe bâti comme Hulk et qui part en croisade pour sauver sa peau et venger la mort d'une prostituée.
Le deuxième et le troisième vont mettre en scène un second héros, Dwight, moins caricatural que Marv, et que j'ai trouvé très intéressant : il est plus ambigu, plus moral, mais violent et pragmatique.
Le quatrième est celui où l'on voit apparaître le 3è héros de la série, Hartigan, un flic intègre de 60 balais devant prendre sa retraite car souffrant de problèmes cardiaques.
Ces 3 personnages ont en commun d'être complètement "hard boiled" : ils peuvent se prendre des pains dans la gueule, des balles dans le buffet : tous partagent une résistance morale exceptionnelle pour supporter la douleur et se dépasser, puisant aux fin fond d'eux-mêmes des forces insoupçonnées, là où les autres auraient abandonné. Ils faut dire que les trois hommes partagent une idée fixe, principalement sauver ou venger quelqu'un. On retrouve donc le même archétype de personnage, ce qui est un peu redondant et répétitif dès le 4è tome. Pour donner une idée, le type Hard Boiled était dans la même veine que Rorschach des Watchmen.
Tout au long de la série, il n'est pas rare de retrouver les autres personnages ou héros, car tout ce petit monde se croise dans Sin City. Avec un certain nombre de flash back, Miller construit une espèce de mosaïque où l'on retrouve parfois quelques pièces de puzzle pour porter un éclairage différent sur une scène que nous connaissions, en donnant un point de vue alternatif par les yeux d'un autre protagoniste. C'est un peu le même procédé utilisé par Tarantino dans Pulp Fiction, et ce n'est pas étonnant si on le retrouve derrière la caméra de Sin City aux côtés de Robert Rodriguez.
En dehors de ces héros à fort taux de testostérone, la part belle est donnée aux filles. Une flopée de filles sensuelles et sexy, prostituées, call-girl, femmes fatales, jalonnent la série. Un vrai festival. Miller créé des filles qui sont loin d'être fragiles. Certaines sont mortelles. Au niveau de leur look, il y a plein de trouvailles : boucles d'oreilles, colliers, vêtements bondage, cuir ou latex. Esthétiquement, je les ai trouvées très réussies. Parfois un petit côté village people féminin, mais on ne va pas faire la fine bouche, Miller sait dessiner des filles diablement sexy.

Pour en revenir à la série, j'ai trouvé les volumes suivants nettement moins intéressants. Déjà, certains sont des mini-récits mis bout à bout, d'autres s'attardent sur des personnages secondaires. Le tout dernier est assez différent et effectue un retour aux sources lorgnant vers les premiers tomes, et est plutôt une bonne conclusion à la saga. Néanmoins, il reste encore en-dessous des premiers volumes. Il faut dire qu'avec eux, tout avait déjà été dit à mon avis. Les trois, voire quatre premiers volumes, constituent le sommet de la saga, et le reste est bien moins inspiré. Qu'on aime ou pas, Sin City est une oeuvre visuelle originale qui choque un peu par son contenu, et qui a marqué la BD de part ses dessins novateurs.
Mon avis sur le premier film :
Très fidèle au comics, extrêmement fidèle, peut-être trop fidèle. Pas de surprise car quasiment aucun ajout. Les dialogues sont quasiment mot pour mot tirés du comics.
Le style visuel est réussi je trouve : le film est en N&B avec des touches de couleurs. C'est nouveau, quelque chose que je n'avais pas vu avant. Cela donne un effet très BD, c'est assez spécial. Pas évident d'adhérer ou de rentrer dedans. Mais en tout cas original.
Côté histoire on va croiser les 3 héros principaux de Sin City, donc trois histoires parallèles, parfois avec des flash back. Du coup, il ne sera pas toujours très facile pour le spectateur qui n'a pas lu le comics de saisir le mélange des 3 histoires, avec l'impression d'avoir plusieurs films en un.
Si le film donne envie de découvrir les comics, tant mieux. Par contre, est-ce qu'il apporte vraiment quelque chose de plus si on les a déjà lus, je ne crois pas. Le film devrait donc ravir les fans. Pour les autres, le film n'est pas incontournable.