GHITA D'ALIZARR

Nous en avons parlé dans le sujet consacré aux dessins noirs et blancs de Franck Thorne.

C'est en 1978 que ce dernier quitte Marvel et délaisse Red Sonja pour créer son héroïne, Ghita d'Alizarr. Avec elle, il lance ce qu'on n'a pas hésité à appeler la Fantasy érotique.
Ghita, c'est clairement Red Sonja, mais blonde là où l'hyrkanienne est rousse. Aussi peu vêtue, Ghita est néanmoins nettement moins farouche que sa consoeur puisque, au début de ses aventures, elle se prostitue pour vivre. Formes pulpeuses, bouche gourmande et yeux soulignés d'eye-liner, notre belle ne dédaigne pas les poses lascives, les étreintes vigoureuses avec de beaux mâles, ni de se promener seins et foufoune à l'air. Puis notre pulpeuse héroïne va rencontrer un compagnon, un magicien qui ressemble furieusement à Yaztromo et qui n'est autre que Thorne lui-même, transposé en dessin. Formant un couple d'aventuriers (en tout bien tout honneur), ils vont vivre de multiples aventures qui mèneront Ghita jusqu'à la puissante et fastueuse cité d'Alizarr dont elle finira par conquérir le trône, devenant ainsi "la putain couronnée".

Autant le dire, Frank Thorne s'est fait plaisir, en créant cette héroïne pulpeuse et peu farouche comme il les aimait et en se transposant à ses côtés. On y retrouve ses dessins chargés, ornementés, ses univers presque byzantins parfois, avec un texte envahissant qui bouffe une bonne partie de la page. Mais le tout à la sauce sexy, avec des aventures où la belle se balade et se retrouve souvent à poil, pour le plaisir évident de son créateur et du lecteur. A lire au second degré donc, pour un moment de plaisir et de bonne humeur, assez coquin. On est bien dans l'esprit "libération sexuelle" de ces années 1970 avec ce personnage féminin à la sexualité affirmée et libre. Pas sûr qu'elle plaise aux féministes d'aujourd'hui...



Comme nous l'avons vu dans le sujet consacré, Thorne était grand amateur de cosplay avant l'heure.
Il s'était donc mis en scène avec sa belle héroïne, incarnée par la voluptueuse Linda Behrle :



C'est cette dernière qui lui servît d'inspiration et de modèle pour son héroïne, même si, de l'aveu même de Thorne, sa muse était son épouse, Marilyn, mère de leurs quatre enfants et grand-mère de leurs dix petits-enfants et avec laquelle il fût marié plus de cinquante ans. Rappelons qu'elle mourût quelques heures après lui.

Ghita a eu son heure de gloire en tant qu'héroïne, faisant la couverture de nombreux magazines de l'époque dont Ere comprimée dont nous avons déjà parlé par ailleurs et qui publia plusieurs de ses aventures. On trouve également des collections complètes de ses aventures.

Est-ce que tu l'as lu entièrement ? Je me demandais si le scénario tenait la route. Ça m'intéresse plus que Red Sonja (perso à licence, sexy pas autant assumé donc autant aller jusqu'au bout du délire 70's avec Ghita).
Il y a une intégrale couleur de ses aventures mais le prix est trop cher pour moi, et je préfère le N&B.

J'en ai lu quelques-uns et je n'ai pas été emballé.
J'apprécie les décors, costumes et univers mais c'est trop invraisemblable pour moi. La bombasse aux jambes interminables et aux gros lolos qui se balade au milieu des démons et des guerriers, à moitié à poil la plupart du temps, c'est sympa mais j'aime trop la Fantasy pour adhérer. Je rapproche ça, avec de gros guillemets, à certaines aventures dessinées par Milo Manara.

Mais esthétiquement, c'est réussi, c'est plaisant à lire et regarder. Et en tant que dessinateur amateur qui aime l'originalité dans les accessoires, les décors et tenues, c'est un régal et une source d'inspiration. En tant qu'amoureux de la Fantasy, ça fait sourire et je préfère largement ses aventures de Red Sonja (bien que cette dernière ne soit pas vraiment crédible non plus avec son bikini de mailles mais bon...).
Et puis, graphiquement, c'est chargé quand-même : trop de texte qui bouffe les cases, trop de volutes et d'arabesques, ça fait fouillis, ça en vient presque à gêner la lecture par moments. C'est pourquoi je préfère la version couleurs, on y distingue mieux les objets et personnages.

Merci pour ton retour.

Astre*Solitaire a écrit:

Il y a comme un petit côté poupée Barbie qui annule toute idée d'érotisme.

Bien d'accord.
L'érotisme pour moi implique un certain charme, une certaine sensualité. Là, on a une bombe anatomique, jambes interminables, fesses rebondies, poitrine opulente et bouche gourmande, qui s'arrange toujours pour montrer son (joli) cul quand elle tombe. C'est sympa au début mais très vite, ça n'a plus aucun intérêt.

Après, il peut y avoir une double grille de lecture :
- Thorne s'est fait plaisir en créant une héroïne correspondant à ses goûts et en se mettant en scène auprès d'elle.
- On peut y voir une féminité indépendante, une femme libre, à la sexualité affirmée, assumée, sans honte ni fausse pudeur. Il y a un peu de ça aussi chez Red Sonja, elle aussi un canon, mais qui ne se laisse approcher et toucher par aucun homme.

C'est assez récurrent dans la Fantasy (voire même dans la BD en général) cette figure de la femme belle, attirante et sexy, mais libre, forte et qui s'impose dans un monde d'hommes. On peut y voir une figure libertaire. Perso, j'y vois quand-même plus le côté sexuel et érotique : la femme d'autant plus excitante et attirante qu'elle est inaccessible ou intouchable. Elle a beau être respectée et admirée, elle reste un canon avant tout. Si elle n'avait pas sa beauté, les hommes ne l'importuneraient pas. Alors que si on veut être réaliste, une guerrière doit être rarement belle : vue son activité, elle doit être marquée, avoir des cicatrices, un corps (en)durci par les combats, les épreuves, la fatigue, une vie passée à galoper et combattre. Les beautés comme Thorne les dessine, on a toujours l'impression qu'elles sortent du salon de beauté... Bon, après, c'est de la Fantasy, c'est du rêve...