Le parfum est vieux comme le monde. Comme pour les épices, certains autrefois ont monté de véritables expéditions et risqué leur vie à la recherche d'essences rares tandis qu'herboristes et chimistes cherchaient à obtenir les parfums les plus rares ou précieux, qui pouvaient coûter des fortunes.
Le commerce du parfum est attesté, sur des tablettes gravées, chez les sumériens.
L'Antiquité est folle des parfums. Les égyptiens et les grecs en font une grande consommation, à la fois pour un usage sacré et profane. Les prêtres brûlent de l'encens et honorent les statues des dieux par des fumigations et des applications d'huile et d'onguents parfumés. On a retrouvé des traces de parfum dans des flacons découverts dans le trousseau des momies tandis que les athlètes grecs se massaient avec de l'huile parfumée. On en brûlait également dans les maisons en Grèce pour assainir et purifier l'air. Ce sont les grecs d'ailleurs qui ont "inventé" le flacon de parfum, les
alabastres, en terre cuite :
(Image : Jebulon)
Les principales essences utilisées ? Cannelle, acanthe, myrrhe, nard, aloès, safran... Et bien sûr l'encens, surnommé "escalier du ciel", cité 118 fois, pas moins, dans la bible. Plus tard, sur l'île de Chypre, on innove en commençant à utiliser des fleurs, rose, iris, lys, jasmin tandis qu'en Egypte, hommes et femmes, lors des fêtes, portent sur leur tête des cônes de graisse parfumée qui, en fondant, répandent une odeur délicieuse... Les romains prennent la suite mais se contentent de remplacer les flacons de terre cuite des grecs par des flacons en verre. Notons enfin qu'à cette époque, le parfum est unisexe, utilisé aussi bien par les hommes que par les femmes. A Rome, il est courant pour un homme de se parfumer les cheveux par exemple.
En Chine, c'est l'encens qui règne en maître dans les brûle-parfums. On s'en sert dans les temples, les palais mais aussi pour soi, comme ici, avec cette dame parfumant les amples manches de sa robe :
(Image : cernuschi.paris.fr)
Dans le même temps, les défunts sont accompagnés dans leur tombe par des vases emplis d'essences odorantes. On se sert des parfums pour purifier l'air, on les applique sur les vêtements également.
Entre la dynastie Sui et la dynastie Song, le parfum est partout. A tel point qu'il est même "institutionnalisé" : chaque classe, nobles, intellectuels et lettrés, choisit son type de parfum, qui lui est propre et réservé.
En Inde, en 2000 avant J.C apparaît
L'Ayurveda, science médicale du corps et de l'esprit qui utilise déjà des appareils de distillation en terre cuite et des plantes aromatiques sous forme d'huiles. Certaines seront transmises à la Chine en même temps que le bouddhisme.
Le Japon lui, reste hermétique au parfum. Ce dernier n'entre pas dans la culture japonaise où il est considéré comme intrusif et agressif. Trop individualiste aussi : un individu qui se parfume se démarque des autres, du groupe. Ce n'est que très tard, au XIXème siècle, lorsque l'archipel s'ouvre à nouveau au monde après des siècles d'isolement que samouraïs et nobles dames découvrent le parfum tel que nous le concevons. Pourtant, les japonais parfument volontiers leur intérieur, coussins, tissus, rideaux, de préférence avec des senteurs florales ou fruitées. Mais chez soi, on n'agresse pas les autres avec ses odeurs... Seule exception, l'encens, incontournable.
Le Moyen-Age reste indifférent aux parfums, "artifices du diable" selon l'Eglise.
Ce sont les arabes qui en sont fous. Eau de rose et eau de fleur d'oranger, jasmin, essences florales de jonquilles, d'iris... Les grandes villes ont toutes leur quartier des parfumeurs où s'étalent des rangées de flacons emplies de senteurs : pin, myrte, cannelle, cèdre, ambre... Des parfums en général assez lourds, chauds, puissants. Les arabes vont même plus loin et progressent dans l'art de la distillation, créant des alambics sophistiqués et de nouvelles techniques permettant d'obtenir de nouvelles senteurs. Ce sont les Croisés qui vont ramener ces senteurs en Occident, souvent sous forme de savons ou de flacons d'eau de rose ou d'eau de fleur d'oranger. Ils ramènent aussi les techniques de distillation et les alambics découverts sur place.
L'invention de l'imprimerie permet une grande diffusion de ces techniques et de lancer véritablement ce que l'on peut appeler l'industrie du parfum. De nouvelles techniques apparaissent, permettant d'extraire et fixer les senteurs de fleurs pourtant fragiles et la découverte de l'alcool éthylique permet d'aller encore plus loin.
Dans le même temps, en Occident, l'hygiène recule, on se méfie de l'eau, la toilette se fait "à sec". On se tourne donc vers les parfums, lourds et capiteux de préférence, pour masquer les odeurs corporelles. On parfume son bain, ses vêtements, ses gants, ses cheveux, voire son éventail... Au XVIIIème siècle, un parfumeur italien, Ferina, installé à Cologne, crée l'eau de Cologne, fraîche, tonique, légère, qui connaît très vite un vif succès.
