Le Sumi
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Nous poursuivons notre découverte des différentes techniques picturales et de ce qui les entoure au Japon cette fois. Le
Sumi est l'encre japonaise, traditionnelle, réservée aux maîtres de la calligraphie nipponne. Elle est, encore aujourd'hui, fabriquée selon un rituel ancestral, comme nous allons le voir.
Le
Sumi est confectionné à partir d'un mélange de colle animale et de suie (de pin généralement), sous forme solide. Il y a d'abord tout un processus de fabrication pour mêler, avec l'exactitude d'un alchimiste, les différents composants de la suie et de la colle, tout en veillant à la température exacte. Cela se passe dans une pièce spéciale, où s'alignent plus de 400 lampes dans lesquels baigne une huile végétale qui est chauffée et qui produira la suie :
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Régulièrement, l'artisan vient verser de l'huile dans chaque lampe, le tout dans une chaleur et une atmosphère étouffante :
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Toutes les 20 minutes, l'artisan éteint chaque lampe pour en nettoyer le couvercle afin de récupérer la précieuse suie qui s'y est déposée. La lampe est ensuite rallumée, on ajoute à nouveau de l'huile et le processus reprend.
Dans une autre pièce, c'est la colle (
nikawa) qui est fabriquée dans de grands chaudrons. Il s'agit en fait de gélatine de bœuf non raffinée.
Une fois colle et suie mêlées, le mélange est refroidi et prend une forme solide, compacte, une sorte de "pâte d'encre", le
yokan, qui va être ensuite longuement malaxée et martelée avec les pieds nus :
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Une fois l'artisan satisfait, la pâte est déposée dans un moule pour lui donner la forme d'un bâtonnet avant d'être passée à la presse :
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Le résultat final ? Un bâtonnet d'encre qui va être mis à sécher dans la cendre. Toute la journée, un autre artisan va remuer les cendres pour les aérer et veiller à ce qu'elles ne soient ni trop humides ni trop sèches. Le tout dans une atmosphère saturée de cendres et de poussière. Puis les bâtonnets seront enfin suspendus, par centaines, sur des nattes, pendant parfois des mois entiers, des années même, dans une pièce spécifique. Certains restent ainsi exposés pendant plus de 60 ans.
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Ils seront ensuite vendus, parfois accompagnés de leur pierre à encre et de tout le nécessaire à écrire. Les plus réputés sont proposés dans des étuis en bois précieux de paulownia et souvent rehaussés d'une fine calligraphie à l'or.
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Il ne reste plus qu'à préparer l'encre. Pour cela, on verse un peu d'eau sur la pierre à encre au moyen de la petite verseuse, puis on y frotte son bâtonnet, en un mouvement circulaire spécifique, afin d'obtenir l'encre sous sa forme liquide. On peut alors y tremper son pinceau.
La pierre à encre est en pierre, traditionnellement une roche éruptive sous-marine spécifique. Elle est constituée d'une partie plate, la "montagne" et d'une partie creuse, la "mer", qui recueille l'encre devenue liquide. Les maîtres calligraphes les plus exigeants se soucient du grain de la pierre, de sa texture et jusqu'au son que produit le bâtonnet lorsqu'on le frotte... Les pierres à encre les plus réputées peuvent servir un siècle entier avant d'être usées. Traditionnellement de forme pure et rectangulaire, elles peuvent parfois prendre d'autres formes, de fleurs ou d'animaux et être décorées.
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C'est ainsi que s'est fabriquée (et se fabrique toujours) l'encre
sumi, réservée aux maîtres de la calligraphie japonaise.
Bien sûr, aujourd'hui, il n'est plus question d'attendre 60 ans et de payer des centaines d'euros, sinon plus, pour obtenir les fameux bâtonnets. Ces derniers sont produits industriellement, fabriqués avec des colles chimiques et les pierres à encre sont en pierre toute simple. Voire en plastique...
Mais l'art de fabrication du
sumi à l'ancienne existe toujours, principalement dans la ville de Nara. On peut visiter la fabrique et suivre le processus de fabrication. Et ainsi s'initier à une technique et un art millénaires qui font partie du patrimoine culturel japonais.