JUDGE DREDD
J'ai trouvé une intégrale du Judge Dredd Affaires Classées n°1 d'occasion, ce qui m'a donné l'opportunité de vraiment découvrir ce comic culte.
L'essentiel de l'intégrale est en N&B mais il y a quelques pages couleurs -plutôt sympas- dans l'ouvrage qui dépasse les 300 pages, retraçant les premières aventures du héros.
- Citation :
Judge Dredd est un personnage de fiction de bande dessinée créé par le scénariste John Wagner et le dessinateur Carlos Ezquerra. Les aventures du personnage débutent dans la revue britannique de science-fiction pour adultes 2000 A.D. en 1977 ; par la suite il apparaît dans la revue Judge Dredd Megazine (1990), dans une série qui lui était entièrement dédiée.
Dans la bande dessinée, l'officier de police Joseph « Joe » Dredd fait partie des forces de l'ordre de Mega-City One, une mégacité imaginaire issue d'un futur dystopique post-apocalyptique qui couvre la majeure partie de la côte est de l'Amérique du Nord. En tant que « Juge de rue », Dred est habilité à arrêter, condamner et exécuter de façon sommaire les criminels qui pullulent à Mega-City One en vertu des lois sécuritaires en cours dans la série.
Au cinéma, le personnage a été interprété par Sylvester Stallone dans le film Judge Dredd (1995) de Danny Cannon et par Karl Urban dans Dredd (2012) de Pete Travis.
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Les Juges sont équipés de manière variable. Ils puisent dans un choix d'équipement standardisé propre aux Juges de rue, cet équipement diffère aussi selon l'époque.
Généralement, ils utilisent une moto futuriste surpuissante pour se déplacer et portent un uniforme bien reconnaissable agrémenté d'une ceinture équipée de rangements pour divers équipements, allant des menottes au chargeur en passant par le médikit et bien d'autres outils. Une version recommandée existe quant à son contenu, mais le casque et les autres signes distinctifs de la tenue sont indissociables de l'arme de service standard du Juge de rue, un puissant pistolet multifonction :
L'arme de service standard d'un Juge de rue est conçue spécifiquement pour que seul le juge autorisé à l'utiliser puisse la saisir et la conserver en main ; si une autre personne tente de l'utiliser, l’arme s'autodétruit en blessant, voire en tuant l'utilisateur non autorisé. L'aspect le plus particulier de cette arme est sa capacité à utiliser des munitions dont les effets sont très différents : balle simple, munition blindée, munition guidée comme un mini missile, munition incendiaire, etc. La capacité du chargeur diffère selon les cas. Un ordinateur hyper spécialisé est intégré dans l'arme, la rendant obéissante aux commandes verbales du juge et répondant vocalement aux commandes reçues ; elle ne fait pas la conversation mais est d'une efficacité toute martiale, verbalement comme pour tout le reste.
Un équipement incontournable du Juge est la radio intégrée à l'uniforme pour pouvoir rester en contact avec le contrôle.
Mon avis :
Si j'avais vu le premier film -avec Stallone- lors de sa sortie, je ne connaissais rien à peu près à ce héros de BD, le plus célèbre des héros de BD anglais dixit ses créateurs.
Dans mon imaginaire d'ado, Dredd était un peu l'incarnation d'un flic fasciste.
Cette intégrale offre une très belle préface du patron de 2000 AD à l'origine de la création du Juge, préface vraiment très instructive, qui nous offre plusieurs éclairages intéressants. Tout d'abord, la création du JD a été fortement influencée par 1 autre histoire de comic, notamment l'aspect inflexible d'un flic qui tue un passant qui s'enfuit après unique un tir de sommation. C'était une histoire d'une seule page avait aussi une dimension comique -la loi au dessous de tout-, et est reproduite dans cette intégrale ce qui est excellent. Le JD avait donc été conçu en ce sens, un flic impitoyable jusqu'à l'absurde, avec du second degré, j'insiste. Le concept, c'était de faire un super flic capable de buter quelqu'un qui jetait un papier gras dans la rue. Il était conçu pour une sortie en comic hebdomadaire. Ce comic visait les ados, mais voulait quand même pouvoir plaire aux adultes. Au fait, 2000 AD avait été conçu pour anticiper la sortie de Star Wars et surfer sur une vague SF.
Une autre influence, pour le casque du juge, fut celle du film de 1975 : La Course à la mort de l'an 2000.
Enfin, une autre influence citée fut celle de la revue Metal Hurlant, avec Moebius, Druillet et Caza.