Le mode d'application change également : auparavant et pendant longtemps, le parfum est une huile ou un onguent que l'on applique sur la peau avant de masser ou frictionner. Au XIXème siècle, c'est la révolution avec l'apparition du vaporisateur et sa fameuse pompe reliée au flacon. Dans le même temps, le parfum se féminise, les hommes s'en éloignent. La publicité apparaît de même que la fabrication en série.
Dernière innovation : les parfums de synthèse, liés aux progrès de la chimie. Guerlain lance en 1889 le premier parfum de synthèse à base de vanille et de coumarine. L'âge d'or de la parfumerie française s'étale entre 1920 et 1960. En 1925, Guerlain lance son célèbre
Shalimar ("temple de l'amour" en sanscrit), premier parfum "oriental" inspiré par l'histoire du Taj Mahal, à base d'iris, de bergamote et de vanille... En 1921, Chanel crée l'iconique N°05, parfum entièrement artificiel alors que jusqu'ici, les parfums étaient faits à base de senteurs florales naturelles. La couturière avait demandé à son spécialiste plusieurs échantillons et avait arrêté son choix sur le n°05. Rompant avec les flacons lourdement ornementés de l'époque, elle choisît un flacon sobre, aux lignes pures, inspiré de la fiasque à vodka russe, idée inspirée par sa liaison avec un grand seigneur russe.
Aujourd'hui, le parfum est devenu une formidable industrie et un non moins formidable et lucratif marché.
Les plus grands génies de la parfumerie sont des
nez, que les grandes maisons s'arrachent à prix d'or, les plus célèbres ayant chacune le leur attitré. Le plus célèbre et le moins connu en même temps est sans doute Ernest Beaux qui créa le fameux N°05 de Chanel. Ce sont des hommes et femmes qui ont un odorat et des facultés olfactives très développés, chargés de composer les mélanges les plus subtils. Pour l'anecdote, Serge Brussolo s'en inspire dans son roman
Le labyrinthe de Pharaon, imaginant un tombeau avec un labyrinthe piégé où le seul chemin sûr se repère à l'odorat...
Les fleurs les plus utilisées en parfumerie ? La rose, le jasmin, la tubéreuse, l'iris et la violette, la fleur d'oranger et la lavande, le mimosa et le magnolia.
Les fruits ? Les agrumes majoritairement, citrons, oranges, bergamote.
Le produit de synthèse le plus utilisé ? La vanille.
Les matière végétales ? Cannelle, santal, cèdre et bouleau, encens et romarin, vétiver, patchouli et verveine...
Pour vous y retrouver, voici les sept grandes familles olfactives de parfums :
Les
FlorauxElaborés autour d’une ou plusieurs senteurs florales. Lorsqu’une impression olfactive est fondée sur une seule fleur, on parle de
soliflores.
Les
BoisésLes "boisés" désignent des parfums dominés par des notes boisées telles le vétiver, le cèdre, le santal, le patchouli ou encore l'ambre.
Les
OrientauxLes "orientaux" sont dominés par un mélange de vanille, de notes de baumes et de résines telles la fève tonka, la coumarine ou l’opopanax, auxquelles se mêlent des notes de bois, d'épices ou de fleurs. Cette famille olfactive doit son nom à
Ambre Antique, créé en 1908 par François Coty. C'est une famille très large, représentée aussi bien chez les femmes que chez les hommes. La famille orientale comprend plusieurs sous-familles : les orientaux boisés (
Allure et
Allure pour Homme de Chanel), les orientaux-vanillés (
Shalimar,
Lde Lolita Lempicka), les orientaux-floraux (
L'Instant de Guerlain,
Flower by Kenzo), les orientaux-épicés (
Opium d'Yves Saint Laurent), les orientaux-gourmands (
Angel)…
Les
HespéridésConstruits à base de zestes d’agrumes (citrons, oranges) et qui constituent en principe la dominante des eaux de Cologne.
Les
FougèresEn référence à
Fougère Royale d’Houbigant, construits sur une alliance de lavande, notes aromatiques, géranium, vétiver, coumarine, mousse de chêne. Elles sont à la base de nombreuses eaux de toilette masculines.
Jicky, une des seules vraies fougères au féminin est créé en 1889 par Guerlain.
Pour un Homme, créé par Caron en 1934, reste aujourd’hui un des parfums fougère les plus emblématiques (c'est le mien).
Les
chyprésLes "chyprés" (ou chypres) forment une famille née après la création du parfum
Chypre en 1917 de François Coty. Ce sont des parfums initialement construits sur un accord bergamote notes fleuries (rose, jasmin…) et évoluant vers un fond boisé / mousse (mousse de chêne-patchouli).
Les
CuirsLes "cuirs" sont des créations olfactives rappelant l'odeur du cuir tanné. On a souvent coutume de classer cette famille, très petite, dans la famille des chyprés. Très typés, les parfums cuirs sont généralement portés indifféremment par les hommes ou les femmes. Pour reproduire l'odeur du cuir, on utilise des notes pyrogénées comme le bouleau, l'Isobutyl quinoléine (molécule de synthèse à odeur de cuir puissante et légèrement verte) ainsi que d'autres composants comme les notes animales, le ciste labdanum, les accords de tabac ou de miel... Exemples de cuirs célèbres :
Bel Ami d'Hermès,
Cuir de Russie de Chanel,
Cuir de Russie de L.T. Piver,
Bandit de Robert Piguet,
Tabac Blond de Caron.