Enorme succès au Japon, d'autant plus inattendu vu l'auteur et le thème traité…
Sorti en mai 2015,
Le mari de mon frère aborde un thème encore tabou au Japon.
Yaichi, jeune homme divorcé, élève avec amour et protection Kana, sa fille, une gamine éveillée, curieuse et qui n'a pas la langue dans sa poche. Elever sa fille permet à Yaichi d'oublier plus ou moins la perte de Ryoji, son frère jumeau mort dans un accident au Canada où il vivait depuis 10 ans.
Un jour, on sonne à la porte et Yaichi découvre un inconnu, un occidental, colosse barbu et rouquin taillé comme un ours, Mike, qui le prend dans ses bras avec émotion. Yaichi découvre alors stupéfait que Mike est… le mari de son frère décédé. De passage au Japon, Mike a voulu faire la connaissance de son beau-frère. Malgré les grandes réticences de Yaichi, Mike va séjourner à la maison le temps de son séjour. La petite Kana, elle, accroche immédiatement avec "tonton Mike", le courant passe très bien entre eux et une véritable affection se noue entre le colosse barbu et la petite. Mal à l'aise, sous le choc, en proie à des sentiments contradictoires, Yaichi va devoir gérer cette cohabitation inattendue…
Un sujet sur lequel on n'attendait pas forcément Gengoroh Tagame, ouvertement gay et d'habitude auteur de Mangas réservés à un public très averti mettant en scène, de façon explicite, des relations entre hommes plutôt "hard".
Notre auteur fait très fort ici : sans vulgarité, sans aucune scène de sexe ou ambiguïté, il s'attaque à des sujets tabous de son pays : l'homosexualité, l'homoparentalité quelque part, un homme élevant seul son enfant (chose peu courante au Japon), le tout à travers le regard d'un enfant de surcroît. On y trouve aussi le deuil (Yaichi est resté très marqué par la mort de son jumeau), le choc des cultures avec Mike, l'occidental jovial et bon gars qui débarque sans rien connaître des us et coutumes du pays du Soleil Levant.
Pourtant, ce fût un succès énorme. Prix d'excellence au Japon, sélectionné au Festival de la BD d'Angoulême, l'œuvre connaît sept réimpressions en moins d'un an devant l'enthousiasme du public et un succès qui ne se dément pas. Le Manga a même été adapté en série TV.
On pourrait, à la lecture, s'attendre évidemment à un plaidoyer et il est présent, en filigrane. Mais il faut le reconnaître, c'est bien fait, c'est souvent amusant, certaines situations sont cocasses (quand Mike découvre certains aspects de la vie japonaise) et les personnages bien définis. Kana est le plus marquant, gamine éveillée, curieuse, qui pose les questions qui dérangent à son père complètement largué et ne comprend pas pourquoi ce dernier est gêné pour lui répondre… Mike le brave gars franc et sympa, plein de bonne volonté mais éléphant dans un magasin de porcelaine et qui a l'impression de revoir devant lui son mari défunt (Yaichi et Ryoji étant jumeaux)... Et Yaichi, coincé, qui tente de gérer tout ça, partagé entre rejet, souvenir de son frère, découverte de l'autre… Et qui va finalement accepter ce beau-frère inattendu comme tel. Sans oublier, de manière épisodique, l'ex-femme de Yaichi qui vient voir sa fille et se demande qui est ce type bizarre qui semble vivre à la maison...
C'est plaisant, sympa, aucune vulgarité et ça aborde des thèmes difficiles avec intelligence. Il y a bien sûr un message mais qui n'est pas dans la revendication affirmée ou destiné à un public particulier, je m'attendais à quelque chose de plus revendicatif et militant. Je pense que tout le monde peut le lire et le trouver sympa et agréable.