La préface nous apprend que le scénariste n'avait pas accroché au dessin de la ville futuriste d'Ezquerra, espagnol qui s'était inspiré de Gaudi pour créer une version très SF de la ville Mega-City One. Ce désaccord avait rangé provisoirement JD au placard, avant qu'il ne soit repris par d'autres auteurs, scénaristes et dessinateurs, qui trouvèrent finalement un compromis entre le réalisme d'un cité futuriste à gratte-ciel, et les courbes inspirées par Gaudi.
première version imaginée
En fait, le procédé était courant en Angleterre : les auteurs de comics étaient exploités par l'éditeur et ne détenaient pas les droits de leur création. Les éditeurs mettaient ainsi la pression sur eux et en faisaient des auteurs jetables. Les comics anglais voyaient donc se succéder plusieurs scénaristes et dessinateurs pour un travail à la chaîne. Ce qui a inspiré d'ailleurs le premier arc narratif principal de la série, sur la révolte des Robots. Il faut y lire au second degré, une révolte des auteurs de comics jetables, face au monde de l'édition. Cet arc narratif était l'œuvre de Wagner, les créateurs ayant repris très vite le contrôle de leur héros vu le succès des premiers épisodes, tout en laissant différents auteurs travailler sur la série. De mon côté, j'avais interprété la révolte des Robots comme celle des esclaves noirs. Un autre exemple du second degré de la série, c'est que Dredd est par bien des aspects une véritable machine dénuée d'émotion, alors que les robots, qui en sont pourvus, apparaissent comme plus humains. Paradoxe.
J'y vois d'ailleurs un parallèle avec le Robocop qui sortira en 1987, soit 10 ans après la 1ère parution du JD. Voilà un autre flic dénué d'émotions, sauf que lui, c'est un robot.
D'ailleurs, en 1986, Iron Maiden sortait ça :
avec, parmi les nombreux clins d'œil de la pochette, le Bradbury Hotel de Blade Runner. K.Dick est évidemment une référence en matière de révolte de robots avec ses répliquants capables d'émotions.
L'influence espagnole sera également présente dans un second arc narratif, quand JD est muté à Luna City, une ville colonie sur la lune : ici la série est transposée en western futuriste. Les flics sont des pistoleros, il y a des saloons, des sombreros, etc. C'est foutrac mais sympa. Un peu comme ça, histoire de rester avec l'Iron Maiden de 1986 :
Pour contrebalancer l'aspect " inhumain" du juge, les auteurs décident d'adoucir le trait en le faisant résider chez sa logeuse, une vielle dame Italienne. Parti pris.
Ils font aussi le pari de lui adjoindre un robot personnel, Walter, qui aura même sa propre série dérivée. Walter est un robot serviable à l'extrême, qui pleure de l'huile dès qu'il stresse, dont le rêve n'est que d'être l'esclave du Juge. Ce qui est vouaiment touais pénib, c'est que Walter le wobot parle awec un accent petit negre dans la BD. C'est de mauvais goût, et surtout, ça m'insupportait pendant ma lecture. Un robot programmé avec un accent aurait pu être drôle, mais cet accent là dans le contexte de l'esclavage, il faut une bonne dose de second degré pour faire passer le truc. Mais bof quoi, perso, je déteste cet accent. Walter est un peu le majordome de JD, mais c'est un bouffon vraiment pénible, placé là probablement pour séduire un lectorat plus enfantin. Il est censé apporter la note d'humour qui manque à JD. Walter passe son temps à offrir des cadeaux au juge (des chaussettes gravées au nom de Juge Dredd, un petit canard en plastique pour le bain du JD, etc.). Ces cadeaux débiles sont effectivement plutôt rigolos.
Et au final, ça donne quoi ? Des aventures ultra courtes -6 pages-, donc forcément rythmées, qui vont à l'essentiel, produites par différents auteurs. Un crime est commis, 6 pages pour traquer le criminel, ça rappelle effectivement quelques productions de super héros de l'époque (un peu comme les aventures de la Chose en solo dans les Strange). Heureusement, des arcs narratifs façon serial vont perdurer sur plusieurs parutions pour offrir des aventures plus étoffées.
Perso, j'ai trouvé la lecture assez dispensable. Je m'attendais à une subversion façon Ranx Xerox : on en est loin. Cela s'adresse plutôt aux ados. Reste qu'au final, cela m'a quand même intéressé de revenir aux sources et de me faire mon propre avis. C'est donc l'approche historique qui m'a rendu cette lecture enrichissante. Ou comment découvrir une série dystopique, pionnière du genre, faisant partie aujourd'hui des références de la culture geek. Et qui dénonce les dérives totalitaires, pour peu qu'on possède un peu de second degré. C'est aussi cette ambiguïté à explorer qui m'intéressait.
Pour finir, la préface nous apprend aussi qu'au départ, le Juge devait s'appeler Dread pour évoquer encore plus la mort. Un des héros inventé par le préfaceur portait d'ailleurs déjà ce nom, c'était un exorciste. Sauf que le nom a été modifié au dernier moment car un groupe de reggae existant s'appelait déjà Judge Dread. Dreadlocks. J'essaye d'imaginer le Juge en dreadlocks façon reggae, on a échappé de peu à un naufrage !