(Photo : panoramio.com)
C'est l'un des joyaux cachés de Paris, bâti un peu en retrait des Champs-Elysées. Et l'un des plus somptueux hôtels particuliers de la capitale.
Sa construction fût décidée par la Païva, une courtisane et aventurière du Second Empire, d'origine russe et polonaise. Ayant épousé une grosse fortune, elle décida de se faire construire ce fastueux hôtel dont les travaux durèrent pas moins de 10 ans pour un coût de 10 millions de francs-or, somme colossale à l'époque. "Cela coûte bien cher !" dira le mari de la belle en voyant passer la facture... L'ensemble est achevé en 1866.
Si l'extérieur reste assez "sobre" (on retiendra la double entrée de la cour, une pour les attelages entrant, l'autre pour ceux qui sortaient et un jardin "suspendu"), l'intérieur est d'un faste éclatant et chargé, caractéristique du Second Empire. Suivez le guide...
L'escalier d'onyx
C'est la pièce centrale et le joyau du bâtiment. Un escalier entièrement en onyx jaune, avec des formes fluides, qui semble s'envoler, s'enrouler vers les étages. Son onyx est très rare, un gisement venait d'être découvert près d'Oran, en Algérie et seuls les constructions les plus prestigieuses l'employaient. Eclairé par un bronze monumental, l'escalier est orné de trois statues en marbre grandeur nature de Dante, Pétrarque et Virgile.
(Photo : imgrum.org)
(Photo : uneviedansparis.fr)
(Photo : leparisien.fr)
Le grand salon
(Photo : happyusbook.com)
La pièce principale, feutrée, capitonnée et luxueuse à souhait... Ses fenêtres donnant sur les Champs-Elysées, elle est ornée de marbre rouge, d'albâtre et d'onyx sans oublier la somptueuse cheminée, surmontée de deux statues de marbre, "L'harmonie" et "la musique" :
(Photo : aurorartandsoul.fr)
La salle de bain
De style "mauresque", cette pièce où la belle se baignait, étale elle aussi un luxe insolent. Les murs sont ornés de carreaux de faïence mais c'est surtout la baignoire qui retient l'attention : il s'agit en fait d'une cuve sculptée dans un seul bloc d'onyx puis coulée dans le bronze et l'argent avec trois robinets en bronze doré ornés de turquoises. Un robinet pour l'eau froide, un pour l'eau chaude, le troisième pour des bains de lait, de tilleul, voire même... de champagne !
(Photo : arty-buzz.fr)
Salle de bain qui avait bien sûr sa cheminée afin que la maîtresse des lieux ne prenne pas froid en sortant du bain :
(Photo : arty-buzz.fr)
Le reste de la maison est à l'avenant :
Ici, une particularité architecturale de l'époque : cette cheminée au manteau de malachite est implantée sous une fenêtre. L'évacuation des fumées se faisait par des conduits latéraux, dissimulés dans les boiseries.
Peinture du plafond du salon de lecture, Le jour chassant la nuit. Cette dernière n'est autre que la maîtresse des lieux, ayant posé nue pour le peintre
(Photo : Anthony Rauchen)
Dès son inauguration, en 1866, cet hôtel défraya la chronique et stupéfia un Paris pourtant habitué au luxe et au matérialisme du Second Empire. L'hôtel Païva ou l'éclatante revanche de l'aventurière née dans le ruisseau et décriée, parfois insultée. Car la belle avait essuyé avec son projet, bien des critiques... On trouvait scandaleux qu'une ancienne putain, même de luxe, s'installe ainsi, au cœur de Paris. Et la belle avait eu droit à des moqueries venimeuses comme celle du chroniqueur Aurélien Scholl :"L'hôtel de la Païva avance bien. Il y a déjà le principal, le trottoir !"
Ces plafonds peints, ces marbres, ces ébènes et ces onyx, cette décoration dont la Païva a minutieusement suivi les moindres détails, c'était bel et bien sa revanche. Et l'on imagine les fêtes fastueuses que la maîtresse des lieux donnait dans un tel cadre... Elle y recevait ses intimes, ses amis dont Théophile Gautier, qu'elle avait lu et qu'elle admirait : le poète pouvait débarquer à n'importe quel moment sans se faire annoncer, il avait son couvert mis chaque soir. Elle reçu également les frères Goncourt jusqu'au jour où l'un d'eux eu ce mot peu galant pour son hôtesse :"Cet hôtel, c'est un peu le Louvre du cul..."
La guerre contre la Prusse et la fin du Second Empire eurent raison de la grande vie à l'hôtel Païva : en raison de ses origines et de ses liens (supposées ou réels) avec de hauts dignitaires prussiens, la belle dût fuir et se réfugier dans un exil doré en Prusse où elle mourût peu de temps après. Splendeur et misère des courtisanes...
Son hôtel est resté intégralement intact, témoignage exceptionnel de l'architecture et du style second Empire. Bâti en retrait, assez discret malgré tout (on peut passer devant sans le savoir), il abrite aujourd'hui le prestigieux
Traveller's Club et est classé Monument Historique. On peut le visiter au cours de certaines visites de groupes, assez rares toutefois, mieux vaut se renseigner longtemps avant.
(Photo : paris-capitale-historique.fr)