ANTROPOMORPHISME, L'ANIMAL ET NOUS...

L'antropomorphisme est à la base l'attribution de pensées, comportements ou sentiments humains à un animal le plus souvent. De manière banale, c'est dire de son fidèle toutou "qu'il ne lui manque que la parole". Mais cela va beaucoup plus loin...
De tous temps, dans quasiment toutes les civilisations et cultures, on a vu apparaître des dieux-animaux, des animaux déifiés (on pense bien sûr à l'Egypte des Pharaons), mais aussi quantité de créatures mi homme, mi animal : homme-singe, homme-lézard, loup-garou, centaure grec, femme-renard du Japon... Dans tous les folklores, dans tous les mythes, il y a toujours ce lien entre homme et animal. L'art a suivi et on ne compte plus les représentations de ces créatures, principalement dans l'univers de la Fantasy. C'est même un thème classique, incontournable, de cet univers.

Des fables de la Fontaine avec ses animaux si humains à Donald Duck et sa petite famille ou la BD Blacksad, des centaures grecs aux hommes-lézards de Ian Livingstone en passant par les illustrations de Nightrhino (voir L'atelier/illustrations Fantasy) ou les récits Le faux-bourdon, La femme du bois ou La femme-renard d'Abraham Merrit, l'antropomorphisme nous incite à nous interroger sur notre relation avec l'animal, sur la part animale qui est en nous.
Signalons que le phénomène s'applique aussi aux forces de la nature, personnification et "humanisation" des plantes, des sources, du vent, des fôrets...

Rusé comme un renard, malin comme un singe, fort comme un lion ou un taureau, les chamanes vous proposent donc de vous attarder ici sur l'animal qui est en vous...

(Photo de/by Vinicius Carbonera)

Ces trois là sont étroitement liés. Le paganisme vénérant majoritairement les forces de la nature (là où les religions monothéistes placent l'homme, créature de Dieu, au centre de l'univers), très tôt, la foi paganiste a humanisé les éléments naturels, sources, rivières, forêts, le soleil, la pluie... Les animaux ne pouvaient que suivre. Les hommes ont alors personnifié certaines qualités et défauts sous la forme de l'animal auquel ils prêtaient ces mêmes qualités et défauts : la force et la majesté du lion, la ruse du renard... Divinités égyptiennes, serpent à plumes et dieu-jaguar des peuples précolombiens, dieu-singe ou éléphant de l'Inde... L'animal est présent partout, compagnon des dieux ou divinité lui-même. De nombreuses divinités païennes sont un animal déifié ou ont un animal symbolique qui leur est attaché. A l'occasion, le dieu ou la déesse peut se transformer en cet animal. Les indiens d'Amérique vénéraient le bison qui leur procurait tout ce dont ils avaient besoin et nul doute que les hommes préhistoriques voyaient le mammouth de même. Dans le paganisme, l'homme et l'animal restent donc fortement liés.

La Fantasy prenant ses sources dans de nombreux mythes et légendes, elle ne pouvait rester insensible à l'antropomorphisme. De manière plus triviale, ce dernier lui permet de mettre en place tout un bestiaire, des plus riches : homme-lion, homme-singe, homme-lézard, homme-buffle, homme-oiseau, minotaure, centaure... Le concept se décline à l'infini et a fait le bonheur de générations d'illustrateurs.
Les auteurs ne sont pas en reste. Howard fait intervenir à plusieurs reprises dans les aventures de Conan une sorte d'homme-singe monstrueux, que ce soit dans Le rendez-vous des brigands, La tigresse de la Côte Noire, Le kriss et d'autres encore. Dans son cycle des Métamorphes, Jennifer Robertson campe des hommes et femmes liés à un animal "totem" qui les accompagne en permanence et dont ils peuvent prendre la forme. C'est peut-être Abraham Merritt qui s'y attarde le plus. Dans le magnifique récit La femme du bois, il "humanise" les arbres d'une forêt enchantée, qui apparaissent aux yeux du héros sous forme de guerriers aux vertes armures et de sylves délicates et mystérieuses. Dans La femme-renard, il s'inspire visiblement du mythe des femmes-renards du Japon pour son héroine, enfant recueillie par les membres d'un culte païen et qui va entretenir un lien particulier avec cet animal. Mais c'est surtout Le faux bourdon qui se consacre à ce phénomène : l'histoire commence avec une discussion entre scientifiques sur le lien entre l'homme et l'animal, avec de nombreuses références, littéraires, mythologiques ou scientifiques, avant un final carrément fantastique et inattendu.

Tiens, à ce propos, il y a des considérations intéressantes sur l'anthropomorphisme au cinéma dans un papier de Tardovski sur Silent Running, anthropomorphisme physique et comportemental.
http://jftarno.free.fr/article-silent-27.html
La bête humaine et l'homme bestial...