La Forteresse cachée (隠し砦の三悪人, Kakushi-toride no san-akunin), Akira Kurosawa, 1958Le CadreLes terres des clans Akizuki (秋月, « Lune d'automne ») et Yamana (山名氏), Japon, à l'époque
Sengoku (戦国時代), l'époque des provinces en guerre (milieu XVe–fin XVIe siècle).
SynopsisLe clan Akizuki a été défait par le clan Yamana. La princesse Yuki (Misa Uehara), accompagnée du fidèle général Makabe Rokurota (Toshiro Mifune), tente de rejoindre les terres du clan Hayakawa (早川), un clan allié, avec l'or du clan afin de reconstituer celui-ci. Ils sont aidés par Matashichi (Kamatari Fujiwara) et Tahei (Minoru Chiaki), deux paysans lâches, idiots mais avides.
Le début de l'histoireDeux hommes hagards et dépenaillés marchent dans une lande déserte. Ils s'invectivent crûment : « Tu pues la charogne ! Tu pues tellement que tu sens plus ta merde ! ». Ce sont deux paysans, Matashichi (Kamatari Fujiwara) et Tahei (Minoru Chiaki), qui ont vendu leur maison pour s'acheter des armes et participer à la guerre entre les clans Akizuki et Yamana, espérant honneur et richesse. Mais ils sont arrivé à la fin de la bataille, après la défaite des Akizuki, ont été faits prisonniers et ont été chargés d'enterrer les morts. Tentant de rejoindre leur village sur les terres du clan Hayakawa, ils sont refait prisonniers et chargés cette fois-ci d'excaver le château des Akizuki en ruine à la recherche de leur trésor. La tête de la princesse Yuki Akizuki est mise à prix 10
ryo (« pièces d'or »).
Une émeute éclate parmi les prisonniers, ce qui leur permet de s'enfuir à nouveau. Campant à la belle étoile, ils découvrent par hasard qu'une des branches qu'ils ont ramassée pour faire du feu contient une plaquette d'or avec le poinçon des Akizuki. Ils rencontrent un homme inquiétant qui leur révèle qu'il sait où se trouve le trésor des Akizuki et les amène vers une forteresse cachée dans les montagnes. Cet homme n'est autre que Makabe Rokurota (Toshiro Mifune), le général du clan Akizuki. La princesse Yuki (Misa Uehara), âgée de 16 ans, et quelques fidèles se sont réfugiés dans une grotte à proximité de la forteresse. Rokurota compte exploiter l'avidité et la crédulité des deux paysans pour les faire porter l'or pendant la fuite vers les terres du clan Hayakawa, leur faisant croire qu'ils partageront le butin. La frontière entre Akizuki et Hayakawa ayant été fermée, les paysans ont l'idée de passer par les terres des Yamana, les conquérants étant probablement moins méfiants de ce côté-là.
La princesse est un garçon manqué au caractère fort. Rokurota lui suggère donc de jouer le rôle d'une muette afin qu'on ne la reconnaisse pas. L'équipage se met en route avec la cargaison de bois recelant l'or. Mais la maladresse, la lâcheté et l'avidité des deux paysans annoncent un voyage pour le moins tourmenté…
CommentaireLe film-annonce déclame un grand film historique
(jidai geki), une fresque ayant nécessité cinq ans de tournage et tourné en CinemaScope (le format d'image le plus large, un procédé exploité tout récemment à l'époque). Mais disons-le franchement :
La Forteresse cachée est aux
Sept Samouraïs ce que
La Grande Vadrouille ou
La Septième Compagnie est au
Jour le plus long.
Le couple comique et truculent formé par Matashichi et Tahei est délicieux, les situations cocasses s'enchaînent. Mais ce n'est pas qu'un film burlesque. Comme à son habitude, Kurosawa filme la comédie humaine. On est du côté des perdants, la route est dure et dangereuse. La princesse est obligée de se mêler au bas peuple et de subir des vexations, ce qui lui ouvre les yeux sur la condition de son peuple. Bien qu'étant capricieuse et autoritaire, elle se révèle très humaine, sensible aux souffrances et choquée que des gens sacrifient leur vie pour elle.
Rokurota est un fin stratège et manipulateur, et surtout un combattant hors pair. Cela nous permet d'avoir un duel de haut vol contre le général Hyoe Tadokoro (Susumu Fujita), et qui plus est un duel à la lance
(yari) ; c'est l'occasion de se rappeler que si le
daisho (le sabre court et le sabre long) sont l'apparat symbolique du samouraï qui apparaît à cette époque, ses armes de prédilection sont bien l'arc et la lance.
On voit aussi apparaître ce qui sera une marque de fabrique de Kurosawa : le maquillage outrancier pour marquer la proximité de la mort, que l'on voit sur un des samouraïs tué au début du film.
Bon, alors il paraît que
La Forteresse cachée aurait inspiré George Lucas pour le scénario de
La Guerre des étoiles (1977, qui sera rebaptisé en 1997
Star Wars épisode IV — Un Nouvel Espoir). On lit ça un peu partout y compris sur la jaquette. George Lucas connaissant
a priori bien l'œuvre de Kurosawa — il coproduira d'ailleurs
Kagemusha en 1980 —, il est possible que certains éléments l'aient inspiré : les armures japonaises évidemment (pour Dark vador et les Stormtroopers), la présence d'une princesse et d'un couple comique (Z6PO/C3PO et D2R2/R2D2), mais ça s'arrête là. Par ailleurs, le binôme comique est un classique (l'auguste et le clown blanc au cirque, Laurel et Hardy…). Pas d'arme secrète, pas de disciple, pas de maître qui se sacrifie, pas de contrebandier.
Un film léger et divertissant donc, très bien tourné.