Jean HOUGRON / La Nuit Indochinoise

Jean Hougron, né à Mondeville (Calvados) en 1923 et décédé à Paris en 2001. Ancien prof de sciences et d'anglais à Dreux, tout en préparant une licence de Droit, il fit un stage d'un an dans une maison d'import-export marseillaise qui l'envoie en Indochine en 1947. Neuf fois plus tard, il se fait chauffeur de camion. Il parcourra le Laos, le Cambodge, la Chine du Sud, la Thaïlande, en exerçant des métiers aussi divers que variés, comme planteur de tabac, marchand de bière, etc. En Septembre 1949, il s'installa à Saïgon où il travailla à Radio-France-Asie jusqu'en juin 1951, date de son retour en France.

Un auteur qui vous emmènera loin, dès les premières pages, dans cette Indochine française d'autrefois qui "puait la saumure et le jus de poisson fermenté" et où les vieux camions Citroën P. 45 se dandinaient le long de ruelles pauvres des villages annamites.

A découvrir pour les amateurs d'ambiances exotiques à la sauce d'extrême-orient :

Voici quelques extraits qui vous plongent bien dans l'ambiance "indochinoise" :

... les ribambelles de gamins nus, les chiens gueulards et si maigres qu'on pouvait compter leurs côtes, et les petits cochons noirs et hauts sur pattes, tout cela déboulait sous les roues de mon camion.
Je longeais le canal et sa frange de sampans pourris où des lessives flottaient comme des drapeaux usés.

Ou encore :

Sous la véranda, c'était May qui remplissait les verres. Le vieux buvait du thé. Entre deux gorgées précautionneuses, il me parlait de l'Indochine d'autrefois, des quatre filles qu'il avait mariées, de ses plants de salade et du prix du poisson sec. Tout ça en vrac, dans un français consciencieux et correct d'ex-bon élève de l'école cantonale.

J'écoutais, bien assis dans un fauteuil de rotin aux lanières bruissantes. Le vieux débitait ses phrases reléchées de narration française modèle. Je rêvais, un morceau de glace en cube éblouissant au creux de mon verre de pippermint. Un oiseau, qui était peut-être un corbeau, croassait dans l'un des manguiers du jardin. Son cri noir grinçait comme une vieille clef dans un pêne rouillé.

Pittoresque, non ? En tout cas, moi j'adore, c'est le genre d'histoire que je lis avec ce genre de musique en fond sonore :



Il suffit d'un rien pour que je décolle et je m'envole plus loin qu'avec un avion... les livres sont pour moi une invitation au voyage.

Le Junker de la ligne Saïgon-Louang-Prabang passait juste au-dessus et nous étions seize à le regarder, serrés coude à coude, les oreilles bourdonnantes, assourdis par le vacarme des trois moteurs ronflant à plein régime.
Juste un village comme les autres, semblable à tous ceux que nous avions survolés depuis l'aube, colorié comme un jeu de construction avec le rouge ocré de ses deux routes en croix, les quatre angles d'un blanc crayeux des bâtiments européens pointés vers la place rectangulaire et un peu partout, au hasard des jardins, le vert jaunissant des arbres et des pelouses. Rouge, blanc, vert.
L'arc détendu du Mékong, immense et dérisoire : des hectares de sable rongés d'herbe malsaine emprisonnés dans des mailles d'eau paresseuse.
Étreignant de nos mains fiévreuses le rebord de nos strapontins nous regardions, la rétine blessée par un soleil vertical, les muscles endoloris par quatre heures de vibrations. Le Junker obliqua vers le Siam, rabotant durement l'air inégal. Le village fila au long du fuselage, disparut d'un coup avalé par une secousse plus violente.
C'est dans ce même village...

Je ne connaissais pas du tout, ayant pourtant déjà un certain nombre de romans sur la Thaïlande ou d'auteurs Thaï, l'offre étant très pauvre.
Je note...

VIC a écrit:

Je ne connaissais pas du tout, ayant pourtant déjà un certain nombre de romans sur la Thaïlande ou d'auteurs Thaï, l'offre étant très pauvre.
Je note...

Je ne sais pas si l'auteur est encore édité. Mais tu le trouveras facilement sur chapitre.com ou amazon. En plus d'être un bon auteur qui fait voyager, ses romans sont aussi un témoignage de ce qu'était l'Indochine autrefois, du temps de la période française.

La "Nuit Indochinoise" regroupe plusieurs romans et nouvelles, parmi eux tu as :

- Tu récolteras la tempête
- Rage blanche
- Soleil au ventre
- Mort en fraude
- Les Portes de l'aventure
- Les Asiates

Merci pour ces précisions. Plutôt que de commander sur internet, je préfère essayer de tomber dessus chez les bouquinistes ^^

Ces romans décrivent bien aussi les sentiments que pouvaient éprouver les Blancs vis-à-vis des Indochinois. Et on voit bien que, même s'il n'y a rien de comparable avec l'Algérie ou l'Afrique noire, certains étaient animés, hélas, de préjugés racistes à leur encontre.

Par exemple, dans "Tu récolteras la Tempête", Jean Hougron rapporte ces propos qu'il a certainement entendus quand il était là-bas :

... Leblond, ingénieur des Travaux Publics, répétait à qui voulait l'entendre avec une férocité de mathématicien : "Un Blanc vaut cinq Annamites et un Annamite, dix Laotiens", et il ajoutait en crachotant à la figure de son interlocuteur : "Je ne plaisante pas. Ne croyez pas à une mise en équation arbitraire, c'est le résultat statistique de vingt ans d'observation. Un contre cinquante et je suis modeste."

Ce genre de préjugés étaient assez courants chez les fonctionnaires de la métropole qui venaient s'établir en Indochine. Tout cela parce que le rythme de travail d'un Asiatique diffère de celui d'un Blanc. En Extrême-Orient, on prend généralement son temps. En Europe, on est souvent trop pressé.

De-là, certains se sont laissés aller à imaginer je ne sais quelles théories plus ou moins racistes sur la supposée nonchalance des Indochinois...

Toujours sur l'Indochine, il y a également Sud lointain de Erwan Bergot, une trilogie comprenant :
- Le courrier de Saïgon
- La rivière des parfums
- Le maître de Bao Tan


Le destin et les aventures de trois français s'embarquant pour la péninsule indochinoise, de 1900 à la bataille de Dien Bien Phu en 1954, qui verra la fin de la présence française en Indochine. L'un sera planteur et propriétaire d'un domaine, le second est un aristocrate aventurier, le dernier un médecin.
C'est pas tout jeune, mais j'en ai gardé un bon souvenir et on revisite sur trois-quarts de siècle ce qui fût l'Indochine française, de Saïgon à Hanoï en passant par Hué, entre grandes plantations, opium, aventure et trafic, occupation japonaise et fin de la domination française.
Un téléfilm en a été tiré, dont on trouve des épisodes sur DailyMotion.

De Erwan Bergot, je connais plutôt ses livres qu'il a écrit sur la Légion.





Mais je ne connaissais pas "Sud Lointain". Je vais me renseigner pour le trouver à la FNAC ou dans telle autre librairie.

Bonne chance car c'est pas tout jeune... Je doute que cette oeuvre soit encore éditée.

Voyageur Solitaire a écrit:

Bonne chance car c'est pas tout jeune... Je doute que cette oeuvre soit encore éditée.

Je vois. C'est un peu comme Jean Hougron, alors. Les livres que je vous ai présentés sont des vieilles éditions des années 60 que j'ai trouvé en fouillant les cartons de bouquins dans la cave chez mes parents.

Je ne connaissais même pas l'existence de cet auteur avant que je le découvre ainsi.